Première Guerre mondiale | l'Encyclopédie Canadienne

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Première Guerre mondiale

La Première Guerre mondiale de 1914-1918 a été le conflit le plus sanglant de l’histoire du Canada, coûtant la vie à plus de 61 000 Canadiens. Elle a effacé la vision romantique de la guerre, introduit le massacre à grande échelle et instillé une crainte de l’engagement militaire qui s’est poursuivie jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Cependant, les grands accomplissements des soldats canadiens sur des champs de bataille comme Ypres, Vimy et Passchendaele ont insufflé un sentiment de fierté nationale et l’idée que le Canada pouvait prendre sa place sur la scène internationale, indépendamment de l’Empire britannique. La guerre a aussi approfondi les divisions entre le Canada anglais et le Canada français, et marqué le début des grandes interventions de l’État dans la société et l’économie.

Deuxième bataille d'ypres
Soldats canadiens revenant de la crête de Vimy, en France, en mai 1917.
Première Guerre mondiale (carte)
Première Guerre mondiale (carte)
Noms gravés sur les murs du monument de Vimy
Les noms de 11 285 soldats canadiens tués en France lors de la Première Guerre mondiale, sans sépulture connue, sont gravés sur le monument de Vimy.
Richard Foot

L’entrée en guerre

Le Parlement canadien ne choisit pas d’entrer en guerre en 1914. La politique internationale du pays est alors décidée par Londres. Ainsi, dès l’expiration de l’ultimatum de la Grande-Bretagne à l’Allemagne de retirer ses troupes de Belgique, le 4 août 1914, l’Empire britannique, y compris le Canada, entre en guerre, allié à la Serbie, la Russie et la France contre l’Empire allemand et l’Autriche-Hongrie.

Borden, sir Robert Laird
Sam Hughes
Le général sir Sam Hughes, ministre canadien de la Milice et de la Défense.
Avec la permission de Canada. Ministère de la défense nationale / Bibliothèque et Archives Canada / C-020240

Au début, la guerre unit les Canadiens. L’opposition libérale demande au gouvernement conservateur du premier ministre sir Robert Borden de s’octroyer des pouvoirs spéciaux en vertu de la nouvelle Loi sur les mesures de guerre. Le ministre de la Milice Sam Hughes convoque 25 000 volontaires pour l’entraînement dans un nouveau camp à Valcartier près de Québec; près de 33 000 se présentent. Le 3 octobre, le premier contingent de 30 617 hommes appareille pour l’Angleterre. La plus grande partie de l’effort de guerre canadien est fournie par des volontaires. Le Fonds patriotique canadien recueille des fonds pour soutenir les familles des soldats. Une commission des hôpitaux militaires prend en charge les malades et les blessés. Les églises, les organismes de charité, les organisations féminines et la Croix-Rouge trouvent chacun leur manière de faire leur part pour l’effort de guerre. (Voir Effort de guerre au Canada et Les enfants canadiens et la Grande Guerre.) Dans cette ferveur patriotique, certains Canadiens demandent que les Allemands et Autrichiens soient démis de leurs emplois et internés (voir Internement au Canada), et font pression pour que le nom de Berlin, en Ontario, soit changé pour Kitchener.

La guerre et l’économie

Au début, la guerre fait mal à une économie déjà fragile, accroissant le chômage et réduisant le crédit pour les nouveaux réseaux ferroviaires transcontinentaux canadiens, le Canadian Northern et le Grand Trunk Pacific, déjà criblés de dettes. Vers 1915, toutefois, les dépenses militaires du gouvernement égalent la totalité du budget du gouvernement en 1913. Le ministre des Finances, Thomas White, s’oppose à la levée de nouveaux impôts. La Grande-Bretagne ne pouvant plus prêter d’argent au Canada, celui-ci se tourne vers les États-Unis.

Aussi, bien qu’il ne croie pas que les Canadiens accepteront de prêter de l’argent à leur propre gouvernement, Thomas White doit tenter sa chance. En 1915, il demande 50 millions de dollars : il obtient 100 millions. En 1917, la campagne des Emprunts de la Victoire du gouvernement commence à recueillir, pour la première fois, d’importantes quantités d’argent auprès des simples citoyens. L’effort de guerre du Canada est financé principalement par des emprunts. Entre 1913 et 1918, la dette nationale passe de 463 millions à 2,46 milliards de dollars, une somme énorme pour l’époque.

Le fardeau économique du Canada aurait été impossible à porter sans les gigantesques exportations de blé, de bois et de munitions. De mauvaises récoltes, avant la guerre, ont donné aux cultivateurs des Prairies un avant-goût des futures sécheresses, mais une récolte exceptionnelle en 1915 et la hausse des prix font oublier toute prudence. Beaucoup de travailleurs de ferme s’étant joints à l’Armée, les cultivateurs commencent à se plaindre d’une pénurie de main-d’œuvre. On espère que les usines fermées par la récession profiteront de la guerre. Les manufacturiers forment un Comité des obus, obtiennent des contrats pour fabriquer des munitions pour l’artillerie britannique et mettent sur pied une nouvelle industrie. La chose n’est pas facile. À l’été 1915, le comité, qui a reçu pour 170 millions de dollars de commandes, ne livre que 5,5 millions de dollars de munitions. Le gouvernement britannique insiste pour qu’une réorganisation soit effectuée. Le résultat, la Commission impériale des munitions, est un organisme britannique au Canada, bien qu’il soit dirigé par un Canadien talentueux et ambitieux, Joseph Flavelle. Dès 1917, celui-ci a fait de la CIM la plus grande entreprise du Canada, employant 250 000 travailleurs. Quand les Britanniques cesseront d’acheter au Canada en 1917, Joseph Flavelle négociera de nouveaux contrats d’importance avec les États-Unis.

Recrutement au pays

Des travailleurs au chômage s’enrôlent en masse en 1914 et 1915. Le recrutement, effectué par les régiments de milice d’avant la guerre et des organisations civiques, ne coûte rien au gouvernement. À la fin de 1914, l’objectif pour le Corps expéditionnaire canadien (CEC) est de 50 000 hommes; à l’été 1915, il est de 150 000 hommes. Durant une visite en Angleterre, cet été-là, le premier ministre Robert Borden est frappé par l’ampleur de la lutte. Pour démontrer l’engagement canadien dans l’effort de guerre, Robert Borden utilise son message du Nouvel An de 1916 pour promettre l’envoi de 500 000 soldats, sur une population canadienne d’à peine 8 millions d’habitants. À ce moment-là, les engagements volontaires ont pratiquement cessé. Les premiers contingents étaient composés surtout d’immigrants britanniques récents; en 1915, la plupart des Canadiens de naissance désireux d’aller combattre s’étaient enrôlés. Le total, de 330 000 hommes, est impressionnant, mais insuffisant.

WWI Victory Bond poster
WWI Affiche de recrutement
Cdn patriotique affiche
Affiche du Canadian Patriotic Fund, 1917.
Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/1983-28-581

Les méthodes de recrutement deviennent insistantes et conflictuelles. Le clergé prêche le devoir de chrétien; des femmes portent des macarons avec le slogan « Knit or Fight » (tricotez ou combattez); de plus en plus de Canadiens anglais se plaignent que les Canadiens français ne font pas leur part. Cela n’est guère surprenant : peu de Canadiens français éprouvent une profonde loyauté à la France ou à la Grande-Bretagne. Les quelques-uns qui font partie du gouvernement Borden ont été élus en 1911 en s’opposant à l’impérialisme. Henri Bourassa, leader et porte-parole des nationalistes du Québec, approuve la guerre au début, mais soutient bientôt que les véritables ennemis du Canada français ne sont pas les Allemands « mais les anglicisateurs canadiens-anglais, les intrigants ontariens ou les prêtres irlandais » qui travaillent à abolir l’éducation en français dans les provinces anglophones comme l’Ontario (voir La Guerre des épingles). Au Québec et au Canada, le chômage a cédé la place à des pénuries de main-d’œuvre. Au plan économique, il y a de bonnes raisons de vouloir rester au pays.

Le saviez-vous?
Plus de 4 000 Autochtones se sont portés volontaires pour servir outremer au sein du Corps expéditionnaire canadien (CEC) durant la Première Guerre mondiale. En outre, des historiens modernes et autres chercheurs ont démontré que des centaines d’Autochtones se sont portés volontaires sans s’identifier en tant qu’Autochtones dans leurs formulaires de recrutement. L’historien Timothy Winegard a révélé que le recrutement et l’engagement volontaire des soldats autochtones s’est fait en trois phases. Dans un premier temps, entre août 1914 et décembre 1915, l’armée accepte « officieusement » les soldats autochtones, particulièrement les Indiens inscrits (membres de Premières Nations ayant le statut juridique d’Indiens). En d’autres termes, l’armée accepte de les enrôler, sans toutefois tenter activement de les recruter. Dans un deuxième temps, de décembre 1915 à décembre 1916, le gouvernement canadien et le ministère des Affaires indiennes assouplissent les restrictions concernant les volontaires autochtones, car les pertes du CEC s’accentuent à la suite de combats sanglants comme la deuxième bataille d’Ypres (1915) et la bataille de la Somme (1916). La troisième phase s’étend de 1917 à la fin de la guerre. Durant cette période, les Autochtones sont officiellement encouragés à se porter volontaires, car le recrutement volontaire s’épuise au Canada, et le premier ministre Robert Borden décide d’instituer la conscription (service militaire obligatoire). La Loi du service militaire (LSM) d’août 1917, qui déclare la conscription des hommes entre 20 et 45 ans, inclut au départ tous les hommes autochtones (sauf les Inuits), Indiens inscrits ou non. Bien que les membres de Premières Nations et les autres Autochtones soient exemptés de la LSM en janvier 1918, beaucoup d’autres continuent à se porter volontaires jusqu’à la fin de la guerre. On estime que plus de 1 200 soldats autochtones ont été tués ou blessés durant la Première Guerre mondiale (voir Les peuples autochtones et les guerres mondiales et Les peuples autochtones et la Première Guerre mondiale).


Le Corps expéditionnaire canadien

Les Canadiens du CEC sont intégrés à l’armée britannique. En tant que ministre de la Milice, Sam Hughes insiste pour choisir les officiers et pour conserver les fusils Ross fabriqués au Canada. Puisque ces fusils s’enrayent facilement, et que plusieurs des officiers sont choisis au gré des réseaux d’amitié plus que des compétences, l’armée canadienne est affligée de sérieuses déficiences. Le système de recrutement est basé sur la formation de centaines de nouveaux bataillons, et la plupart d’entre eux sont dissous dès leur arrivée en Angleterre, au mécontentement de nombreux officiers supérieurs. Sam Hughes croit que les civils canadiens (par opposition aux soldats professionnels) seront des soldats naturels. En pratique, ils devront recevoir beaucoup de leçons très coûteuses. Ils le feront avec courage et un grand esprit de sacrifice.

Ypres en Belgique
A. Y. Jackson, Maisons d
Soldats canadiens, bataille de la Somme
Des soldats canadiens reviennent de la bataille de la Somme, en France, novembre 1916.
Howitzer-bataille de la Somme

À la seconde bataille d’Ypres, en avril 1915, la 1re Division canadienne, mal entraînée, subit 6 036 pertes et le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry perd 678 hommes. Les troupes se débarrassent aussi de leurs fusils Ross défectueux. À la bataille des cratères de Saint-Éloi, en 1916, la 2e Division essuie un revers douloureux parce que ses officiers supérieurs ont échoué à localiser leurs hommes. En juin, la 3e Division est taillée en pièces au mont Sorrel, bien que la position soit ensuite reprise par la 1re Division, désormais plus aguerrie. L’épreuve des combats élimine les officiers inaptes et apprend aux survivants que la discipline et un soigneux travail de préparation par l’état-major sont vitaux.

Les Canadiens ne participent pas aux premiers combats sur la Somme, durant l’été 1916, bien qu’un contingent distinct de Terre-Neuve, le 1st Newfoundland Regiment, soit anéanti à Beaumont Hamel durant la désastreuse première journée, le 1erjuillet. Quand les Canadiens entrent dans la bataille, le 30 août, leur expérience les aide à obtenir des gains limités, mais payés très cher. À la fin de la bataille, le Corps canadien a atteint sa force complète de quatre divisions. (Voir Bataille de Courcelette.)

L’embarrassante confusion de l’administration canadienne en Angleterre, et le refus de Sam Hughes de démettre ses protégés obligent le gouvernement Borden à établir un ministère des Forces militaires d’outre-mer distinct, basé à Londres, pour contrôler le CEC outremer. N’ayant plus grand pouvoir, Sam Hughes démissionne en novembre 1916. La loi créant le nouveau ministère établit que le CEC est désormais une organisation militaire canadienne, bien que ses relations quotidiennes avec l’armée britannique ne changent pas immédiatement. Deux ministres, sir George Perley, puis sir Edward Kemp, réforment graduellement l’administration outremer et accroissent le contrôle effectif du Canada sur le CEC. (Voir aussi: Le soldat canadien de la Grande Guerre et Commandement canadien pendant la Grande Guerre.)

Autres participations canadiennes

Si le plus grand nombre des Canadiens servent dans le Corps canadien ou avec une brigade de cavalerie distincte sur le front de l’Ouest, d’autres Canadiens sont présents presque partout dans l’effort de guerre allié. De jeunes Canadiens se sont entraînés (souvent à leur frais) pour devenir pilotes dans l’aviation britannique. En 1917, le Royal Flying Corps ouvre des écoles au Canada, et à la fin de la guerre presque un quart des pilotes de la Royal Air Force sont des Canadiens. Trois d’entre eux, le major William A. Bishop, le major Raymond Collishaw et le colonel William Barker, comptent parmi les as de l’aviation de la guerre. Une force aérienne canadienne est créée durant les derniers mois du conflit (voir La guerre dans les airs).

W.A. Bishop
Le capitaine W. A. Bishop, V. C., Royal Flying Corps, en France, en 1917. Avec la permission de William Rider-Rider/Bibliothèque et Archives Canada/PA-001654.
École d'aviation du Royal Flying Corps Canada, à l'Université de Toronto, en 1917.
Image: Canada. Dept. of National Defence / Library and Archives Canada / C-020396
Colonel William Barker, pilote
Le colonel Barker, décoré de la croix de Victoria, dans l'un des avions allemands capturés et contre lequel il a livré son dernier combat (avec la permission de la British Library).

Des Canadiens servent aussi au sein de la Royal Navy, et la toute petite marine canadienne organise une patrouille côtière de surveillance des sous-marins.

Des milliers de Canadiens coupent les forêts en Écosse en en France et construisent, puis font fonctionner la plus grande partie des chemins de fer derrière le front britannique. D’autres conduisent les bateaux à vapeur sur le Tigre, s’occupent des blessés à Salonika (Thessalonique), en Grèce, et combattent les bolcheviks à Archangel et Baku (voir Intervention du Canada dans la guerre civile russe).

Vimy et Passchendaele

Les stratèges britanniques et français déplorent des diversions par rapport à l’effort principal contre le gros des forces allemandes, sur le front de l’Ouest européen. C’est là, disent-ils, que la guerre doit être menée. Le Corps canadien, aguerri, est un instrument majeur de cette guerre d’usure (voir Commandement canadien pendant la Grande Guerre). Ses aptitudes et sa formation sont mises à l’épreuve durant la fin de semaine de Pâques 1917, quand les quatre divisions sont envoyées pour essayer de conquérir la crête de Vimy, apparemment imprenable. Des semaines de répétitions, de stockage de réserves et de bombardements finissent par produire un résultat. En cinq jours, la crête est prise.

Plateau de Vimy
Les mitrailleurs canadiens se terrent dans les tranchées, sur le plateau de Vimy, en France, en avril 1917 (avec la permission de NAC/PA-1017).
Soldats blessés à la crête de Vimy
Des soldats blessés sur la ligne de front à la crête de Vimy. France, avril 1917.
Avec la permission de Dept. of National Defence/Library and Archives Canada/3521851
Soldats canadiens revenant de la crête de Vimy, en France, en mai 1917.
Tranchées, Crête de Vimy
Tranchées datant de la Première Guerre mondiale, Monument commémoratif du Canada à Vimy (photo de Jacqueline Hucker).
Vicomte Byng de Vimy
Julian Hedworth George Byng, mai 1917. Byng a agi honnêtement dans l'affaire qui l'a opposé à King, mais il a quitté le Canada dans la confusion (avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/PA-1356).
Le général Sir Arthur Currie en juin 1917.
Passchendaele
Des Canadiens blessés se dirigent vers un poste de secours. Bataille de Passchendaele. Novembre 1917 (avec la permission de Bibliothèque et Archives PA-2107).

L’habile commandant britannique du Corps, le lieutenant-général sirJulian Byng, est promu; son successeur est un Canadien, le lieutenant-général sir Arthur Currie, qui peaufine les méthodes de Julian Byng. Au lieu d’attaquer Lens durant l’été 1917, Arthur Currie prend la côte 70 toute proche et utilise l’artillerie pour détruire, vague après vague, les contre-attaques allemandes. Subalterne de plus en plus indépendant, Arthur Currie critique les ordres, mais ne peut les rejeter. Quand on lui ordonne d’achever la désastreuse offensive britannique à Passchendaele en octobre 1917, Arthur Currie prévient que cela coûtera la vie à 16 000 de ses 120 000 hommes. Bien qu’il exige du temps pour se préparer, la victoire canadienne sur le champ de bataille lugubre et détrempé laisse un total de 15 654 morts et blessés.

(Voir aussi: Évolution des troupes de choc canadiennes)

Robert Borden et la conscription

En 1916, même les ligues patriotiques reconnaissent l’échec du recrutement volontaire. Les chefs d’entreprise, les protestants et les catholiques anglophones comme l’évêque Michael Fallon commencent à critiquer le Canada français. Devant des appels de plus en plus nombreux à la conscription, le gouvernement Borden trouve un compromis en août 1916 avec un programme d’inscription national. Un important manufacturier de Montréal, Arthur Mignault, est chargé du recrutement au Québec et, pour la première fois, des fonds publics sont fournis. Une dernière tentative de lever un bataillon canadien-français – le 14e pour le Québec et le 258e pour l’ensemble du Canada –, échoue finalement en 1917.

Affiche de campagne du Union Government, 1914-1918.
Avec la permission de Bibliothèques et Archives Canada/1983-28-726
Défilé anti-conscription au Square Victoria à Montréal le 24 mai 1917.
Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada / C-006859
Affiche de recrutement pour les femmes
Affice de recrutement pour les femmes, 1914-1918.
Avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada/1983-28-1504.
Henri Bourassa, 1917

Jusqu’en 1917, Robert Borden n’a pas plus de nouvelles de la guerre ou de la stratégie des Alliés que ce qu’il peut lire dans les journaux. Il est inquiet de la manière dont les Britanniques mènent la guerre, mais il consacre l’année 1916 à améliorer l’administration militaire et la production de munitions au Canada. En décembre 1916, David Lloyd George devient chef d’un nouveau gouvernement de coalition britannique chaudement déterminé à gagner la guerre. Un Canadien expatrié, Max Aitken, premier baron Beaverbrook, contribue à mettre en branle les changements. Confronté à des représentants suspicieux et à l’échec de l’effort de guerre, Lloyd George convoque les dirigeants des dominions à Londres. Ils verront par eux-mêmes que les Alliés ont besoin de plus d’hommes. Le 2 mars, quand Robert Borden et les autres premiers ministres se rencontrent, la Russie s’effondre, l’armée française est près de la mutinerie et les sous-marins allemands ont presque coupé les approvisionnements de la Grande-Bretagne.

Robert Borden mène la charge pour donner une voix aux dominions dans l’élaboration des politiques et pour qu’ils obtiennent un statut plus indépendant après la guerre. Ses visites dans les camps et les hôpitaux canadiens le persuadent que le CEC a besoin de renforts. La victoire de la crête de Vimy, pendant sa visite, est source de fierté pour tous les Canadiens, mais au coût de 10 602 pertes, dont 3 598 morts. Quand il revient au Canada, Robert Borden s’engage à imposer la conscription. Le 18 mai 1917, il annonce aux Canadiens la nouvelle politique de son gouvernement. L’évolution de la situation ne permet plus de respecter la promesse, faite en 1914, de s’en tenir à des contingents volontaires.

Au Canada anglais, beaucoup s’opposent à la conscription (cultivateurs, chefs syndicaux, pacifistes, chefs autochtones, entre autres), mais ils trouvent peu d’occasions d’exprimer leur point de vue. L’opposition du Canada français est presque unanime, sous le leadership d’Henri Bourassa, qui soutient que le Canada en a fait assez, que les intérêts du Canada ne sont pas en jeu dans le conflit européen, et que les hommes sont plus précieux pour produire de la nourriture et des munitions.

Robert Borden considère que ces arguments sont insensibles et matérialistes. Le Canada doit soutenir ses jeunes soldats. La lutte des Alliés contre le militarisme prussien est une croisade pour la liberté. Les points de vue rivaux sont incompatibles. Pour décréter la conscription, Robert Borden offre à sir Wilfrid Laurier de former une coalition. Le chef libéral refuse, convaincu que son parti peut désormais défaire les conservateurs. Il craint aussi que le nationalisme d’Henri Bourassa ne balaie le Québec s’il s’allie à Borden. Mais Wilfrid Laurier surestime le soutien dont il dispose.

Beaucoup de libéraux canadiens-anglais s’accordent sur l’idée que la guerre est une croisade. Un vent de réforme et de sacrifice a amené plusieurs provinces à accorder le droit de vote aux femmes et à interdire la vente et la consommation d’alcool (voir Mouvement de tempérance au Canada). Bien qu’ils n’apprécient guère les conservateurs, beaucoup de libéraux réformistes, comme l’Ontarien Newton Rowell, croient que l’attitude de Robert Borden face à la guerre est sincère, et que celle de Laurier, elle, ne l’est pas. Robert Borden se donne aussi deux armes politiques: le 20 septembre 1917, le Parlement accorde le droit de vote à tous les soldats, y compris ceux qui se trouvent outremer; il accorde aussi le droit de vote aux femmes, mères et sœurs des soldats, ainsi qu’aux femmes qui servent dans les forces armées, et il le retire aux Canadiens originaires de pays ennemis qui sont devenus citoyens depuis 1902 (voir Loi des élections en temps de guerre). Ceci a pour effet d’ajouter beaucoup de votes favorables à la conscription et de retirer des électeurs libéraux de la liste. Le 6 octobre, le Parlement est dissous. Cinq jours plus tard, Robert Borden annonce la formation d’un gouvernement d’union, une coalition qui s’engage à imposer la conscription, à mettre fin au patronage et à accorder intégralement le droit de vote aux femmes.

Huit des neuf provinces du Canada reconnaissent le nouveau gouvernement, mais Wilfrid Laurier domine toujours au Québec, et de nombreux libéraux du Canada restent fidèles à leur allégeance. Robert Borden et ses ministres doivent promettre de nombreuses exemptions afin de rendre la conscription acceptable. Le 17 septembre, les unionistes remportent 153 sièges contre 82 pour Wilfrid Laurier, mais sans le vote des soldats, seulement 100 000 votes auraient séparé les partis (Voir Élection de 1917). La conscription n’est appliquée que le 1er janvier 1918. La Loi du service militaire permet tant d’exemptions et d’appels que sur plus de 400 000 conscrits, 380 510 font appel. Le problème du manque d’hommes est loin d’être réglé.

Bien que la conscription soit controversée, divisant profondément le Canada anglais et le Canada français, 24 132 soldats conscrits atteignent le front de l’Ouest à temps pour se joindre au Corps expéditionnaire canadien pour les grands combats de 1918. Ceci est vital durant les cent derniers jours de la guerre, entre août et novembre 1918 (voir Les cent jours du Canada). Avec 48 bataillons d’infanterie d’environ 1 000 hommes chacun, le Corps canadien est considérablement fortifié par plus de 24 000 conscrits durant les derniers mois de la guerre. Les « hommes de la LSM » représentent un accroissement de près de 500 hommes par bataillon pour le CEC durant la dernière phase de la guerre.

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La phase finale

En mars 1918, les désastres pleuvent sur les Alliés. Les armées allemandes, déplacées de l’Est vers le front de l’Ouest après l’effondrement de la Russie en 1917, défoncent les lignes britanniques. La cinquième armée britannique est détruite. Au Canada, les émeutes contre la conscription à Québec durant la fin de semaine de Pâques font quatre morts. Le gouvernement Borden annule toutes les exemptions. Beaucoup qui ont voté pour les unionistes en croyant que leurs fils seraient exemptés se sentent trahis.

Bataille pour prendre la ligne Hindenburg
Avancée canadienne à l'est d'Arras, en France : Cambrai sous le feu, octobre 1918 (avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/PA-3420).
La destruction de l'explosion d'Halifax

La guerre entre dans une dernière phase particulièrement pénible. Le 6 décembre 1917, l’explosion d’Halifax tue plus de 1 600 personnes et est suivie par la pire tempête de neige depuis des années. Dans l’ensemble du Canada, les énormes emprunts de sir Thomas White (le ministre fédéral des Finances) entraînent finalement une inflation hors de contrôle. Les travailleurs se syndiquent et luttent pour de meilleurs salaires. Les contrôleurs de vivres et de carburant prêchent maintenant la conservation, cherchent à accroître la production et envoient des agents pour arrêter les accapareurs. La pression publique pour la « conscription de la richesse » oblige Thomas White, malgré ses réticences, à imposer en avril 1917 un impôt sur le revenu et un impôt pour les entreprises (voir Imposition au Canada). Une loi menace de prison tout homme qui n’occupe pas un emploi rémunéré. La police fédérale reçoit l’ordre de pourchasser toute forme de sédition. Les partis socialistes et les syndicats radicaux sont interdits, de même que certains journaux publiés dans la « langue de l’ennemi ». Les Canadiens apprennent à vivre sous un contrôle et un empiètement sans précédent des gouvernements dans leur vie quotidienne. Les pénuries de nourriture et de carburant se traduisent par des « vendredis sans viande » et des « dimanches sans essence ».

Dans d’autres pays en guerre, l’épuisement et le désespoir sont plus profonds. La défaite menace les Alliés, mais le Corps canadien échappe à la succession des offensives allemandes. Sir Arthur Currie insiste pour que son intégrité soit maintenue. Une 5e Division, maintenue en Angleterre depuis 1916, est finalement démembrée pour fournir des renforts.

Les États-Unis entrent dans la guerre en 1917, envoyant des renforts et des approvisionnements qui finiront par retourner le vent contre l’Allemagne. Pour reconstituer les lignes alliées, les Canadiens et les Australiens attaquent près d’Amiens le 8 août 1918 (voir Bataille d’Amiens). Les tactiques de choc utilisant simultanément les avions, les chars et l’infanterie brisent les lignes allemandes. En septembre et au début d’octobre, les Canadiens attaquent encore et encore, subissant d’énormes pertes, mais réalisant des avancées considérées comme inimaginables (voir Bataille de Cambrai). Les Allemands combattent avec adresse et courage jusqu’à Mons, petite ville belge où les combats cessent pour les Canadiens à 11 heures (heure de Greenwich), le 11 novembre 1918. Plus officiellement, la guerre se termine par le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919.

Le Canada à lui seul dénombre 61 000 morts. Beaucoup plus reviennent du conflit mutilés physiquement ou psychologiquement. Plus de 170 000 hommes ont été sérieusement blessés dans les combats, et des milliers d’autres souffrent d’« obusite » (voir Trouble de stress post-traumatique (TSPT) ). Les survivants constatent que presque toutes les facettes de la vie canadienne, de la longueur des jupes à la valeur de l’argent, ont été transformées par les années de guerre. Les gouvernements ont pris en charge des responsabilités qu’ils n’abandonneront plus. L’impôt sur le revenu survivra à la guerre. C’est le cas aussi des ministères qui deviendront bientôt celui des Anciens combattants et celui des Pensions et de la Santé nationale.

De l’autre côté de l’océan, les soldats canadiens ont lutté pour obtenir un degré considérable d’autonomie par rapport au contrôle britannique. La récompense directe du Canada pour ses sacrifices sera une modeste présence à la conférence de paix de Paris, à Versailles (voir Traité de Versailles), ainsi qu’un siège à la nouvelle Société des Nations. Cependant, les profondes divisions nationales créées par la guerre entre Canadiens anglais et Canadiens français, particulièrement lors de la crise de la conscription en 1917, rendent le Canada réticent à s’engager dans des actions internationales. En effet, les Canadiens ont réalisé de grandes choses pendant la guerre, mais pas ensemble.

Le cimetière militaire de Cabaret-Rouge, en France
Monument commémoratif de Vimy
Le monument de Vimy au sommet de la cote 145 sur la crête de Vimy
Richard Foot
Monument commémoratif
Monument commémoratif de guerre du Canada, à Ottawa. Place de la Confédération.
Brooding Soldier
Parc commémoratif de Beaumont-Hamel
Parc commémoratif de Terre-Neuve à Beaumont-Hamel, en France (photo de Jacqueline Hucker).

(Voir aussi: L’art et la Grande Guerre, Documentation de la Première Guerre mondiale, Au champ d’honneur, Les monuments des deux grandes guerres et Le Soldat inconnu du Canada.)

En savoir plus // la première guerre mondiale

Statistiques de la Première Guerre mondiale

Début :

4 août 1914

Fin :

11 novembre 1918

Population du Canada :

8 millions

Canadiens qui ont servi (hommes et femmes) :

630 000

Ceux qui sont allés outre-mer :

425 000

Canadiens tués :

60 661

Canadiens blessés :

172 000

Grandes batailles (auxquelles le Canada a participé) :

St. Eloi (1916)

Mont Sorrel (1916)

La Somme (1916)

Crête de Vimy (1917)

Côte 70 (1917)

Passchendaele (1917)

Amiens (1918)

Collection: Première Guerre mondiale

Lecture supplémentaire

Liens externes