Nationalisme | l'Encyclopédie Canadienne

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Nationalisme

Le nationalisme s'entend de la doctrine ou de la pratique qui placent les intérêts collectifs de la communauté nationale ou de l'état au-dessus de ceux des individus, des régions ou d'autres nations.

Le nationalisme s'entend de la doctrine ou de la pratique qui placent les intérêts collectifs de la communauté nationale ou de l'état au-dessus de ceux des individus, des régions ou d'autres nations. Le nationalisme canadien s'épanouit après les deux grandes guerres mondiales et tente de rivaliser avec la force des identités provinciales, surtout au Québec, et l'influence de la culture américaine et de l'intégration économique.

Même si ses origines historiques sont diversifiées, les formes modernes du nationalisme sont le produit de la fin du XVIIIe siècle et du XIXe siècle, surtout des révolutions américaine et française et des mouvements de réunification en Allemagne et en Italie. Par l'émulation de ces modèles européen et américain, les mouvements d'autodétermination et de libération nationale ont fait du nationalisme, au cours des 200 dernières années, un phénomène politique et culturel répandu à l'échelle de la planète. Au cours des 25 années qui ont suivi la fin de la Deuxième Guerre mondiale, 66 nouveaux États ont vu le jour.

En Europe, la pensée nationaliste a véhiculé une notion fondamentale de supériorité raciale qui a fréquemment été exprimée par l'étalage et l'utilisation de la force militaire, le plus manifestement par le gouvernement nazi de l'Allemagne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le nationalisme ne repose pas nécessairement sur une idéologie particulière et va de droite à gauche sur l'échiquier politique. Son orientation et son contenu sont liés aux circonstances historiques.

Le Canada à la recherche de son propre nationalisme

Le Canada adhère au nationalisme à une époque où le conflit mondial a sapé l'influence de l'Europe et discrédité le nationalisme européen. À la même époque, la puissance et l'influence des États-Unis se font largement sentir dans le monde. Dans l’hémisphère occidental, les deux conflits mondiaux, que l'on a imputés d'abord et avant tout aux excès des nationalismes, ont contribué à l'émergence, au même titre que la pensée libérale et marxiste, de fortes réactions antinationalistes et internationalistes.

Le sentiment d'appartenance nationale a pris forme lentement après la Confédération, reflétant un provincialisme bien ancré et, au Canada anglais, un sentiment prédominant d'appartenance à l'Empire britannique. On peut voir des traces de nationalisme au sein du mouvement Canada First des années 1870 et chez certains auteurs des années 1890. En 1911, le dilemme nationaliste canadien devient évident quand le gouvernement du premier ministre Wilfrid Laurier est défait au sujet d'une politique navale quelque peu nationaliste et d'un projet de réciprocité prônant un commerce plus libre avec les États-Unis.

Épanouissement du nationalisme canadien

La participation et les sacrifices du Canada à la Première Guerre mondiale, ainsi que ses succès sur les champs de bataille tels que celle de la crête de Vimy, ont réussi à créer un sentiment d'appartenance à une nation distincte. Les années qui suivent la Première Guerre mondiale entraînent la renaissance d'un nationalisme culturel, centré à Toronto et caractérisé par les peintures du Groupe des sept, la fondation de la revue Canadian Forum et les critiques littéraires de William Arthur Deacon publiés dans le magazine Saturday Night.

Le nationalisme politique, sous la gouverne de l'administration libérale du premier ministre Mackenzie King, est dirigé contre les symboles déclinants qui illustrent les liens coloniaux unissant le Canada et la Grande-Bretagne. Ce nationalisme anticolonial ne suscite pas d'opposition en Grande-Bretagne, mais il entre en conflit avec l'attachement que de nombreux Canadiens de langue anglaise ressentent à l'égard des symboles britanniques, un attachement véhiculé de la façon la plus articulée et la plus constante par le Parti conservateur.

La Deuxième Guerre mondiale précipite le Canada dans un processus d'intégration militaire et économique étroite avec les États-Unis, qui crée des inquiétudes au sujet de la force d'un État canadien indépendant. En 1945, le gouvernement fédéral libéral, ainsi que les hauts fonctionnaires influents, croient que le pays est passé de la phase nationaliste à la phase internationaliste (dans le domaine diplomatique) et au continentalisme (dans ses relations économiques et culturelles avec les États-Unis). Pendant ses dernières années au pouvoir, King évoque cependant parfois les dangers reliés à cette absorption et rêve d'une plus grande indépendance. Cependant, après le printemps de 1946, l'hystérie provoquée par la Guerre froide amène King, ainsi que la plupart des Canadiens, à abandonner de telles idées pour la sécurité collective.

Le Canada inondé par la culture américaine

La prise de conscience nationale et l'expression des intérêts nationaux sont suspendues pendant une décennie. Une vaste invasion économique et culturelle venant des États-Unis a lieu avec l'assentiment tacite du Canada. La Commission royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada de 1951 (commission Massey) fait remarquer que la communauté nationale doit faire face non seulement à l'éparpillement de sa population sur un vaste territoire, mais aussi « aux influences d'outre frontière, pénétrantes autant qu'amicales ». Dans les secteurs de l'enseignement, de l'édition de livres et de revues, du cinéma et de la radio, la Commission énumère les influences américaines au Canada et souligne « le danger toujours présent d'une dépendance permanente ».

Le programme nationaliste proposé pour limiter l'invasion culturelle est graduellement accepté par le gouvernement libéral du début des années 1950, quoique le même gouvernement reste indifférent à toute mesure de nationalisme économique.

La Commission royale d'enquête sur les perspectives économiques du Canada (commission Gordon) prévient les Canadiens, en 1956, des dangers potentiels d'un assujettissement économique aux États-Unis et propose un programme modérément nationaliste de contre-mesures économiques, qui est ignoré par le gouvernement du premier ministre Louis Saint-Laurent.

Devant la montée de l'investissement américain direct au Canada (voir Investissement étranger) et les encouragements du Parti libéral à cet égard, les deux partis d'opposition, le Parti conservateur et la Co-operative Commonwealth Federation (CCF), adoptent un ton nationaliste avant les élections générales de 1957 qui portent les conservateurs au pouvoir. Cependant, pendant ses six années au pouvoir, le gouvernement du premier ministre John Diefenbaker ne peut mettre en place un programme culturel ou économique cohérent. Le Canada continue à favoriser l'intégration économique et militaire avec les États-Unis, tout en éveillant l'hostilité de l'administration américaine par son style défiant.

Limiter la propriété étrangère des médias

Les conservateurs, défaits en 1963, font place à un Parti libéral réformé et dirigé par Lester B. Pearson. Au début, les idées économiques nationalistes du ministre des Finances, Walter Gordon, un membre dissident et atypique du milieu des affaires de Toronto, prédominent au sein de l'administration Pearson. En 1965, on adopte les mesures de Gordon, qui visent à limiter la propriété étrangère en matière de journaux, de magazines, de radio et de télévision et on met finalement sur pied la Corporation de développement du Canada.

Cependant, après 1965, le gouvernement Pearson se réconcilie avec les gens du milieu des affaires opposés à une politique nationaliste. Tout comme le rapport Gordon, on met de côté le rapport du groupe d'études Watkins, publié en 1968, intitulé Propriété étrangère et structure de l'industrie canadienne.

Le nouvel antinationalisme du gouvernement Pearson est renforcé en 1968 par l'élection du premier ministre libéral Pierre Trudeau, dont l'opposition au nationalisme découle de son expérience au Québec à l'époque du premier ministre Maurice Duplessis et de son interprétation de l'histoire européenne.

Drapeau et hymne national canadiens

L'insuccès relatif des politiques nationalistes canadiennes au cours des années 1960 et l'évidence de l'influence énorme des États-Unis au Canada favorisent la mise sur pied de différentes organisations et activités nationalistes populaires au Canada anglais à partir de 1968.

Le Comité pour l'indépendance du Canada exerce des pressions en faveur de politiques nationalistes dans différents secteurs pendant les années 1970. Le groupe Waffle cherche à fouetter l'ardeur nationaliste du Nouveau Parti démocratique, mais ses idées sont battues en brèche et le groupe se disperse. La Public Petroleum Association intègre des nationalistes des deux mouvements dans le cadre de sa campagne de rapatriement de l'industrie pétrolière.

En 1965, le Canada adopte son drapeau national, l'unifolié, pour remplacer l’Union Jack. En 1980, « Ô Canada » devient officiellement l'hymne national du pays.

Nationalisme québécois

Le mouvement nationaliste au Canada anglais est affaibli dans les années 1970 par une division sur les attitudes à adopter à l'égard du nationalisme québécois. Certains, tout en étant sympathiques aux aspirations culturelles et linguistiques des Québécois, voient le nationalisme du Québec comme une force subversive menaçant l'intégrité du Canada. D'autres envisagent le nationalisme québécois comme un complément potentiel du nationalisme canadien qui aurait dû susciter une certaine émulation chez les Canadiens anglais.

Deux votes québécois sur la souveraineté mettent le nationalisme canadien à l’épreuve. Le référendum de 1980 demande aux habitants du Québec si la province devrait poursuivre la voie vers la souveraineté. Les fédéralistes, invoquant un nationalisme pancanadien, appuient le « non ». Les nationalistes québécois appuient le « oui ». Enfin, 59,56 p. cent des Québécois votent « non » : c’est une victoire pour le nationalisme canadien.

Le référendum de 1995 demande aux habitants si le Québec devrait faire sécession du Canada pour devenir un État indépendant. Encore une fois, le « non » l'emporte, par une marge beaucoup plus mince : 50,58 p. cent « non » contre 49,42 p. cent « oui ».

Trudeau amoindrit le pouvoir provincial

Au cours de la campagne électorale de 1980, Trudeau et le ministre Marc Lalonde, en réaction aux forces de désintégration nationale perçues au Québec et dans l'Ouest du pays, adoptent des positions nationalistes et centralisatrices fermes. Trudeau remporte les élections et rapatrie bientôt la Constitution canadienne de la Grande-Bretagne, en plus de mettre sur pied du Programme énergétique national en novembre 1980.

Le nouveau nationalisme de Trudeau est plus soucieux de couper l'herbe sous le pied des provinces de plus en plus puissantes que de poursuivre des objectifs nationaux. Il suscite de fortes réactions de la part des provinces et des multinationales. Le gouvernement modifie sa politique constitutionnelle pour répondre à certaines demandes des provinces (mais non à celles du Québec), ainsi que sa politique énergétique.

Libre-échange

Le gouvernement progressiste-conservateur du premier ministre Brian Mulroney, élu en septembre 1984, adopte une politique de rapprochement général avec les États-Unis qui donne lieu à des négociations exhaustives sur le libre-échange en 1986 et 1987 et à la ratification de l'Accord de libre-échange après les élections générales de 1988. La persistance antinationaliste du gouvernement Mulroney est nouvelle et suscite des mouvements d'opposition nationalistes (voir Conseil des canadiens).

En 1993, l'Accord de libre-échange a été remplacé par l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) qui incorpore le Mexique à la communauté économique nord-américaine.

Devant les critiques substantielles répandues au sujet de l'entente, le Parti libéral promet de reprendre les négociations sur l'Accord, s'il est élu. Toutefois, une fois au pouvoir, le nouveau gouvernement du premier ministre Jean Chrétien n'entreprend que des négociations superficielles avec les États-Unis et le Mexique, et accepte l'Accord sans y apporter de modifications importantes.

Scandale des commandites

Après que les pouvoirs fédéralistes perdent presque le référendum québécois de 1995, le gouvernement Chrétien lance un programme agressif pour promouvoir le fédéralisme au Québec, en affichant des publicités canadiennes aux événements culturels et sportifs à travers toute la province. Mais la campagne, qui coûte plusieurs millions de dollars, devient une source de corruption répandue et se transforme en l’un des pires scandales politiques de l’histoire du Canada. Il mène à l’enquête de la Commission Gomery, salit la réputation des libéraux au Québec, et contribue à la défaite des Libéraux au profit du Parti conservateur aux élections fédérales de 2006.

Réintroduire l’aspect royal du Canada

Depuis 2006, le premier ministre Stephen Harper promeut un nationalisme fondé sur la relation historique du Canada avec le Royaume-Uni. Son gouvernement célèbre en grande pompe le 200e anniversaire de la guerre de 1812 en tant que moment décisif dans l’établissement d’une identité canadienne. Il rétablit également le mot « royal » dans la désignation des forces armées canadiennes. Son gouvernement déclare qu’il reconnaît ainsi un « fait historique », tandis que ses opposants affirment qu’il est vain de chercher l’identité canadienne dans le passé.

Voir aussi Nationalisme canadien-français, Nationalisme économique et Régionalisme.

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