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Politique et médias

Politique et médias

Ce que savent les Canadiens sur leurs chefs politiques, sur les politiques des partis et sur la politique gouvernementale, ils l'apprennent en grande partie dans les médias, particulièrement la télévision, la radio et les journaux, qui constituent le principal lien d'information entre la population canadienne et le monde politique. Les médias tentent d'expliquer les objectifs et les politiques du gouvernement, contribuant ainsi à mobiliser et à renforcer l'appui public nécessaire à une action politique efficace, mais ils attirent également l'attention sur des politiques controversées, dénoncent la corruption et tiennent les personnes politiques responsables devant l'opinion publique. En rendant compte de la politique, les médias aident à choisir les sujets qui retiendront l'attention publique et à donner forme à l'ordre du jour des débats parlementaires.

La libre circulation de comptes rendus significatifs sur les événements et les questions politiques est nécessaire à la bonne compréhension de la politique par la population, à la formation de l'OPINION PUBLIQUE et à la participation des citoyens au processus politique. L'indépendance des médias envers toute ingérence politique, leur vitalité et la façon dont ils s'acquittent de leur fonction politique, la manière dont leur liberté s'accommode aux pressions du système commercial qui les finance, ainsi que la transparence du gouvernement dans la transmission de l'information; voilà autant de facteurs qui influent sur la santé et le dynamisme de la démocratie canadienne.

Au cours du XIXe siècle, des luttes acharnées ont opposé les éditeurs de journaux et les autorités politiques. En 1835, le procès en diffamation intenté à Joseph HOWE, à Halifax, a créé un important précédent en faveur du droit de la presse à critiquer les autorités (voir DROIT ET PRESSE; JOURNAUX). Au XXe siècle, la Cour suprême du Canada a apporté un appui solide à l'importance de la liberté de la presse (écrite et électronique) et des outils essentiels à un gouvernement démocratique, bien avant que la liberté de la presse ne jouisse de garanties constitutionnelles. Dans le RENVOI DE l'ALBERTA PRESS ACT (1938), la Cour suprême a statué que les tentatives du gouvernement créditiste de l'Alberta visant à museler les critiques de la presse étaient inconstitutionnelles. Au Québec, on a recouru à la LOI DU CADENAS comme instrument de CENSURE durant 20 ans, jusqu'à ce qu'elle soit jugée inconstitutionnelle en 1957. On a aussi appliqué la censure pendant la Première et la Deuxième Guerre mondiale ainsi que pendant la CRISE D'OCTOBRE, en 1970.

Depuis 1982, le rôle des médias dans la protection démocratique du Canada est considérablement renforcé par la CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS, qui prévoit des garanties constitutionnelles de la liberté d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication. Ainsi, la Charte reconnaît formellement une tradition de liberté de la presse qui n'a cessé d'évoluer depuis 150 ans en dépit de reculs occasionnels. Les garanties constitutionnelles ne sont pas exprimées ou appliquées en termes absolus. Dans certaines situations, il est entendu que les intérêts de la société jugés plus importants ou aussi importants par les tribunaux, comme le droit à un procès juste et équitable et la liberté des institutions parlementaires, ont préséance sur le principe de la liberté de la presse. Les tribunaux ont joué un rôle de plus en plus visible de gardiens de la garantie de la liberté de la presse, et la signification même de cette liberté dans le contexte canadien est en voie d'être précisée.

Il existe dans toute société des restrictions quant à la circulation de l'information au sujet du gouvernement. Le processus parlementaire canadien a tendance à être secret comparativement au système présidentiel américain. Le « droit de savoir » du public est souvent sacrifié par l'inclination du gouvernement à procéder dans l'ombre, loin des feux de la publicité. En 1982, le gouvernement corrige partiellement cette situation en promulgant la Loi sur l'accès à l'information (voir LIBERTÉ DE L'INFORMATION), qui vise à soumettre les agissements du gouvernement fédéral à un plus grand examen de la part des médias et du public. Un bilan des 15 premières années suivant sa mise en vigueur indique que la Loi sur l'accès à l'information n'a pas donné les résultats escomptés et que son efficacité est affaiblie par des clauses d'exemption qui créent, dans la pratique, des échappatoires considérables. Cependant, l'existence même d'une loi sur la liberté de l'information signifie que la pratique du secret est soumise aux attaques et est en train de s'effriter.

Économie et liberté de la presse

Bien que les médias canadiens participent aux rouages de la POLITIQUE, ils sont habituellement exploités à des fins lucratives (la SOCIÉTÉ RADIO-CANADA étant la plus importante exception). Les quotidiens et les services de radiodiffusion privés comptent parmi les entreprises les plus rentables du Canada. Toutefois, la recherche du profit a entraîné l'expansion des chaînes de journaux et la disparition, à toutes fins pratiques, de la concurrence dans ce secteur.

En 1997, des 90 villes canadiennes dotées de journaux, seulement 8 ont plus d'un quotidien. Des 105 quotidiens, 59 appartiennent à une même compagnie, Hollinger Incorporated, qui vend près de la moitié des journaux publiés chaque jour; 3 entreprises détiennent 66 p. 100 du tirage national et 6 entreprises, plus de 90 p. 100. La concentration de la propriété est aussi accentuée dans la presse francophone que dans la presse anglophone. Québécor, une chaîne québécoise, contrôle près de la moitié des journaux de langue française. Dans le domaine de la radiodiffusion, la concentration de la propriété s'accroît également et avec autant d'intensité, sinon davantage, que dans l'industrie de la presse écrite. Certaines sociétés possèdent dans les mêmes villes des stations de radiodiffusion et des quotidiens.

La Commission royale d'enquête sur les quotidiens (Commission Kent) rapporte en 1981 que, dans ce domaine, la concentration étendue de la propriété des journaux qui prévaut au Canada est « tout à fait inacceptable » dans une société démocratique : « Le pouvoir, et un pouvoir qui n'a aucun compte à rendre, est concentré dans trop peu de mains ». La Commission recommande l'intervention du gouvernement fédéral afin de réduire le pouvoir des chaînes de journaux, et de rendre plus démocratique et plus comptable l'exploitation des journaux. En revanche, des critiques ont soutenu que ces propositions augmenteraient les risques d'ingérence politique dans les entreprises d'information (voir PROPRIÉTÉ DES MÉDIAS), et l'on n'a pas donné suite aux recommandations de la Commission.

Rôle changeant des médias dans la politique

La presse canadienne s'implique de façon importante en politique à partir d'environ 1820, lorsque l'économie des colonies de l'Amérique du Nord britannique est devenue suffisamment forte pour soutenir un système concurrentiel de journaux grâce à la publicité, aux abonnements et aux contrats d'impression. En dirigeant leur attention sur la politique, les journaux ont aidé à politiser la population et à mobiliser son appui en faveur des institutions démocratiques, en particulier du GOUVERNEMENT RESPONSABLE. Dans la dernière partie du XIXe siècle, la presse et la politique étaient si intimement liées que les journalistes canadiens les plus en vue étaient souvent des politiciens.

À la CONFÉRENCE DE CHARLOTTETOWN (1864), qui a conduit à la Confédération, 23 des 98 délégués étaient des journalistes (voir JOURNALISME). En outre, les journaux ont stimulé la croissance des partis politiques, tandis que le favoritisme politique a aidé à financer les journaux. Au début des années 1900, des changements technologiques dans la production des journaux et les intérêts changeants des annonceurs ont créé une nouvelle relation entre la presse et la politique. La concurrence entre les journaux a diminué et l'attachement aux partis s'est relâché. L'avènement de la radio dans les années 20 et de la télévision dans les années 50 a révolutionné l'industrie des communications de masse. Même si la presse écrite et la presse électronique rivalisent pour s'attirer un auditoire et des recettes publicitaires, elles n'opèrent pas de façon autonome : elles sont plutôt interdépendants et complémentaires. Dans les années 90, les effets combinés de la technologie, des forces du marché et des politiques gouvernementales créent de nouvelles réalités politiques et économiques.

L'une de ces nouvelles réalités est la définition de la radiodiffusion, qui a été étendue en vertu de la Loi sur la radiodiffusion de 1991 pour englober « toute transmission d'émissions », quelle que soit la technologie utilisée. Un environnement plus concurrentiel est donc en train de se créer : les compagnies de téléphone projettent de transmettre des émissions télévisées dans les ménages et d'entrer ainsi en concurrence avec les compagnies de câblodistribution et les services de diffusion directe à domicile par satellite. De plus, les nouvelles attitudes de la population canadienne ont transformé l'environnement dans lequel les médias évoluent. Depuis le milieu des années 90, les Canadiens critiquent, comme jamais auparavant, leur relation avec les médias : en 1995, ils se révoltent contre les méthodes de facturation de l'industrie de la câblodistribution; les propriétaires de journaux sont stupéfaits de constater que les Canadiens achètent moins de journaux en réaction à l'augmentation de leur prix. Les Canadiens semblent aussi avoir fixé une limite au nombre d'heures qu'ils sont disposés à passer devant leur téléviseur. Aucune incitation en ce sens, comme une programmation plus variée, les magnétoscopes à cassettes et la transmission par satellite, n'a produit une augmentation du nombre d'heures d'écoute.

En 1997, presque 70 p. 100 des 11 millions de ménages canadiens ont déjà au moins deux téléviseurs et plus de 80 p. 100 sont reliés au câble. Les marchés des magnétoscopes et des télécommandes sont presque saturés, et il y a plus de postes de radio que de citoyens. Les Canadiens, qui consacrent plus de 24 heures par semaine à regarder la télévision, considèrent que la télévision est le moyen d'information le plus important et le plus fiable.

La télévision est devenue le grand champ de bataille de l'opinion publique dans la lutte pour le pouvoir politique. La transmission de l'information politique électorale tend à être conditionnée par le média. Ainsi, la télévision a peut-être contribué à sensibiliser les Canadiens à la politique, mais au prix d'une simplification à outrance des problèmes complexes.

Les campagnes électorales sont de plus en plus menées en fonction des médias d'information, et l'on se préoccupe beaucoup moins de convaincre directement les auditoires dans les tribunes populaires. Les chefs politiques sillonnent le pays afin de multiplier les occasions d'être filmés pour la télévision en des endroits opportuns, et l'on accorde une grande importance à « l'image » que dégagent les chefs des partis lors des débats télévisés. Les stratégies électorales des partis misent sur l'utilisation efficace des médias. Les sondages d'opinion publique servent aux partis à concevoir l'image convenable et à déterminer les plate-formes des partis (voir CAMPAGNE ÉLECTORALE).

Médias et esprit national

On dit souvent que les médias canadiens, en particulier les médias électroniques, contribuent à bâtir l'identité nationale du Canada sans effacer les dimensions multiculturelles et linguistiques de la société. C'est la raison pour laquelle les gouvernements canadiens ont joué un rôle actif dans le façonnement de la presse électronique. Le Canada a été un chef de file mondial dans l'application et le développement de la nouvelle TECHNOLOGIE DES COMMUNICATIONS.

Cependant, il est possible que la technologie n'ait pas aidé à combler le manque de communication au sein de la société hétérogène canadienne. Par exemple, les médias français et anglais, véhiculant de part et d'autre leur propre histoire et leur bagage d'expériences, présentent des explications très différentes des événements politiques canadiens, qui reflètent des cultures politiques différentes, en particulier au regard du fédéralisme canadien et des questions constitutionnelles. Les médias de langue française sont généralement une source d'appui au nationalisme québécois et assument le rôle de chien de garde des intérêts politiques et culturels du Québec vis-à-vis du reste du Canada. De leur côté, les médias de langue anglaise sont très proches des médias américains et diffusent une très grande quantité de PROGRAMMATION TÉLÉVISUELLE américaine. Afin de se protéger contre l'envahissement des industries culturelles américaines, le Canada a mis en oeuvre toute une panoplie de mesures qui comprennent des exigences en matière de propriété commerciale, des réglementations quant à l'origine canadienne des émissions dans les contenus des programmations radiophoniques et télévisuelles, des subventions postales et des mesures fiscales, toutes destinées à créer une concurrence plus équitable.

Lors des négociations de l'Accord de LIBRE-ÉCHANGE entre le Canada et les États-Unis, et plus tard de l'Accord de libre-échange nord-américain, le Canada a cherché et obtenu une certaine protection de ses industries culturelles. Cependant, les nouvelles technologies permettent de contourner certaines de ces mesures de protection, particulièrement dans le cas des revues. Ce que le Canada perçoit comme une industrie culturelle est plutôt vu comme une entreprise commerciale par les États-Unis. En 1996, l'Organisation mondiale du commerce a appuyé la position américaine lorsqu'un litige a surgi relativement à la publication, par Sports Illustrated, d'une édition canadienne dont le contenu éditorial est américain et dont la publicité est canadienne.

Il semblerait que le Canada n'ait pas utilisé efficacement les progrès technologiques pour soutenir les intérêts nationaux liés au flot des communications. En fait, les nouvelles technologies ont habituellement entraîné une dépendance accrue envers les États-Unis. À certains égards, les médias canadiens ont été les principaux agents de dénationalisation et n'ont pas nécessairement contribué de façon marquante à l'identité nationale.

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