Délinquance juvénile | l'Encyclopédie Canadienne

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Délinquance juvénile

En science sociale, la délinquance juvénile concerne principalement les actes qui sont commis par des mineurs et qui sont définis et évalués comme déviants et asociaux d'après les normes juridiques ou sociales, et qui sont généralement le résultat d'un apprentissage.

Délinquance juvénile

En science sociale, la délinquance juvénile concerne principalement les actes qui sont commis par des mineurs et qui sont définis et évalués comme déviants et asociaux d'après les normes juridiques ou sociales, et qui sont généralement le résultat d'un apprentissage. Selon la définition juridique précise, un « délinquant juvénile » ou « jeune contrevenant », est un jeune âgé de 12 à 17 ans qui, à la suite d'une action en justice, est trouvé coupable d'avoir enfreint la législation criminelle et qui est dès lors sujet à des peines fixées par un tribunal de la jeunesse. Les enfants de moins de 12 ans qui commettent ce qui pourrait être considéré comme un délit criminel sont pris en charge, en vertu de la loi sur la protection de la jeunesse (voir SYSTÈME JUDICIAIRE POUR LES JEUNES).

Historique

Au Canada, les mesures applicables aux institutions et au traitement des jeunes sont disponibles en 1857, mais la première législation fédérale concernant les délinquants juvéniles est la Loi sur la délinquance juvénileLDJ), votée en 1908 et révisée en 1929. En vertu de cette loi, la définition de la délinquance s'étend au-delà des crimes commis par des adultes et énumérés dans le Code criminel en y ajoutant « l'immoralité sexuelle ou tout autre forme similaire de vice ». Elle aborde également les cas d'enfants négligés, maltraités ou incontrôlables. La LDJ fait de l'État un gardien pacifique qui traite le jeune comme un enfant mal dirigé, qui a besoin de soins et de supervision. La LDJ crée un système juridique pour la jeunesse qui est extrêmement discrétionnaire, laissant à la police, aux juges et aux officiers de probation le soin de prendre des décisions dans le « meilleur intérêt » de l'enfant. Le manque de précisions législatives, applicables à la fois à la juridiction et aux sentences, conduit à des disparités à la grandeur du Canada quant à savoir quels sont ceux qui relèvent de l'autorité de la cour juvénile et comment ils doivent être pris en charge.

Cette situation entraîne des critiques qui s'en prennent à la LDJ pour son paternalisme, son absence de rigueur et son inefficacité à protéger les garanties juridiques des enfants. En réponse à diverses critiques, la Loi sur les jeunes contrevenants (en vigueur à partir de 1984 et amendée en 1986, en 1992 et en 1995) élimine toutes les infractions liées au statut juridique de la personne, tels le vagabondage et l'immoralité sexuelle, limitant la délinquance aux seuls délits criminels. La Loi sur les jeunes contrevenants leur assure également le droit d'être représentés en justice et d'être jugés sur la base d'une preuve établie selon des règles strictes au cours d'un procès. La Loi sur les jeunes contrevenants constitue un système juridique pour la jeunesse qui tient compte de la responsabilité du contrevenant et de la protection de la société, tout en reconnaissant les besoins particuliers des jeunes. En conséquence, ses dispositions vont de la réprimande aux amendes, à la probation et aux services communautaires, jusqu'à l'internement sous bonne garde pour une période pouvant atteindre 10 ans dans le cas de délits très graves, tel le meurtre au premier degré.

Statistiques officielles

Les statistiques officielles sur la délinquance, qui sont tirées des enregistrements des organismes publics, comme la police, les cours juvéniles et les établissements de correction, et que publie le Centre canadien de la statistique juridique de Statistiques Canada, ont une certaine valeur, mais elles reflètent davantage le comportement des fonctionnaires que celui des enfants. Ces enregistrements ne permettent pas de comprendre grand-chose sur la nature de la délinquance ni sur le processus par lequel un individu devient un délinquant. Le comportement des enfants varie beaucoup, et, comme tous les jeunes peuvent poser des gestes susceptibles d'entraîner une action en justice, il n'est pas correct de présumer de la délinquance ou de la non-délinquance des enfants. De plus, ce sont des enfants cliniquement normaux qui sont responsables de la plus grande part de la délinquance dans la société. Bien que certains enfants anormaux violent la loi, il n'y a pas de corrélation directe entre la délinquance et une personnalité anormale.

En outre, les statistiques de la police ne révèlent pas tous les actes délictueux de la société. Les questionnaires personnels et les entrevues indiquent que la majorité des jeunes commettent une forme mineure de délit, mais que la plus grande part de la délinquance juvénile grave n'est attribuable qu'à un petit nombre de jeunes issus de milieux pauvres ou défavorisés (les décrocheurs scolaires, les jeunes sans-abri, les jeunes des quartiers délabrés). Les recherches récentes soulignent l'importance de la pauvreté dans la répartition de la délinquance.

D'après les statistiques officielles, 133 029 jeunes sont accusés en 1993 de délits couverts par le Code criminel, par la Loi sur les stupéfiants et par d'autres lois fédérales. De ces jeunes, la plupart (56 p. 100) sont impliqués dans des crimes contre la propriété (p. ex. le vol pour moins de 1000 $ ou le vol avec effraction), tandis que 16 p. 100 sont accusés de crimes avec violence, dont la majorité (49 p. 100) sont des agressions de niveau 1 ou des agressions mineures. Les autres accusations concernent des délits divers, incluant le défaut de comparution et des délits contre la Loi sur les jeunes contrevenants. Les données de 1993 indiquent que les causes les plus fréquemment entendues au tribunal de la jeunesse impliquent des vols pour moins de 1000 $ (17 p. 100), des vols avec effraction (13 p. 100), des délits contre la Loi sur les jeunes contrevenants (10 p. 100), des agressions mineures (9 p. 100) et des défauts de comparution (9 p. 100).

En 1993, les jeunes âgés de 12 ans à 17 ans forment 8 p. 100 de la population canadienne, mais représentent 25 p. 100 des personnes accusées de crimes contre la propriété et 14 p. 100 de celles qui sont accusées de crimes violents. Au cours des dernières années, il y a eu beaucoup de médiatisation autour des jeunes de 12 ans à 17 ans accusés d'homicide, mais les chiffres révèlent que, entre 1983 et 1993, les jeunes contrevenants n'ont commis que 8 p. 100 des homicides, une proportion égale à leur représentation dans la population.. En 1993-1994, près de 8 jeunes contrevenants sur 10 sont des garçons, et la moitié des causes entendues au tribunal de la jeunesse impliquent des jeunes de 16 ans ou 17 ans. Environ le cinquième de toutes les causes impliquent des jeunes de 15 ans, tandis qu'environ le quart concernent des jeunes âgés de 12 ans à 14 ans. En 1993-1994, les deux tiers des causes entendues au tribunal de la jeunesse se soldent par un verdict de culpabilité pour au moins un des chefs d'accusation. Dans 28 p. 100 des cas, les poursuites sont interrompues ou retirées, et dans 4 p. 100 des cas, elles se soldent par un acquittement ou un verdict de non-culpabilité.

Les jeunes contrevenants trouvés coupables reçoivent le plus souvent une probation (39 p. 100). L'autre peine significative est la détention (19 p. 100 en milieu ouvert, 14 p. 100 en milieu fermé). Les jeunes reçoivent des sentences de travaux communautaires dans une proportion de 13 p. 100 et ils sont condamnés à des amendes dans 7 p. 100 des cas. Dans 32 p. 100 des causes avec verdict de culpabilité, le jeune contrevenant reçoit plus d'une peine.

Recherches récentes

Les recherches en CRIMINOLOGIE et sur la délinquance au Canada ont considérablement augmenté au cours des 35 dernières années. Les écoles de criminologie de l'U. Simon Fraser et des universités de Montréal, de Toronto et d'Ottawa sont maintenant des centres d'études importants. Les programmes spécialisés en criminologie, sous les auspices des départements de sociologie de l'U. Carleton et des universités de l'Alberta, du Manitoba et de Windsor, ainsi qu'au Centre de criminologie de Dalhousie, contribuent également au développement de ce champ de la connaissance au Canada. La recherche canadienne subit fortement l'influence des théories américaines. Les théories relevant de la psychiatrie, par exemple, soutiennent que la délinquance est une issue aux problèmes résultant de relations familiales déjà perturbées.

Les théories « sociogéniques » mettent l'accent sur l'importance des comportements acquis. D'après les théories de la « sous-culture », les jeunes de la classe ouvrière développent une sous-culture nouvelle avec ses normes et ses attentes propres, et pour laquelle la vertu consiste à défier la moralité de la classe moyenne. Selon les théories de l'étiquetage, la carrière d'un délinquant est une réponse au traitement institutionnel des agents officiels. Les tenants des théories du contrôle mettent l'accent sur l'importance de la socialisation pour aider les individus à développer les émotions appropriées, les croyances et les intérêts qui les attachent à la société. Des travaux récents insistent sur le fusionnement de ces théories de façon à obtenir une compréhension plus globale des causes de la délinquance. Des chercheurs canadiens empruntent aussi aux développements théoriques des Britanniques pour expliquer l'intérêt que portent les médias à la criminalité des jeunes, ainsi que le comment et le pourquoi de la législation criminelle qui concerne les jeunes.

Les chercheurs canadiens apportent des contributions théoriques et empiriques importantes à ce champ de la recherche, entre autres la « théorie de contrôle du pouvoir », qui étudie les formes de socialisation propres à chacun des deux sexes dans les différentes classes sociales et les effets que cela entraîne sur la participation à des actes de délinquance. Des chercheurs québécois mènent une importante recherche longitudinale sur des garçons violents. Un nombre grandissant d'études faites au Canada insistent sur les relations entre la marginalité sociale et économique et l'activité des sous-cultures criminelles.

En ciblant les groupes délinquants et les jeunes sans-abri, ce travail révèle que les jeunes qui contreviennent gravement à la loi, grandissent dans des milieux défavorisés, où ils font l'expérience de la négligence, du rejet et des mauvais traitements physiques et émotionnels. Ils sont peu instruits, ont peu de compétences professionnelles et très peu de chances de trouver de l'emploi. En raison de leur pauvreté, ou parce que leurs parents les rejettent, ils se retrouvent à la rue. Ces jeunes voient leurs perspectives légitimes se fermer, ce qui les laisse à l'écart de la société conventionnelle et les plonge dans une vie de drogue, d'alcool et de graves comportements criminels.

Au Canada, les techniques de contrôle de la délinquance n'ont pas le succès escompté. Les programmes de traitement (un terme qui implique, malheureusement, que les délinquants ont une personnalité anormale qui doit être traitée) sont bien établis. Ils comprennent un traitement personnalisé et un suivi, des thérapies de groupe et des groupes d'entraide, mais leur impact sur la délinquance est minimal. Les programmes de non-intervention tendent à minimiser les contacts entre le contrevenant et le système judiciaire. Cette approche est habituellement sous-tendue par l'idée de la réintégration, et ses chances de succès s'appliquent surtout à ceux qui commettent des délits sans gravité. Cependant, les amendements au système judiciaire sont peu susceptibles d'affecter le comportement des délinquants de façon notable.

Notre compréhension de la délinquance ne peut se développer sans une amélioration considérable, à la fois quantitative et qualitative, de notre connaissance de la société canadienne (et de ses disparités de richesse, de pouvoir et de possibilités, qui sont apparemment endémiques) et des motivations communes au crime et à la délinquance. Sans une volonté d'accepter des réformes étendues et des solutions requérant des réajustements majeurs de notre mode de vie, on ne pourra pas réduire la délinquance de façon significative.

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