The Handmaid's Tale (La Servante écarlate) | l'Encyclopédie Canadienne

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The Handmaid's Tale (La Servante écarlate)

Le sixième roman de Margaret Atwood, The Handmaid’s Tale (1985; trad. La servante écarlate) est une terrifiante vision dystopique de l’avenir. L’histoire se déroule dans la République de Gilead, une Amérique totalitaire dans laquelle les chrétiens ont tué le président et le Congrès, et imposent une théocratie puritaine. The Handmaid’s Tale dépeint un État policier dénué d’amour qui opprime les femmes, et réglemente tous les aspects de la vie humaine sous une surveillance constante. Le roman a remporté le prix littéraire du Gouverneur général et le prix Arthur C. Clarke pour la littérature de science-fiction. Il a été vendu à plus de huit millions d’exemplaires en anglais. Ron Charles du Washington Post l’a qualifié de « roman féministe le plus populaire et le plus influent jamais écrit ». Il a été adapté en long métrage, en opéra acclamé, en ballet, en roman graphique ainsi qu’en série télévisée lauréate de prix Emmy. Le livre The Testaments (trad. Les Testaments), une suite très attendue écrite par Margaret Atwood, a été publié en septembre 2019. Dans des circonstances rares, il a remporté le prix Booker conjointement avec Girl, Woman, Other, de l’auteure Bernardine Evaristo.

The Handmaid's Tale: une oeuvre d'art publique
Une pièce d'art publique inspirée du The Handmaid's Tale de Margaret Atwood, conçu par Paula Scher et Abbott Miller, au parc High Line de New York en avril 2017.

Contexte

L’histoire de The Handmaid’s Tale se situe à Cambridge, au Massachusetts. Ceci est en partie une réaction à la vision puritaine qu’a la Nouvelle-Angleterre de l’Amérique en tant que nation élue, un pays qui a, selon sa population, une relation singulièrement étroite avec Dieu, et un devoir de propager ses valeurs autour du monde (voir aussi Destinée manifeste). Ce fil narratif de The Handmaid’s Tale démontre l’influence de la connaissance approfondie de Margaret Atwood du puritanisme du 17e siècle. Elle attribue son intérêt à un « lien personnel, parce que certains de mes ancêtres étaient de sinistres puritains de la Nouvelle-Angleterre du 17e siècle ».

Margaret Atwood déclare également que le livre est basé sur son opinion que « la fondation profonde des États-Unis… ne repose pas sur les structures relativement récentes de la république du siècle des Lumières (le 18e siècle), sur le discours d’égalité et la séparation de l’État et de l’Église, mais plutôt sur la théocratie excessivement rigide de la Nouvelle-Angleterre puritaine du 17e siècle. »

Synopsis de l’intrigue

Le roman se déroule dans un futur proche, pollué de produits chimiques toxiques et de radiation nucléaire. Un nombre très faible de femmes peut avoir des enfants et le taux de natalité a chuté de façon alarmante. Le président des États-Unis a été assassiné lors d’un coup d’État fondamentaliste. Le nouveau régime a remanié les États-Unis en une théocratie puritaine totalitaire connue sous le nom de République de Gilead. Au sein de cette nation extrêmement misogyne et répressive, les femmes qui sont encore fertiles sont forcées de devenir des « handmaids » (servantes). Elles sont les reproductrices officielles de la société.

La narration principale est constituée de transcriptions d’enregistrements réalisées par une servante nommée Offred. Elle a enregistré ses expériences alors qu’elle grandissait dans l’ancienne société, ainsi que son processus d’endoctrinement dans la nouvelle, et ses expériences vécues en tant que servante de l’un des commandants de la société. (Le nom qui lui est donné indique qu’elle n’existe que pour servir son commandant : son nom est Fred, et elle est la propriété de Fred (« of Fred ».)

Offred raconte son histoire à la première personne, décrivant la vie quotidienne déchirante et répressive d’une servante. Son récit est entrecoupé de flashbacks de son existence d’avant Gilead. Durant le moment le plus fertile du cycle menstruel d’Offred, elle est forcée de se coucher entre les jambes de l’épouse du commandant alors que celui-ci a une relation sexuelle avec elle. Cette pratique est basée sur le chapitre 30 du Livre de la Genèse. Rachel offre une servante, Bilhah, à son mari Jacob, parce qu’elle-même est incapable de concevoir.

Lorsqu’Offred s’avère incapable de tomber enceinte, l’épouse du commandant, Serena Joy, lui suggère de coucher secrètement avec leur jardinier et chauffeur, Nick. Elle espère ainsi faire croire que l’enfant de Nick est celui du commandant. Offred et Nick entament une liaison hautement illégale, inondée de motifs obscurs. Le danger de cette situation pousse Offred à s’enfuir du domicile du commandant. On ignore si elle fuit vers sa liberté ou vers sa mort.

Analyse

Offred parle d’une voix désincarnée. Elle utilise souvent des jeux de mots et des calembours, qui sont caractéristiques des narrateurs de Margaret Atwood. Cependant, la narration d’Offred dévoile également sa résistance interne au fait que les humains sont traités comme des objets. Elle reconnaît que son histoire, comme toute autre histoire, implique une reconstruction et une réorganisation d’événements chaotiques. Elle est consciente que notre accès au passé est nécessairement déformé par les mots. L’épilogue satirique du roman, « Notes historiques », sert d’avertissement quant aux dangers qu’implique le fait de rejeter ou de réécrire l’histoire.

Accueil des critiques

Le livre The Handmaid’s Tale est un succès commercial et critique. Il reçoit une très grande attention à l’échelle nationale et internationale. Le roman est largement comparé aux classiques dystopiens comme 1984 (1949) de George Orwell, Brave New World (1932; trad. Le meilleur des mondes) d’Aldous Huxley, et A Clockwork Orange (1962; trad. L’Orange mécanique) d’Anthony Burgess.

Margaret Atwood est également acclamée pour le style et l’intelligence uniques de sa prose. Patrick Parrinder du London Review of Books qualifie le livre de « performance inimitable et absolument individuelle ». Dans le Washington Post, Joyce Johnson dit de Margaret Atwood qu’elle « a réussi à trouver une voix pour son héroïne qui est directe, sans artifices, et totalement convaincante. C’est la voix d’une femme que nous connaissons, de quelqu’un très près de nous ». En novembre 2018, Ron Charles du Washington Post qualifie The Handmaid’s Tale de « roman féministe le plus populaire et le plus influent jamais écrit ».

Toutefois, la réaction envers le roman n’est pas exclusivement positive. La critique et romancière américaine Mary McCarthy (maintenant décédée) balaie The Handmaid’s Tale du revers de la main dans le New York Times, décrivant le roman comme une polémique sans imagination. Elle soutient que l’écriture est « indissociable de ce que l’on suppose être la manière normale de s’exprimer de Margaret Atwood dans de telles circonstances. C’est un grave défaut, possiblement impardonnable pour ce genre : un futur qui n’a pas de langage inventé manque de personnalité. »

Margaret Atwood
Margaret Atwood a exploré les questions de notre époque, les intégrant sous la forme d'introspection satirique du roman contemporain.

Distinctions

Depuis sa publication, The Handmaid’s Tale a été traduit dans plus de 40 langues. Le roman s’est vendu à plus de 8 millions d’exemplaires à l’échelle internationale, y compris plus de 3 millions depuis les élections présidentielles des États-Unis de 2016. Il figure souvent dans les programmes d’études secondaires et universitaires. Le roman remporte le prix littéraire du Gouverneur général pour la fiction de langue anglaise en 1985, et le prix Arthur C. Clarke pour la littérature de science-fiction en 1987. Il est également sélectionné pour d’autres prix importants, dont le prix Booker en 1986, le prix Nebula en 1986 également, et le prix Prometheus en 1987.

Adaptation cinématographique

En 1990, cinq ans après la publication du livre, une adaptation cinématographique de The Handmaid’s Tale est lancée. Elle est scénarisée par le célèbre dramaturge Harold Pinter, et réalisée par le réalisateur ouest-allemand, lauréat d’un Oscar, Volker Schlondorff. Sigourney Weaver est initialement choisie pour jouer le rôle principal, mais elle doit abandonner le projet lorsqu’elle tombe enceinte. L’actrice britannique Natasha Richardson la remplace pour jouer « Kate » (le nom d’Offred dans la version scénarisée). Le film met également en vedette Robert Duvall dans le rôle du commandant, et Faye Dunaway dans le rôle de Serena Joy.

La narration et l’esthétique du film diffèrent nettement du roman. Le film raconte l’histoire d’une manière complètement linéaire, sans flashbacks, qui ne laisse aucun espace à « Kate » pour réfléchir à sa captivité et à son existence passée. Sur le plan stylistique, le film est conçu pour être un thriller érotique, « une histoire envoûtante de sexualité dans un pays qui a mal tourné », comme l’annonce l’une des affiches publicitaires du film. De l’avis de nombreux admirateurs de Margaret Atwood, une grande partie de la subtilité, des détails et de la puissance du roman original sont perdus dans le film, qui fait l’objet de critiques mitigées et se démarque peu au box-office.


Adaptation en opéra

Une adaptation en opéra de The Handmaid’s Tale, composée par Poul Ruders sur un livret de Paul Bentley, fait sa première avec le Royal Danish Opera à Copenhague, au Danemark, le 6 mars 2000. L’opéra est dirigé par Michael Schonwandt, mis en scène par Phyllida Lloyd et conçu par Peter McKintosh.

L’opéra commence en 2195 avec un professeur présentant un exposé sur la chute de la République de Gilead; il a en sa possession un journal intime audio d’une servante nommée Offred. Le journal audio, raconté en flashbacks, raconte l’histoire de la servante et est la narration centrale de l’opéra. Le personnage d’Offred est joué par deux femmes : celle qui joue Offred la servante, et l’autre qui joue son double, représentant la vie d’Offred avant sa vie de servante.

En 2003, la production est montée par le English National Opera au Coliseum Theatre de Londres, en Angleterre. La même année, l’opéra fait ses débuts en Amérique du Nord, au Minnesota, avec une mise en scène d’Anthony Walker. En 2004, l’opéra est lancé à Toronto, où vit Margaret Atwood, dans le cadre de la saison 2004-2005 de la Compagnie d’opéra canadienne. La production met en vedette Stephanie Marshall dans le rôle d’Offred, Krizstina Szabó dans le rôle de son double, Kurt Link dans le rôle du commandant, et Jean Stilwell dans le rôle de Serena Joy. L’opéra est encensé par la critique.


Ballet

The Handmaid’s Tale est également adapté en ballet, chorégraphié par Lila York et mis en musique par James MacMillan. Le ballet initial, produit par le Royal Winnipeg Ballet (RWB), sort en première en octobre 2013. Il est critiqué pour son manque de sérieux. La version révisée, se voulant plus sombre, plus brute, et avec une nouvelle trame musicale, reçoit des critiques favorables. Elle est jouée par le RWB au Centre national des arts à Ottawa en janvier 2015.

Série télévisée

En avril 2017, les trois premiers épisodes d’une série de 10 épisodes, adaptée de The Handmaid’s Tale, est diffusée aux États-Unis sur le service de diffusion en continu Hulu, et au Canada sur la chaîne Bravo, et sur Crave. La série met en vedette Elizabeth Moss dans le rôle d’Offred, Alexis Bledel joue Ofglen, Yvonne Strahovsky joue Serena Joy et Joseph Fiennes incarne le commandant. La série est acclamée comme l’une des séries les plus captivantes et les plus à propos de l’année. À la suite de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2016, plusieurs observateurs considèrent que le roman de 1985 est plus pertinent que jamais. La série s’attire de l’attention et un succès considérable. Le New York Times parle d’une œuvre « immuable, essentielle et terrifiante ».

Bien que la série, filmée à Toronto, soit largement fidèle à la dystopie originale de Margaret Atwood, elle intègre également des enjeux mondiaux actuels dans son récit, comme la crise des réfugiés et l’islamophobie. Contrairement à l’adaptation cinématographique, pour laquelle Margaret Atwood n’a eu que très peu d’apports créatifs, elle agit en tant que productrice consultante pour la série télévisée. Elle fait également une apparition dans le premier épisode. La série remporte huit prix Emmy. Elle devient également le premier programme produit par un service de diffusion en continu à gagner un prix Emmy pour la meilleure série dramatique.

Roman graphique

En 2015, l’éditeur de Margaret Atwood, McClelland & Stewart, fait une demande de soumissions de la part de graphistes pour un roman graphique basé sur The Handmaid’s Tale. Margaret Atwood sélectionne l’artiste Renee Nault de Vancouver. Elle travaille en étroite collaboration avec l’illustratrice pour convertir le récit en un scénario au style en mouvement.

Le roman graphique comprend plus de 300 pages peintes à la main. Il est lancé le 26 mars 2019 et reçoit des critiques positives. Alex Yarde du Good Men Project le qualifie de « brillamment réalisé ». Il écrit : « Il y a de la magie dans chaque détail de l’adaptation de Madame Nault, de l’attention dans chaque panneau, et une intentionnalité dans chaque aspect du livre ».

Suite

En novembre 2018, Margaret Atwood annonce qu’elle est en train de terminer la suite de The Handmaid’s Tale, intitulée The Testaments (trad. Les Testaments). Elle révèle que le roman sera publié en septembre 2019. Dans un communiqué de presse, Margaret Atwood déclare : « Chers lecteurs, tout ce que vous m’avez toujours demandé à propos de Gilead et ses rouages internes a servi d’inspiration pour ce livre. Enfin, presque tout! L’autre partie de l’inspiration est le monde dans lequel nous vivons ».

Le roman est si attendu que Ron Charles du Washington Post écrit : « Ce n’est pas seulement le roman le plus attendu de l’année, c’est l’une des suites les plus attendues de l’ère moderne ». Une semaine avant même sa publication, The Testaments est sélectionné pour le prestigieux prix Booker.

Le livre est lancé en grande pompe le 10 septembre. Une apparition de Margaret Atwood à guichets fermés au National Theatre de Londres commence à minuit. Elle est diffusée en direct dans plus de 1 000 cinémas à travers le monde. Margaret Atwood se lance ensuite dans une tournée de promotion mondiale qui inclut des arrêts dans neuf villes canadiennes.

L’histoire de The Testaments se déroule 15 ans après la fin du roman original. Comme The Handmaid’s Tale, The Testaments est conçu du point de vue d’universitaires du futur qui jettent un regard vers l’arrière sur un Gilead effondré. L’histoire suit plusieurs intrigues qui ont été présentées dans la série télévisée de Hulu. Elles sont narrées par trois femmes, dont Tante Lydia, une antagoniste clé présente à la fois dans le roman original et dans la série télévisée. Dans sa critique du livre, Laura Miller de Slate écrit : « la Tante Lydia de The Testaments est autre chose complètement, une survivante politique fourbe qui détient une vaste collection de secrets d’autres personnes, et aucun amour pour ce qu’était Gilead. Cette Lydia joue un jeu de longue haleine, et l’un des nombreux plaisirs de ce roman captivant est d’être témoin de l’aboutissement de ses plans. »

Le 4 septembre 2019, Hulu et MGM annoncent l’adaptation de The Testaments en série télévisée. Ils sont en pourparlers avec Bruce Miller, scénariste de The Handmaid’s Tale, concernant la supervision du projet.

Le 24 octobre 2019, le prix Booker est attribué conjointement à The Testaments et à Girl, Woman, Other de Bernardine Evaristo. Ce n’est que la troisième fois en 50 ans d’histoire que le prix couronne simultanément deux livres. Les lauréates se partagent le prix de 50 000 £ (83 400 $ CA). Margaret Atwood, âgée de 79 ans, devient l’auteure la plus âgée à recevoir le prix Booker, tandis que Bernardine Evaristo devient la première femme noire à remporter ce prix. C’est la deuxième victoire pour Margaret Atwood, son livre The Blind Assassin (trad. Le Tueur aveugle) ayant été couronné en 2000, ce qui fait d’elle la quatrième auteure à remporter le prix Booker à deux reprises. Lors de la réception de ce prix, Margaret Atwood se dit heureuse de le recevoir conjointement. Elle ajoute qu’elle a l’intention d’offrir la moitié de son prix pour financer une bourse d’études destinée aux étudiants autochtones du Canada.

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