Mike Harris | l'Encyclopédie Canadienne

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Mike Harris

Michael Deane Harris, premier ministre progressiste-conservateur de l’Ontario de 1995 à 2002 (né le 23 janvier 1945 à Toronto, en Ontario). Mike Harris est considéré comme un pionnier du mouvement conservateur moderne au Canada pour les politiques de sa « Révolution du bon sens », qui ont suscité beaucoup de controverse mais ont aussi laissé une marque durable sur la politique ontarienne. Parmi les politiques poursuivies par son gouvernement, on retrouve les fusions municipales, la liste de divulgation publique des salaires du secteur public et le programme Ontario au travail.
Harris, Michael
(avec la permission du Cabinet du Premier ministre de l'Ontario).

Jeunesse et formation

Mike Harris naît à Toronto, mais grandit à North Bay, en Ontario, où son père possède un commerce de matériel de soudure, puis exploite un camp de pêche, le Wasi Falls Resort. En 1965, il fréquente l’Université luthérienne de Waterloo (aujourd’hui Université Wilfrid Laurier), mais quitte ses études après une année. À 21 ans, il déménage à Sainte-Adèle, dans les Laurentides, au Québec, où il travaille comme moniteur de ski pendant deux ans. Dans les années 1970, il obtient un certificat d’enseignant et devient professeur de niveau élémentaire à l’école publique W.J. Fricker, à North Bay, tout en travaillant au camp de pêche de la famille l’été et comme instructeur à son camp de ski pendant les fins de semaine d’hiver. Bientôt, Mike Harris abandonne l’enseignement et travaille à temps plein dans l’entreprise familiale, jusqu’à ce que le centre de ski soit vendu à des promoteurs. Il dirige alors un terrain de golf, le Pinewood Golf Club.

La carrière politique de Mike Harris commence en 1974, quand il est élu commissaire d’école. De 1977 à 1981, il est président du conseil. En 1980-1981, il accomplit un mandat à la présidence de la Northern Ontario Trustees Association. En 1981, il se lance en politique provinciale, défaisant le député libéral sortant Miki Bolan dans la circonscription de Nipissing.

Député progressiste-conservateur

Député d’arrière-ban pendant son premier mandat, Mike Harris s’allie à Frank Miller, qui devient chef du parti et premier ministre en 1985. Mike Harris détient deux postes au cabinet dans le gouvernement Miller, ceux de ministre de l’Énergie et de ministre des Ressources naturelles. Cependant, le gouvernement Miller ne dure que deux mois avant d’être remplacé par un gouvernement de coalition libéral-néodémocrate (NPD). Mike Harris est réélu dans sa circonscription en 1987 et devient porte-parole de cabinet fantôme pour plusieurs ministères, dont ceux du Revenu, du Travail et du Développement du Nord. Il devient ensuite leader de l’opposition progressiste-conservatrice au parlement.

Le parti progressiste-conservateur est généralement considéré comme un parti de centre, mais Mike Harris fait partie d’un groupe de jeunes militants conservateurs. En mai 1990, il remporte la chefferie du parti en défaisant Dianne Cunningham. Peu après, il conserve son siège dans l’élection provinciale de 1990 qui porte au pouvoir le NPD de Bob Rae.

La Révolution du bon sens : Mike Harris premier ministre

Au début des années 1990, l’Ontario souffre d’une sévère récession et, à l’élection de 1995, le gouvernement du NPD est devenu extrêmement impopulaire, en partie à cause de politiques comme le contrat social, qui entraîne des coupes de salaires dans le fonctionnariat. En 1994, Mike Harris et le Parti progressiste-conservateur publient un programme de « réformes » et d’orientations politiques appelé la Révolution du bon sens, promettant « moins de taxes, moins de gouvernement et 725 000 nouveaux emplois en Ontario ».

Mike Harris s’exprime avec autorité dans un débat télévisé pendant l’élection provinciale de 1995, aidant le parti conservateur à remporter une majorité le 9 juin 1995, avec 82 des 130 sièges.

Le gouvernement Harris se met au travail pour réaliser le programme de la Révolution du bon sens. L’impôt sur le revenu est réduit de 30 % et les taux d’aide sociale de 21,6 %. Par la Loi de 1997 sur la réforme de l’aide sociale, le gouvernement introduit aussi le programme Ontario au travail, qui exige des bénéficiaires de l’aide sociale qu’ils travaillent ou suivent des formations si cela est possible. Le programme Ontario au travail, surnommé « workfare », est extrêmement impopulaire chez les militants anti-pauvreté.

Le nouveau gouvernement réduit aussi les dépenses en santé, mettant à pied des milliers d’infirmières et fermant des hôpitaux. Certains croient que la consolidation des services et les fusions d’hôpitaux étaient depuis longtemps une nécessité, tandis que d’autres protestent contre les changements.

Le gouvernement Harris apporte également d’importants changements au système d’éducation de l’Ontario. Le projet de loi 160, la Loi sur l’amélioration de la qualité de l’éducation, modifie les structures de financement, met en place des examens standardisés, réduit les pouvoirs des commissions scolaires, élimine la cinquième année du secondaire et met en place une évaluation du personnel enseignant. Le projet de loi dresse les enseignants contre le gouvernement, conduisant à une grève des professeurs en 1997.

En 1996, le gouvernement Harris vote la Loi de 1996 sur la divulgation des traitements dans le secteur public, rapidement surnommée la « sunshine list ». La liste de divulgation révèle les salaires dépassant un certain montant (100 000 $ par année, au moment de son introduction) dans le secteur public, et est conçue pour rendre « le secteur public ontarien plus ouvert et responsable devant les contribuables ».

Mike Harris et le Parti conservateur essaient aussi de réduire la taille du gouvernement provincial et des municipalités. La Loi de 1996 réduisant le nombre de députés fait passer de 130 à 103 le nombre de représentants élus grâce à un redécoupage de la carte électorale suivant les circonscriptions fédérales. Le projet de loi 103, la Loi de 1997 sur la cité de Toronto fusionne Toronto, York, North York, Etobicoke, Scarborough et East York en une seule entité, dans le but de réduire la taille de l’administration et de réduire les coûts. Le même principe est appliqué à d’autres municipalités dans la province (par ex. Loi de 1999 sur la cité de Hamilton ; Loi de 1999 sur la ville d’Ottawa).

Le gouvernement Harris sabre également dans les dépenses d’infrastructures et essaie de vendre des installations provinciales. En octobre 1998, le gouvernement vote la Loi sur la concurrence dans le secteur de l’énergie. Celle-ci restructure Hydro Ontario en entités distinctes pour le transport et la livraison, la production et la gestion des prix, dans l’objectif ultime d’en arriver à une privatisation. L’année suivante, le gouvernement vend l’autoroute à péage 407 à un groupe privé pour 3,1 milliards de dollars.

Deuxième mandat

En 1999, les conservateurs de Mike Harris obtiennent un deuxième mandat majoritaire, remportant 59 sièges dans une législature réduite à 103 sièges, avec 35 sièges aux libéraux et 9 aux néo-démocrates. Dans son deuxième mandat, le gouvernement Harris continue à se concentrer sur l’éducation, les soins de santé et l’équilibre budgétaire. En 2000, la Commission de restructuration des soins de santé de l’Ontario publie un rapport sur l’avenir des soins de santé dans la province, recommandant une restructuration supplémentaire pour améliorer l’efficacité de la prestation des services de santé. En 2001, le gouvernement annonce que les écoles privées (laïques ou religieuses) auront accès au financement public. Le gouvernement crée également le « Fonds du patrimoine vital de l’Ontario », un plan d’aménagement du territoire qui ajoute 378 zones protégées au réseau de parcs de l’Ontario.

Le gouvernement ne produit pas autant de législations importantes que durant le premier mandat de Mike Harris; cette période est surtout connue pour la Crise de Walkerton et l’émeute de Queen’s Park.

Mike Harris démissionne en 2002, invoquant des raisons personnelles (bien que les critiques soulignent que sa popularité décline), et il est remplacé par le ministre des Finances Ernie Eves.

Critiques et controverses

L’analyse de la carrière de Mike Harris comme premier ministre est départagée selon les lignes idéologiques. Les conservateurs louent la Révolution du bon sens qui aurait « sorti l’Ontario d’une voie fiscale potentiellement ruineuse », tandis que la gauche politique condamne ses actions, présentées comme un désir de « détruire, et détruire encore plus » en choisissant de réduire les coûts plutôt que de fournir un niveau adéquat de services sociaux. Le gouvernement Harris s’est révélé un des plus controversés de l’histoire de la province pour avoir imposé agressivement son conservatisme fiscal et des mesures activement combattues par plusieurs syndicats et mouvements sociaux.

Soins de santé et éducation

La première bataille de Mike Harris est livrée contre les infirmières, car réduire les dépenses de santé est la première tâche à laquelle s’attaque son gouvernement. Commentant la perte d’emplois en infirmerie, Mike Harris compare les infirmières à des fabricants de hula hoop devenus obsolètes : « Tout comme les hula hoops sont disparus et ces travailleurs ont dû se trouver une autre usine et une compagnie qui fabrique autre chose qui est actuel, c’est la même chose pour le gouvernement. » Cette déclaration de Mike Harris est beaucoup médiatisée et lui met à dos les infirmières et ceux qui les soutiennent.

Les changements apportés au système d’éducation conduisent à une grève amère des enseignants en 1997, autour d’enjeux comme la coupure du temps de préparation des enseignants et des pouvoirs accrus au gouvernement pour déterminer la taille des classes et les taux de taxes. Ces changements sont largement perçus comme une atteinte aux pouvoirs locaux en matière d’éducation.

Ontario au travail et les mouvements contre la pauvreté

Les mouvements contre la pauvreté et les organismes de charité reprochent à Mike Harris son insensibilité face aux bénéficiaires des programmes sociaux, notamment par son programme Ontario au travail, sont les priorités sont la réduction des coûts et l’obligation de travailler ou de suivre une formation pour obtenir des prestations.

Les tensions entre le gouvernement et les militants contre la pauvreté culminent lors des « journées d’action », une série de manifestations et de grèves organisées entre 1995 et 1998. La plus retentissante manifestation anti-gouvernementale se déroule en 2000 à Queen’s Park. Elle est organisée notamment par la Coalition ontarienne contre la pauvreté. La manifestation tourne en affrontement entre la police et les manifestants, avec des accusations de brutalité et de violence de part et d’autre. Des dizaines de personnes sont blessées pendant l’émeute, et plus de 40 personnes sont arrêtées.

Fusions et délestage

Sous le gouvernement Harris, l’Ontario vote des lois (incluant la Loi de 1997 sur la cité de Toronto et la Loi de 2001 sur les municipalités) qui fusionnent des municipalités en plus grandes entités, dans des villes comme Toronto et Ottawa et d’autres plus petites et éparpillées comme New Liskeard, Haileybury et Dymond, qui sont fusionnées pour devenir la ville de Temiskaming Shores. On reproche au nouveau système d’avoir créé des structures trop grosses et lourdes, et moins attentives aux besoins des citoyens. Plus encore, en 2015, une étude de l’institut Fraser conclut que les fusions n’ont apporté « aucun bénéfice financier tangible ». Malgré les critiques adressées aux fusions, elles n’ont pas été annulées par les gouvernements libéraux de Dalton McGuinty et Kathleen Wynne qui ont suivi.

Le gouvernement Harris a aussi délesté aux municipalités bon nombre de ses responsabilités en matière de services sociaux, dont le logement abordable. Ces transferts ont mis beaucoup de pression sur les municipalités, qui ont dû payer la facture en augmentant les taxes foncières et en détournant l’argent prévu pour d’autres services municipaux.

Crise d’Ipperwash

L’une des controverses les plus dommageables des deux mandats de Mike Harris est la crise d’Ipperwash. Pendant l’occupation de Stoney Point par des manifestants autochtones, l’un de ceux-ci, Dudley George, est abattu mortellement. L’enquête conclut que la police et plusieurs niveaux de gouvernement ont mal géré la crise, ignorant les inquiétudes des autochtones. Certains rapportent que Mike Harris lui-même aurait déclaré : « Je veux voir les f––king indiens hors du parc », une phrase qu’il soutient n’avoir jamais prononcée.

Walkerton

La controverse la plus pénible du gouvernement Harris est sans doute celle de 2000, quand l’approvisionnement en eau de la ville de Walkerton est contaminé par E.coli. Près de la moitié de la population de la ville tombe malade, est sept personnes meurent. En octobre, une enquête publique est lancée, pendant laquelle le Dr Murray McQuigge, le médecin hygiéniste en chef régional, laisse entendre que la privatisation des laboratoires d’analyse de l’eau potable et les coupures de budget sont en partie responsables. Cette conclusion est confirmée par le rapport de 2002 du juge Dennis O’Connor, qui dirige l’enquête. Le juge O’Connor considère que les coupures de budget ont compromis la capacité du ministère de l’Environnement d’identifier les problèmes et d’y répondre, et que le gouvernement aurait dû exiger que les laboratoires d’analyse de l’eau potable soient forcés d’avertir immédiatement les médecins hygiénistes en chef régionaux et le ministère de l’Environnement en cas de résultat non conforme.

Finances et déficit

La Révolution du bon sens visait à obtenir des budgets provinciaux équilibrés, et un « petit gouvernement » permettant d’épargner l’argent des contribuables était incontestablement son objectif. Cependant, on attribue à la perte de revenus fiscaux sous le gouvernement Harris une augmentation importante de la dette, jusqu’à 30 % au moment où le Parti conservateur quitte le pouvoir. La vente par le gouvernement de l’autoroute à péage 401 pour payer une partie de la dette est dénoncée par beaucoup comme une perte énorme pour la collectivité et un échec en matière de gestion des infrastructures publiques. Toutefois, les partisans de Mike Harris considèrent les budgets équilibrés et la baisse des impôts personnels et corporatifs comme des succès importants et des étapes nécessaires pour retourner l’argent aux contribuables et juguler la croissance incontrôlée des dépenses gouvernementales.

Après la politique

Depuis sa démission du poste de premier ministre en 2002, Mike Harris est peu présent en politique électorale.

En 2002, Mike Harris se joint à un groupe de réflexion conservateur, l’Institut Fraser, en tant qu’agrégé supérieur, et rédige avec Preston Manning le document de réflexion Pour un Canada fort et prospère. De 2002 à 2010, il est conseiller d’affaires sénior pour le cabinet d’avocats Goodmans LLP.

En 2010, la bibliothèque du campus de l’Université Nipissing, à North Bay, est renommée la Harris Learning Library, à la suite de l’achat du droit de dénomination par le philanthrope Seymour Schulich. La même année, Mike Harris reçoit un doctorat honorifique en lettres de l’université.

Mike Harris se joint au conseil d’administration de Magna International en 2011, mais démissionne un an plus tard. En 2012, avec sa femme Laura, il lance une franchise Nurse Next Door, une entreprise de soins à domicile destinée aux personnes du troisième âge. En 2013, il se joint au cabinet Fasken Martineau à titre de conseiller principal d’affaires.

En 2014, Mike Harris est choisi par le gouvernement conservateur de Stephen Harper pour faire partie d’une mission d’observation lors de l’élection présidentielle en Ukraine.

Deux ans plus tard, en 2016, l’homme d’affaires et animateur de télévision Kevin O’Leary se porte candidat à la chefferie du Parti conservateur et engage Mike Harris comme « mentor » de sa campagne.

Vie personnelle

En 1967, à l’âge de 21 ans, Mike Harris épouse sa première femme, Mary Coward, mais le mariage éclate au bout de deux ans. En 1974, il épouse Janet Harrison, avec qui il a deux enfants, Michael Jr et Jeffrey. En 1999, Mike et Janet Harris se séparent. En 2005, après son divorce, Mike Harris épouse Laura Maguire.

Honneurs

Doctorat honorifique, Université Nipissing (2010)