Le développement des chemins de fer à vapeur au 19e siècle a révolutionné les transports au Canada et a joué un rôle intégral dans l’édification du pays. Les chemins de fer ont également joué un rôle intégral dans le processus d’industrialisation, dans l’ouverture de nouveaux marchés et dans le rapprochement des régions, tout en créant une demande de ressources et de technologie. La construction de chemins de fer transcontinentaux, comme le Canadien Pacifique, a permis l’établissement de colonies dans l’Ouest, et a joué un rôle important dans l’expansion de la Confédération. Cependant, les chemins de fer ont aussi eu un effet de division, puisque le public a en alternance louangé et critiqué l’implication des gouvernements dans la construction des chemins de fer et l’ampleur des subventions offertes aux compagnies ferroviaires.
Les débuts des chemins de
fer
Au début du
17e siècle, des chemins de fer miniers
font leur apparition en Angleterre; tirés par des chevaux, ces trains
transportent le minerai et le charbon des mines jusqu’à l’eau. Au Canada, un
chemin de fer primitif de ce type pourrait avoir été utilisé dès les années 1720,
pour transporter de la pierre extraite de la carrière à la forteresse de Louisbourg.
Dans les années 1820, un chemin de fer incliné sur câbles téléphériques et propulsé par un treuil actionné par une machine à vapeur est utilisé pour hisser les pierres nécessaires à la construction de la
Citadelle de Québec. Un autre chemin de fer est utilisé
lors de la construction du Canal
Rideau pour transporter les pierres de la carrière de Hog’s Back à Ottawa.
L’ère du chemin de fer
La
locomotive à vapeur, combinée à la faible friction du roulement des roues bridées
de fer sur les rails de fer, permet à George Stephenson (le premier des grands
ingénieurs ferroviaires) de concevoir et de superviser la construction de la
ligne Liverpool-Manchester, en 1830. Commence alors l’ère du chemin de fer en
Angleterre. En 1841, on compte déjà près de 2100 km de voies ferrées dans
les îles britanniques, et en 1844, la promotion frénétique des voies ferrées, à
juste titre nommée « The Mania » est en cours. Un bon nombre des caractéristiques
durables du chemin de fer sont établies à cette époque : la locomotion à
vapeur, l’écartement standard (1 435 m) et les rails à bords roulés (qui
se gonflent au-dessous pour plus de résistance).
Premiers chemins de fer en
Amérique du Nord britannique
La fièvre
des chemins de fer arrive un peu plus tard en Amérique du Nord britannique;
la colonie est constituée d’une petite population et une grande partie de son capital est liée
au développement de ses canaux et voies navigables
intérieures. Néanmoins,
il ne faut pas longtemps pour que les politiciens et les entrepreneurs prennent
conscience de ses avantages éventuels. La province
du Canada (1841-1867) est un pays gigantesque. Ses routes
sont peu développées et ses voies
navigables sont gelées jusqu’à cinq mois par année.
Le premier
véritable chemin de fer construit au Canada est le Champlain and Saint Lawrence
Railroad, qui va de
La Prairie sur le fleuve Saint-Laurent
à St John’s sur la rivière
Richelieu (maintenant appelé Saint-Jean-sur-Richelieu). Soutenue par
John Molson et d’autres marchands de Montréal, la
ligne est officiellement inaugurée le 21 juillet 1836. Bâti pour servir de « portage »
entre Montréal et le lac Champlain, ce chemin de fer ne transporte toutefois
que très peu de marchandises. (Voir aussi
Le
premier chemin de fer du Canada.)
Le 19
septembre 1839, le premier chemin de fer des Maritimes
ouvre; Albion Mines Railway est construit pour transporter le charbon
des mines Albion sur environ 9,5 km, jusqu’au quai de chargement de Dunbar
Point (près de Pictou,
en Nouvelle-Écosse).
Le Montreal and Lachine Railroad (1847) est une autre courte
ligne (12 km) construite pour compléter le transport par voie navigable.
La folie du chemin de fer
Le projet
le plus ambitieux est le St. Lawrence and Atlantic Railroad, initialement promu par John A.
Poor de Portland, dans le Maine, et l’entrepreneur canadien Sir
Alexander Tilloch Galt. Le double objectif de cette ligne est d’assurer à Montréal
une ouverture permanente sur l’océan et de donner à Portland un accès à l’arrière-pays.
La promotion de ce chemin de fer établit un modèle qui se répétera souvent par
la suite. Dans leur enthousiasme initial, les Montréalais s’engagent à payer
100 000 £, mais ne versent que 10 % de ce montant. Alexander Galt
réussit à réunir 53 000 £ de plus en Angleterre et il hypothèque
sa société immobilière pour faire avancer le projet.
Mais c’est
le Guarantee Act de 1849, parrainé à la législature canadienne par un ami d’Alexander
Galt, Sir
Francis Hincks, qui assure l’achèvement de la construction du chemin de fer
en 1853. En vertu de cette loi, les chemins de fer d’une longueur supérieure à
120 km sont admissibles à une subvention gouvernementale qui garantit des
intérêts pouvant atteindre jusqu’à 6 % sur la moitié des obligations,
une fois que la moitié du chemin de fer est complétée. Bien que la loi instaure
une aide financière gouvernementale pour la construction de chemins de fer,
elle déclenche aussi une folie de construction de chemins de fer au Canada, qui
conduit les entreprises et les gouvernements à se surpasser financièrement.
Une autre
collaboration entre les intérêts américains et canadiens donne naissance
au Great Western Railway, dont la construction commence en
octobre 1849 et se termine en janvier 1854, et se rend de Niagara
Falls jusqu’à Windsor
dans le Canada-Ouest
(maintenant l’Ontario). Pour ce faire, l’homme d’affaires et politicien conservateur Sir
Allan MacNab recrute des partenaires au Canada et aux États-Unis, et il persuade
l’Assemblée législative de consentir un prêt de 200 000 £, ce qui lui
rapporte énormément.
Le plus
ambitieux projet ferroviaire au Canada avant la Confédération
est le Grand Trunk Railway of Canada (GTRC), une audacieuse
tentative de la part de Montréal pour prendre la maîtrise de l’arrière-pays du
Canada-Ouest et de l’activité commerciale des États américains dans la région
des Grands
Lacs. Le GTRC suscite de grandes attentes, mais les Canadiens n’ont ni l’argent
ni les techniciens nécessaires à sa construction. Le succès que remportent Sir
Francis Hincks et d’autres promoteurs dans le financement du GTRC et dans d’autres
projets ferroviaires est largement dû à leur détermination et à l’enthousiasme
apparemment sans limites des investisseurs britanniques pour les chemins de
fer.
Au moment
de l’achèvement de la ligne de Sarnia à Montréal en 1860, le GTRC est endetté de 800 000 £
aux banques britanniques Baring Bros et Glyn Mills.
Sir Edward Watkin, envoyé par le siège social pour réorganiser le chemin de
fer, déclare que le GTRC est « un gâchis organisé, je pourrais même dire un gouffre
d’iniquité ». Le GTRC compte sur l’aide du gouvernement afin de continuer ses
opérations et en 1862, l’Acte de l’arrangement du Grand Tronc fournit encore
plus de ressources à la compagnie ferroviaire. Le public, qui était auparavant
enthousiasmé par le potentiel de GTRC, considère ces documents avec mépris et hostilité.
Impact économique et
industriel
Les
difficultés financières rencontrées par tous les premiers chemins de fer
entraînent des dépenses publiques massives sous forme de subventions en espèces,
d’intérêts garantis, de concessions de terrains, de remboursements de taxes et
de droits de passage. Les chemins de fer contribuent en retour au développement
économique général, et leurs avantages indirects pour l’industrie et le marché
de l’emploi sont énormes. Contrairement aux canaux, les chemins de fer s’étendent sur de nouveaux
territoires et repoussent les limites de l’exploitation agricole et forestière
vers le nord et vers l’ouest.
L’effet des
chemins de fer sur les centres urbains naissants est crucial et spectaculaire. La
position dominante de Toronto dans
le centre-sud de l’Ontario est
clairement établie par ses connexions ferroviaires. La ville bénéficie de ses
liens avec la Great
Western et de sa position centrale sur le réseau du GTRC, alors qu’elle n’a
pas vraiment contribué à la construction de l’un ou de l’autre. Elle exploite également
l’arrière-pays nord par le Ontario, Simcoe and Huron Railway (achevé à Collingwood,
dans la baie Georgienne, en 1855, avec un embranchement vers
Belle Ewart, sur la rive sud du lac Simcoe),
le Toronto, Grey and Bruce Railway (achevé à Owen Sound, dans la baie Georgienne, en 1873),
et le Toronto and Nipissing Railway (prolongé jusqu’au lac Simcoe en 1877).
Toronto est également le foyer de la première locomotive construite au Canada :
la Toronto No. 2 de la ligne Ontario, Simcoe and Huron Railway est
construite par James Good, de Toronto, en 1853.
Bien que
les chemins de fer sont aussi construits dans des régions moins peuplées et non
industrialisées comme Terre-Neuve,
ils ne sont pas aussi profitables et ils tendent à diminuer en taille et en
importance au fil du temps. Le développement du réseau Newfoundland Railway fait
figure d’exemple. En 1919, le Grand Trunk Railway of Canada gagne 16 000 dollars du
mille alors que celui du Newfoundland en gagne 1 500.
Les chemins
de fer jouent un rôle essentiel dans le processus d’industrialisation, car ils se lient et ouvrent de
nouveaux marchés, tout en créant une demande pour le carburant, le fer et l’acier,
ainsi que les locomotives et le matériel roulant. Les chaudières au bois des premières
locomotives requièrent énormément de carburant et des stations de
ravitaillement en bois sont nécessaires à intervalles réguliers tout le long de
la ligne.
Les
entrepreneurs investissent dans la fabrication
d’à peu près tout ce qui est nécessaire aux activités ferroviaires, et par
conséquent, les chemins de fer ont un effet positif sur l’emploi. Certaines
petites villes deviennent des centres de services et d’entretien ferroviaires,
la majeure partie de la population dépendant des commerces ferroviaires; par exemple,
Cobourg Car Works emploie 300 personnes en 1881. Le chemin de fer a également
un impact décisif sur les caractéristiques physiques des villes canadiennes :
les hôtels
et les industries sont construits autour des voies, des chantiers et des gares,
faisant du chemin de fer une caractéristique centrale du paysage urbain.
Le chemin
de fer stimule grandement l’ingénierie, particulièrement avec la demande qu’il
crée pour des ponts et des tunnels
. Les Canadiens contribuent à quelques inventions, notamment le premier système de freinage efficace (W.A. Robinson, 1868) et le chasse-neige rotatif à turbine (J.W. Elliott, 1869; perfectionné par O. Jull), qui permet des déplacements sûrs et réguliers
pendant les hivers canadiens. Le grand ingénieur ferroviaire canadien, Sir
Sandford Fleming
, invente son célèbre système de fuseaux horaires pour remédier au problème soulevé par les différences d’heure d’une localité à une autre le long des voies ferrées (voir L’invention
de l’heure normale).
Chemins de fer
transcontinentaux
La deuxième
phase de la construction de chemins de fer au Canada arrive avec la Confédération, en 1867. Comme l’historien George
Stanley l’a écrit dans The Canadians : « des liens d’acier et
de sentiment étaient nécessaires pour maintenir la nouvelle Confédération. Sans
les chemins de fer, le Canada n’aurait pas existé, il n’aurait pas pu y en
avoir ». De fait, la construction du chemin
de fer Intercolonial est une condition inscrite dans la Loi constitutionnelle de 1867. En raison de l’immense taille de la nouvelle
nation, ainsi que le fait que les considérations politiques l’emportent souvent
sur les réalités économiques (comme le prouvent les routes détournées de l’Intercolonial
et d’autres voies ferrées pour éviter le territoire américain), l’aide du
gouvernement est cruciale pour la construction de chemins de fer
transcontinentaux.
Le chemin
de fer Intercolonial est la propriété du gouvernement fédéral et il est exploité par
celui-ci. Il est également largement financé par des prêts britanniques soutenus
par des garanties de l’Empire. En dépit des manœuvres d’intimidation des
commissaires bien décidés à en tirer un avantage politique, Sandford Fleming
construit l’Intercolonial selon les normes les plus élevées et l’achève en
1876.
Le chemin de fer du
Canadien Pacifique
En 1871, la
Colombie-Britannique
est attirée dans la Confédération par la promesse d’un chemin de fer
transcontinental fait dans les dix ans. La ligne proposée, plus longue de 1600 km
que la première ligne transcontinentale américaine, représente une dépense
énorme pour un pays d’à peine 3,5 millions d’habitants. Deux consortiums se
disputent le contrat, qui est secrètement promis à Sir Hugh
Allan en échange d’un soutien financier aux Conservateurs lors des élections très
contestées de 1872. La révélation subséquente que Sir Hugh Allan est largement
soutenu par des promoteurs américains et qu’il a investi 350 000 dollars
dans la campagne des Conservateurs renverse le gouvernement (voir Scandale du Pacifique).
Le saviez-vous ?
Les traités no1 à no7, conclus entre la Couronne et les Premières Nations entre 1871 et 1877, renforcent la revendication du Canada des terres situées au nord de la frontière entre les États-Unis et le Canada. Ils permettent la construction d’un chemin de fer national et ouvrent les terres des Territoires du Nord-Ouest à la colonisation agricole. En échange de leur territoire traditionnel, les négociateurs gouvernementaux font diverses promesses aux Premières Nations, verbalement et par écrit dans le texte des traités, notamment en ce qui concerne l’octroi de droits spéciaux relativement aux terres visées par les traités, le versement de paiements en espèces et la distribution d’outils de chasse et de pêche, de fournitures agricoles et d’autres articles. Les modalités des traités soulèvent la controverse et donnent lieu à des contestations. Encore aujourd’hui, les traités numérotés ont des répercussions socioéconomiques et juridiques continues sur les communautés autochtones.
Le 21
octobre 1880, le gouvernement signe finalement un contrat avec la compagnie
de chemin de fer du Canadien Pacifique (CP), dirigée par
George Stephen, et la construction débute en 1881.
Le « Last Spike » (dernier crampon) est posé le 7 novembre 1885, et le premier
train de voyageurs quitte Montréal en juin 1886 pour arriver à Port Moody, en Colombie-Britannique, le 4
juillet. L’achèvement du chemin de fer est l’un des grands exploits du génie
civil de l’époque, et est en majeure partie dû à l’infatigable travail de William Van Horne et à la détermination de sir
John A. Macdonald. Bien que le gouvernement de
Macdonald soit critiqué pour les termes généreux offerts à la compagnie, le
chemin de fer est quand même considéré comme crucial pour la nation.
Bien qu’étant
apparemment une entreprise privée, le CP est généreusement doté par le
gouvernement fédéral de liquidités (25 millions de dollars), de concessions de
terres (25 millions d’acres), d’allégements fiscaux,
de droits d’emprise, et d’une interdiction sur 20 ans pour ses concurrents de
construire des voies compétitives dans les Prairies qui pourraient être
raccordées aux voies ferrées américaines. Que le pays ait bénéficié ou non d’une
compensation adéquate pour ces largesses reste un sujet chaudement débattu
depuis. La ligne du CP est toutefois construite avant que le marché ne se
développe et s’étend le long d’un tracé très coûteux qui traverse le Bouclier canadien du nord de l’Ontario. La
décision controversée de John A. Macdonald favorisant une route dispendieuse
complètement canadienne semble justifiée lors de la rébellion du Nord-Ouest; comment aurait réagi le
gouvernement américain si des troupes canadiennes s’étaient déplacées à travers
le territoire américain ? Le CP a aussi un profond impact sur la colonisation
des prairies canadiennes, et les nouvelles villes, de Winnipeg
à Vancouver,
sont fortement tributaires du chemin de fer. D’autres petites villes de l’ouest
se créent le long de la voie ferrée comme des perles sur une ficelle.
Le saviez-vous ?
La construction des chemins de fer canadiens a créé une forte demande de travailleurs. De nouveaux immigrants venant des îles britanniques, d’Europe continentale et de Chine ont constitué une grande partie de la main-d’œuvre de ces projets. La construction ferroviaire attirait également des travailleurs venant des communautés locales, ainsi que des États-Unis. Lorsqu’ils sont arrivés au Canada, de nombreux immigrants ont connu des conditions de travail abusives et des conditions de vie médiocres. Ce fut le cas de 15 000 ouvriers chinois qui ont aidé à construire le chemin de fer du Canadien Pacifique. À travailler dans ces conditions difficiles pour un maigre salaire, ils ont gravement souffert, et les historiens estiment qu’au moins 600 d’entre eux sont morts. (Voir aussi Main-d’œuvre immigrante ; Histoire des travailleurs .)
Le Canadian Northern
Railway
Le flot d’immigrants
qui s’installent dans les Prairies
après 1900, et le développement spectaculaire de l’agriculture rendent vite le
CP inadéquat, et donc une troisième phase d’expansion ferroviaire débute. De
nombreuses lignes secondaires surgissent dans l’ouest, la plus connue étant
le Chemin
de fer Canadien du Nord, propriété de deux entrepreneurs audacieux, Sir Donald
Mann et Sir
William Mackenzie. Le Chemin de fer Canadien du Nord se développe en louant
et en absorbant d’autres lignes; il construit également de nouvelles liaisons
vers Regina, Saskatoon
, Prince Albert et
Edmonton
et se rend jusqu’au col Yellowhead. Il est relié à l’est, avec son
principal terminus à Montréal, et il opère également sur des kilomètres dans l’est
du Québec et dans les Maritimes.
Bien que
parfois dépeints comme étant des promoteurs rapaces, William Mackenzie et Donald
Mann construisent leur chemin de fer pour desservir les besoins de l’ouest
auxquels le CP ne répond pas, et ils investissent la majeure partie de leur
propre fortune dans cette entreprise. Cependant, celle-ci reçoit une aide
publique de 250 millions de dollars, en bonne partie sous forme d’obligations
garanties du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux.
Un troisième chemin de fer
transcontinental
Pendant ce
temps, le premier ministre Sir
Wilfrid Laurier encourage avec enthousiasme le développement d’un
troisième chemin de fer transcontinental par la compagnie Grand Trunk,
maintenant dirigée par Charles
Melville Hays. Bien qu’il aurait été logique pour le GTR de collaborer avec
le Canadian Northern Railway, des jalousies mutuelles rendent cette coopération
impossible. Par conséquent, le gouvernement
fédéral décide de construire lui-même une ligne de chemin de fer
entre Winnipeg et Moncton
(le National Transcontinental Railway ou NTR) et de la louer au GTR une fois complétée. Le NTR est construit à travers les étendues désertes du nord du Québec et de l’Ontario dans l’espoir d’y favoriser le développement; la construction commence en 1905,
et se termine en 1913, au coût de 160 millions de dollars. Une filiale du GTR, le Grand Trunk Pacific Railway (GTP), entreprend de
construire une ligne plus rentable vers l’ouest à partir de Winnipeg. La
construction du GTP commence en 1906 et se termine en 1914, il traverse le col Yellowhead,
et la spectaculaire vallée de la rivière Skeena, en direction de
Prince Rupert, en Colombie-Britannique.
Le saviez-vous ?
En 1912, plus de 7000 ouvriers immigrants du Canadian Northern Railway et du Grand Trunk Pacific Railway ont déclenché une grève en Colombie-Britannique. Dirigés par les Industrial Workers of the World, ils exigeaient de meilleures conditions de vie dans leurs camps de travail, incluant des installations sanitaires et un salaire minimum. Les demandes des travailleurs ont été largement rejetées. Le gouvernement provincial a eu recours à la violence et à des arrestations massives pour briser les grèves. (Voir Grèves des cheminots du fleuve Fraser.)
Nationalisation
La
prolifération mal planifiée des voies ferrées s’avère désastreuse. Les rumeurs
de parrainage scandaleux lors de la construction du NTR se confirment par la
suite. Le CNR et le GTP ne cessent de quémander des fonds publics. La Première Guerre mondiale assène le coup de grâce, mettant fin
à l’immigration et tarissant le flot de capitaux
britanniques. Dans la confusion et l’exaspération, le premier ministre Sir Robert
Borden en appelle à une commission royale, dirigée par Sir Henry Drayton et
par le financier britannique W.M. Acworth. En mai 1917, la commission
recommande la nationalisation de tous les chemins de fer à l’exception du CP.
Au cours des années 1920, le Canadian Northern, l’Intercolonial, le Grand
Trunk Railway et le Grand Truck Pacific sont amalgamés pour former la Compagnie
des chemins de fer nationaux du Canada.
Le saviez-vous ?
Au cours des premières décennies du 20e siècle, le poste de porteur de wagons-lits était l’un des seuls emplois offerts aux hommes noirs au Canada. Les porteurs de wagons-lits avaient la tâche de répondre aux besoins des passagers tout au long du voyage en train. Bien que ce travail apportait respect et prestige aux hommes dans leurs communautés noires, c’était un travail qui exigeait de longues heures et procurait un maigre salaire. Les porteurs pouvaient être congédiés soudainement et ils étaient souvent la cible de comportements racistes. Les porteurs noirs canadiens ont formé le premier syndicat noir des chemins de fer en Amérique du Nord (1917), et ils sont devenus membres de la Fraternité des porteurs de wagons-lits en 1939. Les deux syndicats ont lutté contre le racisme et les défis auxquels étaient confrontés les porteurs au travail.
Le nord
La période
qui suit la création du CN est essentiellement une période de consolidation,
bien que plusieurs nouvelles lignes repoussent les limites vers le nord. La
ligne de la Hudson Bay Railway, qui commence à partir d’une ligne
construite par William Mackenzie et Donald Mann allant jusqu’à The Pas au
Manitoba en 1906, est finalement ouverte à la circulation en 1929. Le Pacific
Great Eastern commence à s’aventurer lentement vers l’intérieur de la
Colombie-Britannique en 1912. Il est complété de Squamish à
Quesnel en 1921, et atteint finalement
Prince George et
Dawson Creek dans les années 1950. Le
Northern Alberta Railways (propriété commune du CN et du CP) exploite des voies
reliant Edmonton Nord jusqu’à Grande Prairie, ainsi qu’à Dawson
Creek en 1931.
L’un des
projets les plus fructueux de ces entreprises est possiblement la Commission
de transport Ontario Northland, qui atteint la baie James
en 1932. Propriété du gouvernement de l’Ontario, cette voie ferrée déclenche
aussitôt un essor minier
dans la région de Timmins-Porcupine ainsi que l’apparition de la
gigantesque industrie des pâtes et papiers. Le
chemin de fer Quebec North Shore
and Labrador,
complété en 1954, donne accès aux immenses gisements de minerai
de fer du Québec et du Labrador. En 1964, le Chemin de fer du Grand Lac des
Esclaves ouvre et relie Roma, en Alberta,
et Hay River, dans les Territoires
du Nord-Ouest.
Défis
Plus récemment,
les chemins de fer ont rencontré des défis lancés par d’autres modes de
transport. Cela donne lieu à d’importants changements autant pour le Canadian
National Railway que pour le Canadien Pacifique, incluant la privatisation du
CN en 1995, ainsi que la rationalisation des opérations du CP. Les deux chemins
de fer sont d’importants transporteurs de marchandises en vrac en Amérique du
Nord, particulièrement de charbon et
de grain.
Plusieurs produits finis sont aussi transportés en train, utilisant des
conteneurs ferroviaires qui peuvent facilement être transférés entre trains,
bateaux et camions. Grâce au coût relativement bas du transport ferroviaire,
les chemins de fer sont une option rentable pour le transport de longue
distance de la marchandise américaine ou canadienne vers les marchés.
Cependant,
le voyage de passagers a diminué de manière importante. Afin de compenser les
chemins de fer pour la perte des revenus de passagers, le gouvernement canadien
a offert des subventions directes aux chemins de fer de 1967 à 1977. Ceci a
pris fin avec la création de VIA Rail en 1977, qui est devenue une
société d’État en 1978. VIA Rail est
responsable de la plupart des opérations entre les villes pour les passagers.
Dans les années 2000, les pressions financières ont mené à la diminution
du service entre les villes, même si VIA Rail assure toujours l’opération de plusieurs
trains dans le corridor de la ville de Québec à Windsor.
Legs
Les chemins
de fer ont-ils atteint les objectifs que l’on attendait d’eux ? Ont-ils remboursé
les importantes injections de fonds publics ? Un bilan final ne pourra
probablement jamais être fait, en particulier pour juger de la satisfaction des
objectifs économiques nationalistes et à long terme. La réglementation des
chemins de fer (maintenant sous la responsabilité de l’Office national des transports du
Canada) et les
accords sur les tarifs des marchandises (notamment la Convention du Nid-de-Corbeau) ont fait l’objet de vives
controverses, et les agriculteurs de l’ouest ont des points de vue radicalement
différents de celles des compagnies de chemin de fer sur ces questions
(voir Réglementation du transport).
Par
ailleurs, les pionniers du rail, de Sandford Fleming et William Van Horne à Hugh
Allan, Donald Mann, William Mackenzie, George Stephen et Lord Thomas
George Shaughnessy, figurent parmi les personnages les plus marquants de l’histoire
canadienne, suscitant tour à tour l’admiration pour leurs exploits techniques
et le mépris pour les fonds publics qu’ils ont peut-être dilapidés.