Parti réformiste du Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Parti réformiste du Canada

Le Parti réformiste était un mouvement politique, protestataire et populiste, de droite, implanté dans l’ouest du Canada qui a crû jusqu’à devenir l’opposition officielle au Parlement en 1997. Il a joué un rôle dans la création de l’Alliance canadienne, dans la disparition du Parti progressiste conservateur fédéral et, in fine, dans la fusion de ces deux groupes pour former ce qui est aujourd’hui le Parti conservateur.

Manning, Preston (2003)
Dans son livre, Think Big, Preston Manning retrace sa carri\u00e8re politique (avec la permission de Maclean's/photo de Peter Bregg).

Débuts

Le Parti réformiste du Canada prend son essor à partir d’une coalition de groupes d’intérêts de l’Ouest canadien mécontents du statu quo prévalant en matière de politique fédérale. Cette coalition émerge en 1986 comme une tentative de faire entendre à Ottawa une voix propre aux provinces de l’Ouest. En mai 1987, la Reform Association of Canada vote pour la création d’un parti ayant de larges assises qui serait le porte‑parole des préoccupations économiques et constitutionnelles de cette région. Officiellement fondé à Winnipeg à l’automne 1987, le nouveau parti se choisit comme chef Preston Manning, le fils d’Ernest Manning, ancien premier ministre albertain du Crédit social de 1944 à 1968.

La plate‑forme du Parti réformiste intègre les mesures traditionnelles en vogue dans les Prairies, comme le libre‑échange et la démocratie directe – référendums, initiatives locales émanant de la base et possibilité de révoquer les politiciens – ainsi que quelques propositions plus modernes, comme la création d’un Sénat conforme au trois « E », c’est‑à‑dire égalitaire entre les provinces, élu et doté d’un pouvoir effectif. Ses principales revendications sont cependant la décentralisation accompagnée d’une réduction de la taille, des prérogatives et du budget du gouvernement fédéral. Pour atteindre cet objectif, il demande plus particulièrement, des compressions portant sur les programmes sociaux et culturels, dont ceux du bilinguisme et du multiculturalisme, s’opposant, par ailleurs, farouchement aux demandes d’un statut spécial pour le Québec au sein de la Confédération.

Élections de 1988 et référendum de Charlottetown

Le Parti réformiste présente 72 candidats lors des élections fédérales de 1988, sans toutefois réussir à gagner un seul siège. Il ne rassemble sur son nom que 2 % des appuis à l’échelon national. Cependant, les résultats dans l’Ouest canadien sont encourageants, surtout en Alberta, où dans de nombreuses circonscriptions, ses candidats arrivent deuxièmes.

La crédibilité du Parti réformiste augmente en 1989 avec la victoire de Deborah Grey qui devient, à l’occasion d’une élection fédérale partielle dans une circonscription rurale de l’Alberta, sa première députée, ainsi qu’avec celle de Stanley Waters, premier réformiste à être élu sénateur lors d’élections sénatoriales sans précédent déclenchées par le gouvernement de l’Alberta. Sa popularité s’accroît encore dans les années 1990 lorsqu’il combat vigoureusement l’introduction de la taxe sur les produits et services (TPS) ainsi que les accords du lac Meech et de Charlottetown, son opposition à l’Accord de Charlottetown jouant un rôle important pour convaincre la population canadienne de refuser de valider cette entente lors d’un référendum national organisé en 1992.

Élections de 1993

Les élections fédérales de 1993, qui voient l’émergence de deux partis porteurs d’une puissante expression régionale, le Parti réformiste dans l’Ouest et le Bloc québécois au Québec, modifient le paysage politique canadien. La montée en puissance de chacun de ces nouveaux partis sape le soutien populaire au Parti progressiste‑conservateur (PC), qui, après près d’une décennie au pouvoir, voit sa présence à la Chambre des communes réduite à simplement deux sièges. En effet, lors de ces élections, le Bloc rafle 54 des 295 sièges aux Communes, devenant ainsi l’opposition officielle, tandis que le Parti réformiste fait élire 52 députés, tous dans l’ouest du Canada, à l’exception d’une circonscription en Ontario.

Dans ces circonstances, en dépit des efforts de Preston Manning pour présenter son parti comme une force politique nationale, le Parti réformiste fonctionne essentiellement comme une puissance régionale représentant un contrepoids dans l’Ouest au Bloc Québécois. À eux deux, le Bloc et le parti réformiste sont pratiquement venus à bout des progressistes‑conservateurs. Cependant, leur nature purement régionale, conjuguée à l’absence d’un mouvement d’opposition nationale unifié de centre‑droit, garantit au Parti libéral une série de victoires et de gouvernements majoritaires lors des années suivantes.

Opposition officielle

Immédiatement après les élections de 1993, le Parti réformiste perd du terrain. Il peut certes mettre à son actif la sensibilisation de l’opinion publique aux problèmes du déficit et de la dette de l’État, mais on le critique souvent pour son incapacité à présenter des solutions de rechange ciblées et efficaces aux politiques du gouvernement libéral. En outre, il est également affaibli par des controverses internes à propos du leadershipde Preston Manning ainsi que par des accusations persistantes visant son hostilité envers le Québec et ses positions extrémistes contre les minorités ethniques, les femmes et les homosexuels.

Le pouvoir de séduction du Parti réformiste auprès de l’opinion publique est encore émoussé en raison de l’adoption de politiques fiscales conservatrices par le gouvernement libéral après 1993, d’une reprise de l’économie canadienne et d’une baisse de l’intérêt du public pour les questions constitutionnelles au lendemain du référendum québécois de 1995 sur la souveraineté.

Résultats de l
Le Parti libéral conserve sa majorité avec 155 si\u00e8ges et le Parti réformiste, avec 60 si\u00e8ges, devient l'Opposition officielle. Le Bloc Québécois passe de 54 \u00e0 44 si\u00e8ges tandis que le Nouveau Parti Démocratique gagne 21 si\u00e8ges (ils en détenaient 9) et le Parti conservateur 20 si\u00e8ges (ils en détenaient 2).

Pourtant, le Parti réformiste sort des élections de 1997 en tant qu’opposition officielle, remportant 60 des 301 sièges à la Chambre des communes, les libéraux s’adjugeant, quant à eux, 155 députés et le Bloc 44. Toutefois, dans un contexte où il ne réussit à faire élire des députés que dans l’Ouest canadien, où il perd le seul siège qu’il détenait en Ontario et où il ne parvient pas à rassembler suffisamment de voix à l’est du Manitoba, ces élections mettent une nouvelle fois en évidence ses limites régionales.

C’est la dernière fois que l’appellation Parti réformiste est utilisée à l’occasion d’élections.

Alliance canadienne

En dépit de son existence éphémère, le Parti réformiste a exercé une influence non négligeable sur la scène politique canadienne. Toutefois, il s’est heurté, dans sa quête du pouvoir, à de nombreux obstacles.

Tout d’abord, il n’a jamais été pleinement accepté par l’électorat en remplacement des progressistes‑conservateurs qui connaissent même un certain regain de forme lors des élections de 1997 au cours desquelles ils remportent 20 sièges. Les efforts de certains membres du Parti réformiste pour fusionner les deux partis sont alors accueillis avec une certaine hostilité par un PC établi de longue date. Cependant, faute d’une telle alliance, l’appui populaire à la droite canadienne reste condamné à la division.

Ensuite, la séduction qu’exerce le Parti réformiste auprès de la population a eu tendance à s’estomper au fur et à mesure qu’il se renforçait et que son influence grandissait au cours des années 1990. Avant de devenir le chef de l’opposition officielle au Parlement, Preston Manning répétait ne pas vouloir résider à Stornoway à Ottawa, la résidence officielle réservée au titulaire de cette fonction, qu’il décrivait comme un luxe inutile à la charge des contribuables canadiens. Toutefois, après les élections, il changera son fusil d’épaule en invoquant les pressions de ses partisans. Cette volte‑face, combinée à d’autres revirements, notamment l’acceptation par les députés du Parti réformiste d’avantages octroyés aux députés qu’ils critiquaient auparavant, ternira l’image du parti auprès des militants de la base.

Plus grave encore, le Parti réformiste s’est montré incapable d’élargir sa base électorale au‑delà de l’Ouest canadien, laissant ainsi face à face les progressistes‑conservateurs et le Bloc se disputer les suffrages en Ontario et au Québec; or, en l’absence d’une telle percée géographique, le Parti réformiste n’a jamais été en mesure de former un gouvernement à Ottawa.

Ces problèmes se retrouvent clairement sur la table après les élections de 1997 et les soutiens à l’idée d’une droite unifiée sous le drapeau d’une coalition nationale conservatrice élargie susceptible d’offrir une solution de rechange viable aux gouvernements libéraux se font de plus en plus solides. Deux congrès politiques se tiennent successivement autour de ce thème, le deuxième, en janvier 2000, aboutissant à la création d’un nouveau parti politique, l’Alliance canadienne.

Dans ce cadre, les membres du Parti réformiste votent pour l’adoption de la constitution, des politiques et du nom du nouveau parti, le Parti réformiste cessant, quant à lui, son existence officielle en mars 2000. Quatre mois plus tard, Preston Manning cherchera à diriger l’Alliance, mais sera toutefois vaincu dans la course au leadershippar le ministre albertain Stockwell Day.

Alliance canadienne

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