Héraldique
Science qui a pour objet la conception et l'étude des armoiries. Les signes, comme les symboles, transmettent des messages, mais les symboles éveillent aussi des émotions. Une flèche de signalisation ne suscite aucune réponse émotive alors que, pour comprendre la valeur symbolique d'un drapeau, il faut qu'entrent en jeu des émotions comme la fierté, le dévouement, le patriotisme ou l'admiration. Un emblème est un symbole ayant un sens déterminé par convention. La masse parlementaire était peut-être à l'origine un moyen de maintenir par la force le bon ordre des assemblées, mais elle est de nos jours un emblème d'autorité conventionnel et, en tant que symbole, elle inspire le respect. Il y a des symboles religieux, artistiques et traditionnels. Les blasons sont des symboles visuels qui expriment les croyances, les aspirations et l'histoire de personnes ou de collectivités.
Pendant les croisades (du 11e au 13e siècle), les nations européennes jugent bon de s'identifier par des croix de diverses couleurs tout en améliorant les armures pour réduire leurs pertes. Les chevaliers, ayant la tête entièrement couverte par un heaume, sont identifiables au moyen d'un symbole personnel qu'ils arborent sur leur surcot, leur écu et leur bannière. De tels symboles deviennent les principaux éléments des blasons, dont le cimier n'est qu'une partie. L'usage des blasons ou armoiries s'est perpétué parce qu'il est devenu héréditaire dans les familles et s'est étendu aux corporations et aux autorités civiles.
En 1407, Charles VI de France constitue un collège d'héraldique, et l'attribution d'armoiries se poursuit jusqu'en 1790. Au Canada, le premier usage connu de symboles héraldiques remonte au 24 juillet 1534, lorsque Jacques Cartier plante à Gaspé une grande croix de bois portant les armoiries royales de France. Celles-ci, trois fleurs de lis sur fond bleu, représentent par la suite le roi de France dans le Nouveau Monde. On peut posséder des armoiries sans appartenir à la noblesse, mais en pratique, la plupart de ceux qui en détiennent en Nouvelle-France (fonctionnaires, officiers, membres du clergé et marchands) sont des nobles. Plusieurs obtiennent des lettres de noblesse, puis des armoiries en raison des services qu'ils ont rendus au souverain, par exemple, Charles Le Moyne de Longueuil (1668), Nicolas Juchereau de Saint-Denis (à titre posthume, 1697) et Joseph-François Hertel de la Fresnière (1716).
Après la chute de la Nouvelle-France, les autorités héraldiques du Canada sont les officiers du souverain britannique, le collège des hérauts d'Angleterre et la cour du lord Lyon, en Écosse. Peu de Canadiens d'origine française s'adressent aux autorités britanniques pour faire légitimer leurs armoiries ou en obtenir de nouvelles. Au tout début, Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry fait exception en faisant enregistrer les armoiries de son père avec sa Croix de l'Ordre de Saint-Louis au collège des hérauts en juin 1763. Le premier Canadien à obtenir des armoiries après 1763 est James Cuthbert (1778). Le deuxième cas connu est William McGillivray (1801). Les concessions d'armoiries sont rares au début, car les Canadiens travaillent à construire un pays et n'ont de guère de temps ni d'argent à consacrer aux agréments de la vie. Bon nombre de villes importantes et d'institutions s'intéressent à l'héraldique, mais peu font enregistrer officiellement leurs armoiries. L'art héraldique est donc d'un style un peu naïf, représentant des bateaux à vapeur, des locomotives, des silos à céréales, des usines et des forêts.
L'art héraldique connaît aujourd'hui une renaissance, probablement parce que les gens cherchent des moyens spéciaux d'exprimer leur identité, mais aussi parce que les arts, les religions, la psychologie et les sciences sociales reconnaissent l'importance du symbolisme. La Société héraldique du Canada contribue grandement à faire connaître l'art héraldique et incite les villes, les corporations, les institutions et les particuliers à se doter d'armoiries. Le gouverneur général Georges Vanier, lord Beaverbrook (voir Max Aitken) et le lieutenant-gouverneur George F.G. Stanley possèdent leurs armoiries. Beaucoup plus de municipalités qu'avant en possèdent aussi, par exemple, Fredericton, Hamilton-Wentworth, Peace River (Alberta), Esquimalt (Colombie-Britannique) et Grand Falls (Terre-Neuve) ainsi que de nombreux corps constitués comme la Société royale du Canada, la Compagnie de la Baie d'Hudson, les Sœurs grises et beaucoup d'universités. La plupart des évêques et des diocèses ont des armoiries ainsi que certains comtés.
Une description en langage héraldique est un blasonnement; son expression graphique est un blason. Les formes sont stylisées de manière à faire ressortir les détails importants. Les proportions et les teintes des couleurs comptent également. L'art d'un bon héraldiste se distingue par un style personnel et évite les stéréotypes. Avant la création d'une autorité héraldique canadienne, la confusion régnait en la matière, et la conception des armoiries était généralement médiocre. Les gens devraient se méfier du premier venu qui veut leur vendre des armoiries : celles-ci pourraient appartenir à une branche qui n'a aucun autre lien que le même nom de famille. Dans la plupart des pays d'Europe et au Canada, les armoiries sont conférées au titulaire et à ses descendants; toutes les familles n'en possèdent pas.
Les Archives nationales du Canada (qui s'appelaient auparavant les Archives publiques du Canada) répondent aux demandes de renseignements et, dans une mesure raisonnable, conseillent chercheurs et concepteurs. Elles aident les musées et les particuliers à identifier les armoiries qu'on trouve sur des objets d'art. Le logo semble être actuellement le grand rival de l'art héraldique, mais les héraldistes soutiennent que, contrairement à ce dernier, le logo n'est peut-être qu'une mode qui ne durera pas.