Meubles anglais, écossais et américains | l'Encyclopédie Canadienne

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Meubles anglais, écossais et américains

On pense souvent, à tort, que les premiers meubles canadiens se limitaient à des pièces (chaises, tables) grossièrement taillées dans le pin.

Meubles anglais, écossais et américains

On pense souvent, à tort, que les premiers meubles canadiens se limitaient à des pièces (chaises, tables) grossièrement taillées dans le pin. En fait, bon nombre des meubles de style, plus raffinés, qui ornaient le boudoir, le salon ou la salle à manger étaient fabriqués selon les modèles européens par des artisans très qualifiés. Les influences ANGLAISE, écossaise et LOYALISTE sont indéniables dans les meubles fabriqués au Canada qui subsistent encore, surtout dans les détails et les caractéristiques propres à chaque région.

Époque georgienne

Les premiers colons britanniques à s'installer au Canada (en Nouvelle-Écosse de 1713 à 1783) importent ou fabriquent sur place les meubles dont ils ont besoin. Les archives fournissent le nom de quelques ébénistes, notamment Edward Draper, établi à Halifax après 1749, mais aucun meuble de cette période ne nous est parvenu. Les loyalistes arrivés en 1783-1784 représentent le premier groupe anglophone important, suivi des colons écossais. Ces deux groupes comptent bon nombre d'artisans spécialisés, notamment des ébénistes.

Les premiers meubles canadiens anglais de style que l'on connaît datent de 1785 environ et s'inspirent des styles alors à la mode en Angleterre. Au style Chippendale, en vogue en Angleterre jusque dans les années 1780, succèdent jusqu'au début du XIXe siècle, les styles Hepplewhite, Sheraton, néoclassique et Régence. Certes, les ébénistes fabriquent les meubles qu'on leur commande, mais ils subissent aussi l'influence de leur propre apprentissage conservateur.

À l'instar des artisans (voir ARTISANAT), on devient ébéniste en suivant un APPRENTISSAGE, ce qui porte les ébénistes à construire des meubles de style et de facture analogues à ceux de leurs maîtres. L'évolution des styles et de la mode est plus rapide dans les grandes villes, tandis que dans les régions plus isolées, on continue à fabriquer des meubles de style Chippendale, entre autres, même si la mode en est passée depuis longtemps (voir MEUBLES RUSTIQUES). James Waddell, artisan connu de Truro (Nouvelle-Écosse), fabrique des chaises Chippendale jusqu'en 1825.

On trouve aussi des meubles « vieillots », c'est-à-dire fabriqués de mémoire ou par observation et inspirés de styles démodés depuis longtemps. Quoique d'inspiration anglaise, les meubles de style fabriqués au Canada sont beaucoup plus simples que leurs modèles, moins décorés que leurs homologues anglais ou coloniaux américains et rarement parés de travaux de marqueterie ou de sculpture.

Halifax et Montréal restent les premiers centres d'ébénisterie raffinée, et nous possédons de nombreux exemples de meubles Chippendale fabriqués dans ces deux villes durant les années 178O et 1790. C'est en fait à Montréal que sont fabriqués les plus beaux meubles de la fin du XVIIIe siècle et du XIXe siècle, joliment plaqués de bois exotiques et décorés d'ouvrages complexes de marqueterie. Le mobilier fabriqué à Halifax est beaucoup plus simple.

Bien que Québec soit une ville sensiblement plus petite que Montréal, on y note aussi, dès 1780, la fabrication de très beaux meubles par des ébénistes spécialisés. Les pièces les plus remarquables restent sans doute les caisses d'horloge du loyaliste James Orkney, sans oublier celles des frères Bellerose, installés à Trois-Rivières avant 1800.

Au Nouveau-Brunswick, l'ébénisterie se développe à Saint-Jean et dans la vallée du fleuve Saint-Jean dans les années 1780 et 1790, mais on n'y a pas retrouvé de mobilier fabriqué avant 1800, ni de meubles Chippendale; toutes les pièces connues suivent les derniers styles du début du XIXe siècle. La première génération de colons du Haut-Canada semble aussi avoir importé ou fabriqué sur place les meubles dont elle avait besoin. On sait que des ébénistes y travaillent avant 1800, mais il ne reste aucun meuble de style d'avant cette date que l'on puisse dater avec certitude.

En général, il est possible de reconnaître les meubles de style fabriqués au Canada ou même dans une région particulière, mais on peut rarement les attribuer à un fabricant en particulier. En effet, avant la période industrielle de 1840-1850, très peu d'ébénistes marquent ou étiquettent leurs meubles. Avant 1825, seuls trois ébénistes utilisent à cet égard des étiquettes de papier : la firme Tulles, Pallister et McDonald, de Halifax (1810-1811), ainsi que Daniel Green (avant 1820) et Thomas Nisbet (1813-1848) de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick). Les marques inscrites à l'occasion au crayon ou à l'encre sont plus souvent les signatures des propriétaires des meubles que celles de leurs fabricants.

Tout comme en Grande-Bretagne et aux États-Unis, au Canada on préfère les meubles en bois d'acajou importé des Antilles. L'importation des troncs d'acajou par mer en tant que lest pour les navires reste relativement peu coûteuse, mais seuls les ébénistes des villes portuaires comme Halifax, Amherst, Saint-Jean, Québec, Trois-Rivières et Montréal y ont accès, car il était peu pratique de transporter ce bois lourd sur le continent et les ébénistes un tant soit peu éloignés des ports préféraient travailler les bois locaux.

Les ébénistes des Maritimes utilisent abondamment le bouleau teint de couleur sombre, d'où le surnom « acajou du pauvre ». Dans les ouvrages de marqueterie simple, comme les devants de tiroir, on mêle souvent le bouleau et l'érable. Dans les régions du Québec où l'on ne peut se procurer l'acajou, on se sert généralement du noyer cendré et de l'érable, tandis que dans le Haut-Canada, incapable d'importer de l'acajou avant 1830, on a recours au bouleau jaune (improprement appelé merisier au Canada), au noyer et à l'érable veiné. La structure des meubles canadiens est presque toujours en pin, même si les parties extérieures sont en bois dur. L'acajou reste le seul bois importé qui soit disponible avant 1810 environ.

Après la GUERRE DE 1812, apparaissent le citronnier et le bois de rose, le plus souvent en pièces de petites dimensions ou sous forme de placages ou de marqueterie. On importe tous les objets de quincaillerie (poignées de tiroir, roulettes et petits boutons, en laiton le plus souvent) à l'exception des charnières simples en fer. Tout comme il mêle différents bois, le mobilier de style canadien mélange aussi les styles, et on trouve souvent deux ou plusieurs d'entre eux sur un seul meuble.

La construction des canaux et la mise en service des bateaux à vapeur et plus tard des chemins de fer incitent la population à se déplacer et entraînent une homogénéisation toujours plus marquée des styles et des modèles. Les caractéristiques régionales, qui commencent à s'estomper vers 1830, disparaissent complètement à partir de 1860. Les nouvelles techniques exercent aussi une influence notoire sur les styles et le métier d'ébéniste : l'invention de la scie circulaire (1820) et des usines de bois de placage, dans les années 1830, réduisent les coûts de fabrication, rendant le bois de placage beaucoup moins cher qu'il ne l'était dans les débuts, lorsque les meubles étaient taillés à la main. Le tour avec appareil à fileter suscite, vers 1820, la mode des tables et des petits meubles à piètement rond torsadé, raffinements peu coûteux puisqu'ils sont exécutés à la machine. Des machines à sculpter très perfectionnées ouvrent ensuite la voie aux excès décoratifs de la période victorienne.

À compter de 1830, les styles d'ameublement s'adaptent de plus en plus à la fabrication mécanique. Après 1830, le développement de l'industrie conduit à l'uniformisation des modèles dans toute l'Amérique du Nord et, à partir de 1860, au déclin de l'ébénisterie. Malgré la succession rapide des styles et des modes au milieu du XIXe siècle, les meubles sont de plus en plus le produit des usines et de la mécanisation et de moins en moins le fruit des talents individuels.

D.B. WEBSTER

Meubles de styles Empire et victorien

Pendant l'Empire et l'époque victorienne, les concepteurs de meubles, délaissant les sobres lignes géométriques des styles Hepplewhite, Sheraton et Adam, préfèrent les contours pittoresques et les réminiscences historiques plus conformes à l'ARCHITECTURE éclectique de l'époque. En outre, les méthodes traditionnelles de l'artisan ébéniste cèdent de plus en plus la place à la production en usine et aux nouvelles machines à travailler le bois.

Empire

Ce terme s'applique aux styles d'abord en vogue en France sous le règne de l'empereur Napoléon Ier, soit les deux premières décennies du XIXe siècle, période correspondant à peu près à la Régence en Angleterre. Les meubles à la mode s'inspirent alors de motifs anciens, romains, grecs et égyptiens, mis en vogue par des publications comme Household Furniture and Interior Decoration (1807), de Thomas Hope. Les styles classiques restent à la mode pendant les années 1830 et 1840. Au Canada, on nomme parfois « Empire » les manifestations tardives de ce style, qui tend à suivre les précurseurs américains, et on préfère nommer « Régence » les ouvrages antérieurs.

Pendant cette période, on fabrique des chaises inspirées de la forme grecque klismos, dotées de pieds en forme de sabre et d'une large traverse horizontale au sommet du dossier. Les fauteuils arborent des accoudoirs en volute que l'on trouve aussi dans les canapés rembourrés et surmontés de coussins cylindriques là où ils rejoignent le siège. Les accoudoirs en volute des canapés Empire se retrouvent quelque peu dans les pieds et les têtes hauts et galbés des « lits français », appelés maintenant « lits bateaux ». Les tables reposent souvent sur de lourds piliers placés sur de larges bases aux pieds en volute. Les meubles d'appoint (commodes, buffets) présentent souvent des tiroirs supérieurs en surplomb soutenus par des colonnes. On fabrique aussi beaucoup de meubles en acajou plaqué sur du pin.

Victorien

Vers le milieu du XIXe siècle, des styles très divers remplacent le style Empire d'inspiration classique. À l'époque victorienne (1837-1901), on voit d'abord fleurir le style néorococo ou « moderne français », qui marque le retour des courbes et des sculptures naturalistes. La chaise à dossier ajouré en ballon et à « pieds de biche » en forme de « S » est très populaire. L'introduction des ressorts en spirale et des matériaux de rembourrage usinés et à base de peluche et de crin de cheval donne un confort tout nouveau à ces meubles aux lignes généralement arrondies, ornés de sculptures en forme de fruits, de feuilles et de fleurs.

À la même époque naît la vogue des meubles néogothiques, inspirés d'éléments d'architecture comme les arcs brisés, les faiteaux (boutons décoratifs) et les entrelacs, que l'on aime placer dans la bibliothèque ou le vestibule, puisque les chaises et les bancs néogothiques sont souvent les seuls sièges non rembourrés de la maison.

Le style « élisabéthain » est aussi très populaire au milieu du siècle, même si ses arrondis caractéristiques en forme de boule ou de quenouilles ressemblent peu aux formes véritablement en vogue sous le règne d'Élisabeth Ier. Tous ces styles et leurs variantes sont identifiés dans des manuels populaires comme The Architecture of Country Houses (1850) de A.J. Downing et The Victorian Cabinet Maker's Assistant (1855) de Blackie and Son.

Vers la fin des années 1860, on remet en question la vogue des styles inspirés des époques passées, les ornements et la tendance à la fabrication des meubles en usine. En 1868, le dessinateur anglais C.L. Eastlake publie Hints on Household Taste in Furniture, Upholstery and Other Details, qui préconise le retour à la fabrication artisanale de meubles simples et solides aux contours géométriques évitant les arrondis du style néorococo, ornés de décorations incisées aux motifs géométriques, recourbés simplement ou ajourés, et laissant paraître les chevilles et les joints utilisés pour les construire.

Ainsi naît le mouvement Arts and Crafts et le mobilier de style « mission ». Au grand désarroi des réformateurs, les usines appliquent bientôt le nom « Eastlake » à des meubles fabriqués en série simples et carrés. L'époque victorienne marque l'arrivée d'outils très divers pour le travail du bois qui, combinés à l'utilisation des machines à vapeur, à la croissance des marchés et à l'amélioration des moyens de transport, provoque la disparition du petit atelier d'artisan autonome.

L'usine de meubles de Jacques and Hay, à Toronto, est l'une des plus importantes du Canada : on y produit tellement de meubles, du pupitre d'écolier aux ensembles de salon, qu'on donne souvent à tort le nom de « Jacques and Hay » à tous les meubles victoriens fabriqués au Canada. La proximité des États-Unis influence aussi la fabrication des meubles canadiens, car très tôt les Canadiens achètent leurs meubles en gros et au détail à des fournisseurs américains.

Les styles inspirés d'époques passées continuent à dominer l'industrie du meuble, surtout le style néo-Renaissance (pendant les années 1870) caractérisé par des corniches, des frontons et des pilastres assez audacieux, des hauts-reliefs sculptés, des motifs classiques en forme de fleurs ou de bouquets de feuilles et par une multitude de fleurons et de pendeloques. Les lits, tout comme les buffets et les coiffeuses à miroirs, atteignent des hauteurs étonnantes. Les dessus en marbre se multiplient; chaises et canapés sont dotés de cadres plus discrets, souvent ornés de pointes avec des pieds fuselés, ornés de décorations tournées ou à panneaux.

Pendant les dernières années du règne de Victoria, presque tous les styles antérieurs renaissent sous forme de reproductions fidèles ou de répliques novatrices influencées par les courbes sinueuses et les formes parfois bizarres de l'Art Nouveau. La mode du capitonnage, parvenue à son paroxysme, veut que l'on recouvre entièrement le cadre des meubles de tissus variés et colorés, bordés d'une frange à glands. De nouveaux matériaux gagnent en popularité, notamment l'osier, le fer, le laiton et le bois courbe; le chêne remplace très souvent le noyer noir. Les maisons qui pratiquent la vente par correspondance, comme LA COMPAGNIE T. EATON LIMITÉE, expédient n'importe où, par chemin de fer, les meubles qu'on leur achète.

W. JOHN MCINTYRE

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