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Chansons politiques

Chansons politiques.
Contrairement aux chants patriotiques, lesquels s'adressent aux foules et évitent généralement toute controverse, les chansons politiques témoignent d'un esprit partisan et traitent d'événements ou de situations précises tels que les élections, les grèves, le chômage ou la discrimination. Elles expriment les griefs et le mépris, souvent au moyen de la satire, et ont pour but de remonter le moral et de susciter des appuis.

Les directeurs de l' EMC n'ont pu retracer aucune étude globale de la chanson politique au Canada. Chansons politiques du Québec (Montréal 1977 et 1979) traite du sujet, mais seulement dans le contexte d'une province et d'une période (1765-1858). Si l'on se fie aux chansons folkloriques recueillies au Canada et à la musique imprimée, les chansons politiques ne semblent occuper qu'une place modeste. Les partis politiques, les campagnes électorales et le mouvement syndical ont inspiré peu d'oeuvres originales, mais de nouvelles paroles ou des adaptations de couplets connus à des situations d'actualités se rencontrent assez fréquemment.

Au XVIIIe siècle, les chansons satiriques à contenu politique étaient courantes. Un des premiers exemples est mentionné dans l'article du DBC sur Rigaud de Vaudreuil (vol. II, p. 595 de l'édition française) : « Ce dernier [Raudot] avait pris ombrage de couplets satiriques écrits à ses dépens, au printemps de 1708, par des gens de l'entourage de Vaudreuil, et qui circulaient dans les rues de Québec. »

Une « Chanson sur les Élections » imprimée dans La Gazette de Québec le 24 mai 1792 et devant être chantée sur la mélodie « air du haut en bas » est un exemple caractéristique provenant d'un journal du XVIIIe siècle. De telles chansons étaient fréquemment imprimées séparément sur des canards dont la BN du Q conserve quelques exemplaires. La partie musicale doit être chantée sur un air familier, identifié dans chaque cas.

Les crises politiques telles que l'agitation des années 1830, les raids féniens, la Rébellion du Nord-Ouest, la guerre sud-africaine et les deux Guerres mondiales apportèrent toutes leur moisson de chansons (voir Guerres, rébellions et soulèvements), de même que la Confédération (par exemple The Anti-Confederation Song). La plus grande part de cette musique est plus patriotique que politique, mais « Un Canadien errant », « La Mère canadienne » et Le Drapeau de Carillon combinent les deux sentiments. Une autre chanson de ce genre, « La Prise de Toronto », présumément chantée en 1837 et exprimant un appui à William Lyon Mackenzie dans sa lutte contre le « Family Compact » de Toronto, fut publiée dans New Frontiers (vol. III, été 1954). Le manuscrit est conservé au Musée canadien des civilisations. Dans ses Candid Chronicles (Toronto 1925), Hector Charlesworth mentionne une chanson électorale : « Ontario, Ontario », qui eut un effet désastreux pour les libéraux lors de l'élection générale de 1882. À l'occasion de campagnes électorales, une certaine quantité de musique a été publiée ou imprimée pour être distribuée à tout venant. La Civic Reform March [sans paroles] de Cecil Birkett, parue à Ottawa en 1900 [sans éditeur] et distribuée gratuitement « avec les hommages de l'échevin W.D. Morris, candidat à la mairie en 1901 faisant campagne sous la devise - un gouvernement municipal honnête » en est un exemple. D'autres nous sont fournis par « La Mairie » et « La Mairie à Longueuil » sur les airs respectifs de « La Fille de madame Angot » et « Partant pour la Syrie », chansons écrites pour l'élection municipale de Longueuil au Québec en 1904.

Durant la majeure partie du XXe siècle, les compositeurs de chansons de au Canada restèrent persuadés que la musique et la politique occupaient deux sphères distinctes de la vie. De plus leur auditoire canadien, la majorité anglophone en particulier, ne fit pas preuve de forts sentiments politiques - les marches de protestation et les rassemblements militants furent rares. Il est déplorable, du point de vue musical et historique, que la chanson ait fait si peu écho à des épisodes politiques aussi importants que la Dépression et les nombreuses grèves industrielles.

Une recherche faite par une étudiante de l'Université Carleton, Mary-Jane Lipkin, « Protest Songs of English Canada » (1978), identifie et examine 32 chansons issues des recueils de Creighton, Fowke, Peacock, John O'Donnell et d'autres sources. La plupart sont des chansons de mineurs et de bûcherons protestant contre l'exploitation économique. « The Irish Labourer », « Hard, Hard Times », « Drill Ye Tarriers », « The Estevan Strike Song », « The Loggers' Plight » et « Bowser Boys of Seventy Twa » sont des titres caractéristiques.

La « révolution tranquille » au Québec, le mouvement acadien dans les provinces maritimes et les nombreux mouvements de protestation et de « libération » des années 1960 et 1970 apportèrent un certain changement. Les chansons de certains chanteurs de folklore des villes et des chansonniers du Québec (George Dor, Jean-Pierre Ferland, Claude Gauthier, Félix Leclerc, Sylvain Lelièvre, Claude Léveillée, Raymond Lévesque, Jacques Michel, Gilles Vigneault) et d'Acadie (Edith Butler, Calixte Duguay) eurent une composante politique (voir Chansonniers), de même que les spectacles de cabarets et les revues de ces décennies. Les auteurs-compositeurs et interprètes poursuivant la tradition des chansonniers au cours des années 1980 ont inclus Richard Desjardins, Michel Rivard, Paul Piché et Richard Séguin. Lors du référendum au Québec en 1980, les deux options ont eu leurs chansons. La chanson thème pour le camp du « non » était « Plus j'y pense », dont un commentateur a dit qu'elle « prouvait sans aucun doute que le comité du non était infiltré par le Parti québécois » (Globe and Mail, Toronto, 17 mai 1980), tandis que le camp du « oui » produisit la ritournelle « C'est parti pour le oui ». Le Parti québécois utilisa aussi « Gens du pays » de Gilles Vigneault. Le référendum poussa également Don Mathers à écrire « Quebec » et Mark Labelle à composer « Do Not Leave Us if You Love Us / Ne nous quittes pas si tu nous aimes », deux chansons enjoignant le Québec de rester au sein du pays. Parmi les airs antérieurs sur l'unité nationale, on retrouve Song for Canada, d'Ian and Sylvia, et « Nous vivons ensemble » de Gordon Lightfoot.

Les commentaires sur la société, qui abordent entre autres des questions comme le droit des femmes et des autochtones, l'environnement et le libre-échange, se reflètent particulièrement dans les oeuvres de Lillian Allen, Bruce Cockburn, Luc de Larochellière, D.O.A., Micheline Goulet, HDV, Vera Johnson, James Keelaghan, Maestro Fresh-Wes, Faith Nolan, Perth County Conspiracy, Paul Piché, Spirit of the West et Valdy. Valdy a écrit « Hey Mr. Michael Wilson » à propos du débat sur la Taxe sur les produits et services en 1990, et Ten Little White Men a composé « The Ballad of Meech Lake ». Le débat sur le libre-échange est à l'origine de « Sons and Daughters » de Chalk Circle, « Living Next to a Country Store » de Valdy et « Dump the Deal » des Shuffle Demons. « Je me souviens » des French B traite de la loi 101 du Québec. Bruce Cockburn a fait beaucoup relativement à la situation politique en Amérique du Sud. Entre autres satiristes musicaux, on compte Bowser and Blue, les Brothers-in-Law, Yvon Deschamps, Marie-Lynn Hammond, Rock et belles oreilles, et Nancy White.

Voir aussi Chansons de métiers, Chansons d'unions ouvrières, H.M.S. Parliament, Musique féministe, My Fur Lady, Octobre, Rap, Spring Thaw, Théâtre musical.

OUVRAGES PUBLIÉS

1879 Père LOUISON [Rémi Tremblay], Chansonnier politique du « Canard » (Montréal, Presses à vapeur du « Canard »). Recueil de 10 chansons satiriques couvrant 18 mois d'une période particulièrement mouvementée de la vie politique du Québec, de mars 1878, lorsque le gouvernement élu fut dissous par le lieutenant-gouverneur, à octobre 1879, date à laquelle des conservateurs l'emportèrent sur les libéraux. Certaines chansons s'attaquent directement aux politiciens. Rémi Tremblay (1847-1926) fut un soldat et un journaliste qui s'établit comme traducteur à Ottawa en 1896. Il mourut à la Guadeloupe.

1893 Chants des Patriotes, « recueil noté de chansons patriotiques canadiennes et françaises » (Montréal, Yon). La seconde édition (1903) renferme 54 chansons, soit une vingtaine de plus que la première, dont « Ô Canada », « Le Drapeau de Carillon » et « Ô Canada! mon pays! mes amours! » ainsi que des chansons folkloriques et des chansons patriotiques françaises comme « La Marseillaise » et « Le Chant du départ ». Le recueil contient les airs mais non les accompagnements.

1967 Dick MacDONALD, compilateur, éd., Singing Headlines (Montréal, à compte d'auteur), 16 chansons, pas toutes politiques. « Manchettes de l'histoire canadienne sous forme de chansons ».

1970 Raoul DUGUAY, Manifeste de l'Infonie (Montréal, Les Éditions du Jour). Poésie politique avec musique.

1971 Raoul DUGUAY, Lapokalipsô (ibid.). Poésie politique avec musique.

1973 Yvon DESCHAMPS, Monologues (Montréal). Poèmes politiques et satiriques. Sans musique.

1975 John C. O'DONNELL, éd., The Men of the Deeps (Waterloo, Ont.). Inclut des chansons de mineurs et d'unions.

1976 N. Brian DAVIS, éd., The Poetry of the Canadian People 1720-1920 (Toronto). Sans musique.

1977, 1979 Maurice CARRIER et Monique VACHON, Chansons politiques du Québec, 2 vol. (Montréal). Recueil chronologique de quelque 230 chansons politiques en français, toutes accompagnées de leur mélodie, des timbres, des documents publiés qui s'y rapportent et de renseignements sur leur contexte.

1979 Philip J. THOMAS, Songs of the Pacific Northwest (Vancouver). Le recueil comprend des chansons politiques et certaines chansons de mineurs en grève.

1982 Yves ALIX, éd., Chansons de lutte et de turlutte (Montréal). Quarante-trois chansons syndicalistes du Québec avec mélodies, paroles et commentaires.

1986 Nancy WHITE, Topical Songs (Agincourt, Ont.). Paroles, commentaires et choix de mélodies de quelques chansons de White entendues à « Sunday Morning », sur les ondes de la SRC.

1990 Bruce COCKBURN, Rumours of Glory (Ottawa). Paroles et musique. Contient beaucoup de ses chansons politiques.

Voir aussi DISCOGRAPHIES des artistes et articles susmentionnés.

Lecture supplémentaire