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Ojibwés

Les Ojibwés (Ojibway) sont un peuple autochtone du Canada et des États-Unis appartenant au grand groupe culturel des Anichinabés. Les Nations chippewa et saulteaux font également partie des groupes ethniques ojibwés et anichinabés. Les Ojibwés sont étroitement liés aux Odawas et aux Algonquins, et ont de nombreuses traditions en commun avec les Cris voisins, surtout dans le nord et l’ouest de l’Ontario et dans l’est du Manitoba. Certains groupes cris et ojibwés se sont intégrés et forment maintenant des communautés oji-cries. Dans leurs terres traditionnelles des forêts de l’Est, les Ojibwés ont joué un rôle très important dans les débuts de la traite des fourrures. Malgré les efforts d’assimilation déployés par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, les Ojibwés ont conservé leur culture et leur langue (l’anishinaabemowin) en plus de poursuivre leur activisme. À bien des égards, ils représentent la présence durable des Premières Nations au Canada.

Première Nation de Long Plain

Nations ojibwées

Les Ojibwés appartiennent au grand groupe culturel autochtone des Anichinabés. La langue ojibwée fait partie de la famille linguistique algonquienne. Elle est connue sous le nom d’anishinaabemowin. Pour ces raisons, on confond souvent les termes Anichinabé et Ojibwé. (Voir aussi Langues autochtones au Canada.)

Le terme Ojibwé vient de Outchibou, nom donné au 17e siècle à un groupe qui vivait au nord de ce qui est aujourd’hui Sault Ste. Marie, en Ontario. Ce groupe faisait partie d’un ensemble de groupes très proches, mais distincts qui occupaient un territoire situé entre le nord-est de la baie Géorgienne et l’est du lac Supérieur. Ce sont les explorateurs et commerçants européens qui appliquent le terme « ojibwé » à ces Autochtones. Les groupes rassemblés près de la ville actuelle de Sault Ste. Marie sont aussi appelées Saulteaux, un terme qui désigne aujourd’hui principalement les peuples ojibwés du nord-ouest de l’Ontario et du sud-est du Manitoba. Les Chippewa, pour leur part, vivent traditionnellement dans certaines parties de l’Ontario, du Michigan, du Wisconsin, du Minnesota et du Dakota du Nord.

Au 17e siècle, les peuples ojibwés quittent la région des Grands Lacs pour s’établir dans le sud de l’Ontario, un territoire rendu disponible par la dispersion des Wendats, ainsi qu’au Wisconsin et au Minnesota, où ils remplacent les Dakotas. Plus tard, les peuples ojibwés se disséminent vers le nord et vers l’ouest à la recherche d’animaux à fourrure pour alimenter la traite des fourrures. Dans les provinces des Prairies, ils sont connus sous les noms d’Ojibwés des Plaines et de Saulteaux. Des groupes ayant fusionné avec des communautés cries portent le nom d’Oji-Cris ou, tout simplement, de Cris. Parmi les peuples ojibwés du sud de l’Ontario, on compte les Nipissings, qui proviennent de la région du lac Nipissing (voir aussi Première Nation de Nipissing), et les Missisaugas, qui, au 17e siècle, se sont déplacés de l’île Manitoulin vers ce qui est aujourd’hui la grande région de Toronto.

Population

Il est difficile d’estimer la population actuelle des Ojibwés au Canada, car certaines personnes ne sont pas inscrites comme appartenant à une Première Nation particulière bien qu’elles s’identifient comme étant ojibwées. En ce qui concerne la population inscrite, les Ojibwés, qui comprennent les Saulteaux et les Mississaugas, sont parmi les groupes autochtones les plus nombreux au Canada. En 2014, on estime que les Ojibwés dénombrent environ 160 000 membres répartis dans approximativement 200 bandes des Premières Nations.

Langue

La langue ojibwée, qui fait partie de la famille des langues algonquiennes, est largement parlée au Canada. Aussi connue sous le nom d’anishinaabemowin, la langue comprend de nombreux dialectes régionaux et est parlée par plus de 25 000 personnes en 2011. Des dialectes comme l’algonquin sont moins parlés (environ 2 400 locuteurs) alors que plus de 10 000 personnes parlent l’oji-cri, un mélange d’ojibwé et de cri. (Voir aussi Langues autochtones au Canada.)

Vie traditionnelle

Avant l’arrivée des Européens, les peuples ojibwés vivent de chasse, de pêche et de cueillette. Ils demeurent principalement dans des habitations d’écorce de bouleau en forme de dôme appelées wigwams et ont souvent recours à des habitations en forme de tipi. Ils portent des vêtements faits de peaux animales, surtout de cerf ou d’orignal, et voyagent dans des canots d’écorce de bouleau en été et en raquettes en hiver. Les hommes sont responsables de la chasse au gros gibier alors que les femmes se chargent du tannage des peaux et de leur transformation en mocassins, en jambières, en pagnes et en robes. Lorsque les marchandises échangées avec les Européens deviennent courantes, les Ojibwés parent leurs vêtements de perlages ornés.

Wigwam d'écorce

La cueillette est surtout une activité communale, car la collecte et la préparation du sucre d’érable et du riz sauvage exigent beaucoup de travail. Le sucre d’érable est un assaisonnement courant tandis que le riz sauvage est un aliment de base pour ceux qui y ont facilement accès. Dans le nord des Grands Lacs, des milliers de personnes se rassemblent régulièrement pour pêcher à grande échelle le poisson d’eau douce au harpon et au filet. Ces rassemblements servent aussi d’occasions pour socialiser et échanger des cadeaux.

Les Ojibwés sont divisés en bandes indépendantes et autonomes du point de vue politique. Ces bandes ont une culture et des traditions communes, et se marient entre elles. Chacune a son propre chef et son territoire de chasse. En hiver, les bandes se dispersent en petits groupes de chasse familiaux. Cependant, elles se regroupent en villages vers la fin du printemps ou au début de l’été.

La société ojibwée est divisée en clans totémiques patriarcaux. Puisque les membres du clan sont considérés comme des membres de la famille, les mariages entre personnes de même clan sont interdits. On compte plus de 20 doodems (totems) de clans, notamment la grue, le poisson-chat, l’ours, la martre, le loup et le huard.

Croyances spirituelles

Les traditions orales des Ojibwés sont nombreuses et servent à des fins morales ainsi que de divertissement. Le personnage de Nanabozo, un métamorphe dont le sexe varie, est à la fois un créateur, un arrangeur de la terre et un filou. Nanabozo est commun aux peuples algonquiens et peut se présenter sous d’autres noms. D’autres personnages comme l’Oiseau-Tonnerre, le Grand Serpent et Mishipeshu régissent différents aspects du monde naturel. On dit de Windigo, un monstre mangeur d’hommes qui ne pouvait être tué que par un chaman, qu’il sillonne les forêts en hiver et se régale de chair humaine. (Voir aussi Histoires orales et sources primaires autochtones; Religion et spiritualité des Autochtones au Canada.)

Shawwanossoway

La vie spirituelle des Ojibwés est animiste, la nature étant habitée par de nombreux esprits, bons et mauvais, dont certains doivent faire l’objet d’un traitement particulier. Les esprits qui forment la vie sont connus sous le nom de Manitou. Les adolescents ojibwés pratiquent des quêtes spirituelles qui, après une période d’isolement et de jeûne, produisent des visions et révèlent des esprits gardiens. (Voir aussi Quêtes de vision.) Les chamans guérissent les malades et célèbrent les rites de la tente tremblante pour communiquer avec les esprits. Vers le début du 18e siècle, chez les Ojibwés vivant plus à l’ouest, un groupe religieux organisé crée la Midewiwin ou la Grande société de médecine. Ce regroupement de chamans devient le gardien des traditions culturelles des Ojibwés. Il pourrait avoir été fondé en réaction aux pressions des missionnaires chrétiens.

On ne peut exclure l’influence des missionnaires sur la vie spirituelle des Ojibwés, car nombreux sont ceux qui se sont convertis au christianisme, ne serait-ce que pour éviter d’être embêtés. Certains avancent que Kitchi Manitou (« Le Grand Esprit »), autorité suprême de la vie spirituelle des Ojibwés, serait en fait issu de la fusion des croyances traditionnelles avec celles des missionnaires venus promouvoir le christianisme.

Le saviez-vous?
Dans le domaine culturel, le style vibrant de l’école d’art des Woodlands, inspiré par la pictographie et mis de l’avant dans les œuvres spirituelles du regretté Norval Morrisseau, permet aux artistes anichinabés de sortir de l’ombre dans les années 1970 et 1980. Des artistes anichinabés contemporains se sont immiscés dans le monde de l’art international et font régulièrement appel à l’imagerie traditionnelle dans leurs installations, leurs performances, leurs sculptures et leurs peintures pour prendre ouvertement position sur la réalité contemporaine des autochtones.


Vie après l’arrivée des Européens

La traite des fourrures avec les Européens marque profondément la vie des Ojibwés. Au début, ces derniers reçoivent des articles de commerce français des Nipissings et des Algonquins en échange des fourrures. Cependant, après la dispersion des Wendats et d’autres Algonquiens voisins au milieu du 17e siècle, les Odawas et leurs alliés ojibwés deviennent les intermédiaires entre les négociants européens et les communautés autochtones plus à l’ouest. Les Ojibwés participent à la fête des Morts célébrée occasionnellement par plusieurs bandes et au cours de laquelle des fourrures et des articles de commerce sont distribués. L’expansion vers l’ouest de la traite des fourrures menée par les Français et l’établissement par les Anglais de la Compagnie de la Baie d’Hudson près de la baie James et de la baie d’Hudson attirent certains Ojibwés dans de nouvelles régions, d’abord temporairement pour la chasse et la traite des fourrures et, plus tard, pour y demeurer en permanence. L’empiétement des Ojibwés vers le nord et l’ouest sur le territoire traditionnel cri mène dans bien des cas à la création de communautés mixtes. Dans certains cas, les nouveaux arrivants se joignent à des communautés cries existantes et adoptent une identité crie alors que, dans d’autres, une culture et une identité mixtes oji-cries sont créées.

Entre 1680 et 1800, quatre groupes distincts d’Ojibwés apparaissent, chacun représentant une adaptation différente à son environnement et à la présence des Européens. Ceux qui s’établissent au sud du lac Supérieur (dans le Wisconsin et le Minnesota), en délogeant souvent de force les Dakotas, sont connus sous le nom de Chippewa du Sud-Ouest. Le milieu plus dur des forêts de conifères du nord de l’Ontario et du Manitoba est exploité par les Ojibwés du Nord, qui comprennent les communautés oji-cries.

Après 1780, certains Ojibwés s’installent au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, dans l’État du Dakota du Nord et, dans le cas de la Nation saulteaux, dans le nord-est de la Colombie-Britannique. Ces migrants vers l’ouest deviennent les Ojibwés des Plaines, mieux connus sous le nom de Saulteaux. D’autres encore, maintenant connus sous le nom d’Ojibwés du Sud-Ouest, déménagent dans le Centre-Sud de l’Ontario et dans la péninsule inférieure du Michigan depuis leurs territoires traditionnels situés le long des berges du lac Huron et de la baie Georgienne.

La vie sociale et économique de tous les groupes ojibwés est perturbée par la traite des fourrures. Les produits fabriqués en Europe remplacent les objets traditionnels et certaines ressources naturelles s’épuisent. Les Ojibwés se dispersent à la recherche de fourrures pour la traite, ce qui bouleverse leurs activités de subsistance. Puisque les chasseurs se concentrent sur la trappe lucrative des animaux à fourrure, la chasse traditionnelle visant l’autosuffisance décroît. Ainsi, de nombreux peuples ojibwés deviennent en partie dépendants des commerçants pour l’obtention de denrées de base et vivent en permanence sous la menace de la famine.

Ce n’est qu’après 1850 que la plupart des Ojibwés signent des traités avec le gouvernement. Les chefs ojibwés de l’Ontario et du Manitoba signent les traités Robinson et d’autres traités avant la Confédération ainsi que des traités numérotés post-Confédération, qui octroient aux gouvernements coloniaux de vastes étendues de terres en échange de réserves, de paiements et de droits de chasse et de pêche. Dans bien des cas, les circonstances entourant la signature de ces ententes entachent la légitimité de celles-ci. L’extinction des titres de propriété et des droits ancestraux en vertu de ces traités fait l’objet de débats incessants et est au cœur de l’activisme au sein des communautés ojibwées et anichinabées. (Voir aussi Traités numérotés; Les cessions de terres du Haut-Canada.)

Avec le déclin du mode de vie traditionnel de subsistance, les Ojibwés dépendent des emplois salariés et de l’aide gouvernementale. De plus, les Ojibwés sont aux prises avec la dépendance économique, l’empiétement territorial et le déracinement culturel engendré par les pensionnats. Alors que la gouvernance locale passe des modèles traditionnels à ceux mis en place par la Loi sur les Indiens, l’autonomie politique des Ojibwés diminue de façon significative. Néanmoins, ils demeurent actifs sur les plans politique et culturel.

Elijah Harper

Activisme

Les communautés ojibwées ont une longue tradition d’activisme social et politique. Bien avant l’arrivée des Européens, ils avaient des rapports étroits avec les Odawas et les Potawatomis au sein du Conseil des Trois Feux. De 1870 à 1938, le Grand conseil des Indiens de l’Ontario tente de concilier plusieurs modèles traditionnels en une voix collective dans le but d’exercer une influence politique sur les lois coloniales. Dans l’Ouest, 16 bandes de Cris et d’Ojibwés des Plaines forment les Bandes alliées de Qu’Appelle en 1910 pour s’attaquer aux préoccupations entourant l’échec du gouvernement à respecter les promesses du Traité 4.

L’activisme politique et social des Ojibwés se poursuit aux 20e et 21e siècles. L’Union des Indiens de l’Ontario représente la Nation anichinabée et ses Premières Nations des Ojibwés, des Odawas et des Potawatomis. Fondée en 1949, l’Union milite pour les intérêts politiques d’environ 55 000 membres citoyens. En 1985, les réserves de Grassy Narrows et de Whitedog, situées au nord de Kenora, obtiennent un règlement de plus de 16 millions de dollars à la suite de la contamination de l’eau potable et des stocks de poisson par des déchets industriels, notamment du mercure. En 1990, Elijah Harper (Oji-Cri) contribue à l’échec de l’Accord du lac Meech en refusant d’y consentir à titre de membre de l’Assemblée législative du Manitoba. Il s’opposait à l’Accord, car il avait été élaboré sans consultation et reconnaissances des peuples autochtones.

En 2014, la Première Nation de Batchewana et 20 autres bandes de l’Ontario intentent une poursuite contre les gouvernements de l’Ontario et du Canada pour le non-respect de certaines clauses du traité Robinson-Huron. Ils maintiennent que le paiement d’une rente individuelle de 4 $ n’a pas augmenté depuis 1874 alors qu’une clause indique que les sommes versées augmenteraient en fonction des gains réalisés par le gouvernement sur les terres visées par le traité.

Le saviez-vous?
Autumn Peltier, une jeune Autochtone de la Nation anichinabée, se bat pour le droit à l’eau depuis qu’elle a huit ans. En septembre 2019, à l’âge de 15 ans, elle a été nommée par la Fondation David Suzuki pour un Prix international pour la paix des enfants. Autumn Peltier suit ainsi les traces de sa grand-mère, Josephine Mandamin, qui a aussi défendu les droits autochtones.

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