Politique à Terre-Neuve-et-Labrador | l'Encyclopédie Canadienne

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Politique à Terre-Neuve-et-Labrador

La province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador est dotée d’un gouvernement libéral minoritaire, élu le 16 mai 2019. Le premier ministre de la province est Andrew Furey et la lieutenante‑gouverneure Judy May Foote. Le tout premier ministre de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, Joey Smallwood, a été élu en 1949, après l’adhésion de la province à la Confédération. Avant la Confédération, Terre‑Neuve a d’abord été une colonie britannique, puis, à compter de 1907, un dominion de l’Empire britannique. Tout au long de l’histoire, la province a été régie par diverses formes de gouvernement, notamment, au 17e siècle, par le droit maritime.

Joey Smallwood
Smallwood signant l'entente qui fait entrer Terre-Neuve au sein du Canada, 11 décembre 1948.
(Avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/PA-1280)

Structure du gouvernement provincial

L’Assemblée législative provinciale de Terre‑Neuve‑et‑Labrador compte40sièges. Chaque siège est occupé par un député à la Chambre d’assemblée. Les députés sont élus par les électeurs admissibles de leur circonscription. Les élections provinciales ont généralement lieu tous les quatre ans, le deuxième mardi d’octobre. Cependant, des élections peuvent être déclenchées avant cette date. Une telle situation se produit parfois lorsque le parti au pouvoir pense qu’une telle stratégie pourrait contribuer à sa réélection. Des élections peuvent également avoir lieu avant l’échéance de quatre ans dans les cas où le gouvernement n’a plus la confiance de la Chambre d’assemblée (voir Gouvernement minoritaire au Canada).

Comme dans les autres provinces et les autres territoires du Canada, Terre‑Neuve‑et‑Labrador utilise un système électoral majoritaire uninominal à un tour, c’est‑à‑dire que, dans chaque circonscription, le candidat qui obtient le plus grand nombre de voix remporte le siège correspondant. Habituellement, le parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges forme le gouvernement, et le chef de ce parti devient premier ministre. Toutefois, un parti ayant obtenu moins de sièges peut également former une coalition avec les membres d’un autre parti ou de plusieurs autres partis pour former le gouvernement.

Techniquement, en tant que représentant de la reine, le lieutenant‑gouverneur occupe la plus haute fonction provinciale; toutefois, ce rôle est, en réalité, essentiellement symbolique (voir également Premiers ministres de Terre‑Neuve‑et‑Labrador; Lieutenants‑gouverneurs de Terre‑Neuve‑et‑Labrador).

Le premier ministre nomme généralement les membres de son Cabinet parmi les députés du parti au pouvoir. Les membres du Cabinet sont appelés ministres et supervisent des portefeuilles particuliers. D’une manière générale, ces portefeuilles portent, notamment, sur les finances, la santé et l’éducation.

Historique

Droit maritime

Avant de devenir un dominion autonome de l’Empire britannique en1914, Terre‑Neuve était une colonie britannique. Cependant, pendant la majeure partie des17e et18e siècles, la Grande‑Bretagne considère Terre‑Neuve essentiellement comme un avant‑poste de pêche saisonnière, plutôt que comme une colonie. Toutes les lois et tous les règlements établis durant cette période visent à soutenir le secteur de la pêche. La King William’s Act de1699 établit le droit maritime en vertu duquel les amiraux de flotte de pêche sont responsables de l’administration de la justice (les amiraux de flotte de pêche sont les capitaines des premiers navires à arriver dans un port au début de chaque saison de pêche). Si quelqu’un souhaite faire appel d’une décision prise par un amiral de flotte de pêche, il peut déposer une plainte devant le commandant de l’un des navires de guerre de la marine stationnés sur la côte de l’île. Dans ce contexte, au fil du temps, l’autorité des amiraux de flotte de pêche s’est affaiblie. En1729, la Grande‑Bretagne nomme un gouverneur de la marine pour superviser l’île. De1729 à1832, le gouvernement de Terre‑Neuve est composé du gouverneur et de ses adjoints administratifs, chacun d’entre eux étant responsable d’une partie de l’île.

Gouvernement représentatif (1832) et responsable (1855)

Terre‑Neuve se voit accorder un gouvernement représentatif en1832. Dans le cadre d’un gouvernement représentatif, les députés sont élus par certains résidents de l’île, à savoir les hommes propriétaires âgés de plus de21ans. Cependant, le gouverneur, son Conseil exécutif et un Conseil législatif continuent à être désignés par la Grande‑Bretagne. En outre, le Conseil législatif peut rejeter les projets de loi proposés par la Chambre d’assemblée. Les membres des conseils législatif et exécutif sont généralement riches, conservateurs et anglicans, tandis que les membres de la Chambre sont plutôt libéraux et catholiques irlandais ou méthodistes. Ces divisions ethniques, religieuses et de classe conduisent à des tensions entre la Chambre et les conseils avec, pour conséquence, que d’importantes dispositions législatives émanant du gouvernement ne sont souvent pas adoptées.

En1855, le gouvernement représentatif est remplacé par un gouvernement responsable. Désormais, dans le cadre d’un gouvernement responsable, le gouverneur nomme un membre élu de la Chambre d’assemblée pour occuper le poste de premier ministre et siéger au Conseil exécutif. Le Conseil législatif, jouant en fait le rôle d’une chambre haute ou d’un sénat, demeure une entité gouvernementale non élue.

Dominion de Terre‑Neuve

En1907, Terre‑Neuve passe du statut de colonie à celui de dominion de l’Empire britannique. Ce changement constitue un témoignage du fait que, désormais, Terre‑Neuve est en grande partie une nation autonome au sein de l’Empire britannique. En théorie, le statut de dominion confère à Terre‑Neuve la même position que d’autres pays du Commonwealth, à savoir le Canada, l’Australie et la Nouvelle‑Zélande.

Le saviez‑vous?
En1925, les femmes obtiennent le droit de vote aux élections de Terre‑Neuve. Cependant, alors que tous les hommes âgés de21ans et plus peuvent voter, les femmes doivent avoir au moins25ans. Quand Terre‑Neuve se joint à la Confédération en1949, la majorité électorale devient21ans pour toutes et tous. Aujourd’hui, à Terre‑Neuve‑et‑Labrador comme dans les autres provinces et territoires du Canada, elle est de18ans.

Commission de gouvernement:1934‑1949

Au début de la Grande Dépression, Terre‑Neuve se retrouve en situation de faillite, en partie à cause de sa contribution à la Première Guerre mondiale. L’incapacité du gouvernement à rembourser sa dette, combinée à plusieurs cas de corruption de membres du personnel politique, érode la confiance de la population de Terre‑Neuve en son gouvernement. Après s’être réunis et avoir analysé le problème, des représentants de Terre‑Neuve, du Canada et de la Grande‑Bretagne décident de dissoudre le gouvernement responsable de Terre‑Neuve. De1934 à1949, Terre‑Neuve est gouvernée par une commission de gouvernement intégralement nommée par le gouvernement britannique, composée d’un gouverneur et de trois commissaires britanniques ainsi que de trois Terre‑Neuviens. Durant cette période de15ans, il n’y aura pas d’élections pour élire un gouvernement.

Joey Smallwood:1949‑1972

Joseph Smallwood, dit «Joey», journaliste, homme de radio et homme d’affaires, conduit la campagne de Terre‑Neuve pour rejoindre la Confédération. Ceux qui sont favorables à l’intégration de Terre‑Neuve au Canada estiment que cette union améliorerait l’économie de l’île, d’autant plus que la Grande‑Bretagne manifeste de moins en moins d’intérêt pour Terre‑Neuve. Les opposants à la Confédération, principalement des catholiques irlandais, sont nombreux à penser que les problèmes que connaît leur pays d’origine remontent à une union similaire entre l’Irlande et l’Angleterre.

Lors de deux référendums généraux, la population de Terre‑Neuve vote en faveur de la Confédération, à la suite de quoi, en1949, aussi bien l’île elle‑même que le Labrador continental se joignent au Canada. Un lieutenant‑gouverneur est nommé et Joey Smallwood est sollicité pour former un gouvernement intérimaire. Lors des premières élections générales de la nouvelle province, les libéraux de Joey Smallwood remportent22sièges et les conservateurs5, un indépendant gagnant1siège (voir également Terre‑Neuve‑et‑Labrador et la Confédération; Les adversaires de la Confédération).

Tout au long des années1950 et1960, les libéraux de Joey Smallwood continuent à dominer la politique à Terre‑Neuve. Cependant, au début des années1970, le parti est affaibli par des conflits entre le premier ministre et certains ministres très influents. En1972, les libéraux perdent les élections générales au profit des progressistes‑conservateurs.

Frank Moores, Brian Peckford et Tom Rideout:1972‑1989

Le Parti progressiste‑conservateur remporte les élections de1972 sous la houlette de Frank Moores qui va exercer les fonctions de premier ministre jusqu’en1979. Cette année‑là, Brian Peckford, l’ancien ministre des Mines et de l’Énergie du gouvernement Moores, succède à ce dernier à la direction du parti.

Brian Peckford
Brian Peckford, ancien premier ministre de Terre-Neuve.
(avec la permission de la Presse canadienne)

En1982, Brian Peckford conduit son parti à une victoire écrasante, remportant44 des52sièges de l’Assemblée législative, les huit sièges restants étant détenus par des libéraux. En1985, Brian Peckford remporte les élections avec36sièges. Toutefois, sa majorité est réduite, les libéraux obtenant15députés et le NPD réussissant à faire élire son premier représentant dans l’histoire de Terre‑Neuve.

Avant les élections et la victoire de Brian Peckford, les relations entre Ottawa et St.John’s sont tendues. Les deux gouvernements sont en désaccord sur la propriété des ressources en mer, sur la vente de l’énergie hydroélectrique au Labrador, et sur la restructuration du secteur de la pêche dans l’Atlantique Nord. Cependant, après l’élection de Brian Mulroney au poste de premier ministre fédéral en1984, ces relations vont en s’améliorant. Alors que de nombreuses provinces ont des doutes quant à la pertinence des mesures de libre‑échange avec les États‑Unis, Brian Peckford appuie fermement les initiatives du gouvernement Mulroney dans cette direction. Le premier ministre de Terre‑Neuve‑et‑Labrador s’avère être également un soutien clé de Brian Mulroney dans le cadre de la négociation de l’accord du lac Meech devant être conclue entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Tom Rideout succède à Brian Peckford au poste de premier ministre provincial en1989; toutefois, ultérieurement cette même année, il perd les élections face aux libéraux conduits par leur chef Clyde Wells.

Clyde Wells, Brian Tobin, Beaton Tulk et Roger Grimes:1989‑2003

Wells, Clyde

L'opposition de Clyde Wells à l'Accord du lac Meech a été déterminante dans son échec.
(photo de Jim Merrithew)

Contrairement à ses prédécesseurs, Clyde Wells est farouchement opposé à l’accord du lac Meech et annule la ratification de l’entente par Terre‑Neuve. En dépit de son opposition à l’accord du lac Meech, le nouveau premier ministre est disposé à appuyer l’accord de Charlottetown, qui constitue la deuxième tentative de réforme constitutionnelle du premier ministre canadien. En1992, à l’occasion d’un référendum national, la population canadienne dit non à l’accord de Charlottetown. Terre‑Neuve s’avère toutefois l’une des rares provinces à avoir voté en faveur de cette entente.

Aux élections générales de1993, après avoir fait campagne en promettant de maîtriser les finances publiques, Clyde Wells est réélu premier ministre. Toutefois, en dépit de quelques succès dans le remboursement de la dette provinciale et dans la réduction des déficits, la mise à mal du secteur de la pêche dans l’Atlantique accroît les difficultés financières de la Province. Le successeur de Clyde Wells, l’ancien ministre libéral fédéral Brian Tobin, est élu premier ministre de Terre‑Neuve‑et‑Labrador en1996. Il est convaincu que l’argent provenant du champ pétrolifère Hibernia, au large des côtes de Terre‑Neuve, et de la mine de la baie de Voisey, au Labrador, est amené à jouer un rôle majeur dans l’amélioration de la situation économique locale.

En2000, Brian Tobin démissionne de son poste de premier ministre provincial pour revenir à la politique fédérale. Beaton Tulk occupe brièvement le poste de premier ministre par intérim jusqu’à ce que Roger Grimes remporte la course à la chefferie du parti libéral lors du congrès de2001. Roger Grimes ne va exercer les fonctions de premier ministre que pendant une courte période, de2001 à2003.

Le saviez‑vous?
En vertu de la Proclamation royale de1763, le gouverneur de Terre‑Neuve contrôlait la zone côtière du Labrador et la Compagnie de la baie d’Hudson l’intérieur des terres. Cependant, la frontière entre ces deux régions n’a jamais été clairement établie, les gouvernements du Québec et de Terre‑Neuve s’étant querellés à ce sujet pendant plus de160ans. Finalement, en1927, un comité judiciaire décide de la frontière entre le Québec et le Labrador, ce dernier, tel qu’on le connaît aujourd’hui, relevant alors de la compétence de Terre‑Neuve. Il faudra toutefois attendre2001 pour que la province change de nom et devienne Terre‑Neuve‑et‑Labrador.

Danny Williams et Kathy Dunderdale:2003‑2014

Danny Williams
Danny Williams, Premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, 2003-2010.
(avec la permission du magazine Maclean's)

Le chef du parti progressiste conservateur, Danny Williams, occupe les fonctions de premier ministre provincial de2003 à2010. Reconnu pour son caractère de battant, le nouveau premier ministre se fait connaître dans le cadre d’efforts pour que la Province ait une plus grande maîtrise des gisements pétroliers extracôtiers et puisse encaisser une partie plus importante des revenus qu’ils génèrent. En dépit de polémiques extrêmement médiatisées, au plus haut niveau, avec le gouvernement fédéral à ce sujet, Danny Williams réussit finalement à garantir un revenu pétrolier à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. En2008, il annonce que la Province cessera de recevoir des paiements de péréquation pour la première fois de son histoire.

Kathleen Dunderdale

Kathy Dunderdale a été la première première ministre de Terre‑Neuve‑et‑Labrador.

(avec la permission de l'Office of the Premier of Newfoundland and Labrador)

Après sa démission, c’est la députée progressiste‑conservatrice Kathy Dunderdale qui est assermentée comme dixième titulaire du poste de premier ministre de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, le3décembre2010. Elle est la première femme première ministre de la province. En2011, elle remporte les élections générales organisées à la date prévue, obtenant le droit de former un gouvernement majoritaire. Cependant, elle doit lutter contre la figure tutélaire de l’ancien premier ministre Danny Williams qui demeure extrêmement populaire. Elle démissionne en2014, dans un contexte d’accusations de mauvaise gestion d’une vague de pannes de courant ayant frappé toute la province. Le ministre des Finances, Tom Marshall, est nommé premier ministre par intérim.

Paul Davis et Dwight Ball: 2014 à nos jours

Après la retraite de Tom Marshall, Paul Davis est assermenté à titre de 12e premier ministre de la province, le 26 septembre 2014. Ancien ministre du cabinet provincial, il est élu à la tête du parti provincial progressiste‑conservateur lors du congrès à la direction qui s’est tenu plus tôt ce même mois de septembre. 

Dwight Ball

Le premier ministre de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, Dwight Ball, photographié en novembre2016.

En raison de la date fixe des élections dans la province, le nouveau premier ministre est contraint de convoquer des élections générales après un peu plus d’un an de mandat. Avant le vote, le nombre de sièges à la Chambre d’assemblée avait été réduit de 48 à 40, une initiative du parti progressiste‑conservateur visant à réduire les coûts. Les élections se profilent alors que les progressistes‑conservateurs sont en difficulté dans les sondages. Les commentateurs datent le déclin du soutien dont bénéficie le parti à 2010 et au départ de Danny Williams. En 2015, les libéraux, sous la direction de Dwight Ball, remportent une victoire écrasante, avec 31 députés sur 40. Les progressistes‑conservateurs ne détiennent plus que7sièges, tandis que le NPD s’approprie les2derniers. 

Lors des élections générales de 2019, Dwight Ball réussit à se maintenir au pouvoir, manquant toutefois la possibilité de former un gouvernement majoritaire d’un seul petit siège. Pour la première fois depuis 1971, les électeurs ont choisi un gouvernement minoritaire, les libéraux obtenant 20 sièges, les progressistes‑conservateurs 15 et le NPD 3, les 2 députés restants siégeant comme indépendants. Les analystes sont nombreux à estimer que le parti progressiste‑conservateur, conduit par Ches Crosibe, a perdu les élections en partie à cause du mécontentement croissant de la population vis‑à‑vis du projet hydroélectrique de Muskrat Falls. Ce projet, comprenant la construction d’un barrage et d’une centrale électrique à Muskrat Falls, au Labrador, accuse en effet du retard par rapport au calendrier prévu et ses coûts ne cessent d’augmenter. Bien que ce projet ait été approuvé, en 2012, par l’ancienne première ministre Kathy Dunderdale, c’est au parti progressiste‑conservateur dans son ensemble et à son chef actuel Ches Crosbie, que le public attribue la plus grande partie des responsabilités dans cette affaire.

En février 2020, Dwight Ball annonce sa démission. La course à la direction du parti libéral qui suit la démission de Ball est toutefois retardée en raison de la pandémie de COVID-19 (voir Pandémies au Canada). Andrew Furey, chirurgien orthopédiste, remporte finalement cette course. Le 19 août 2020, il prête serment en tant que 14e premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador.

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