Conservation du patrimoine muséologique | l'Encyclopédie Canadienne

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Conservation du patrimoine muséologique

La conservation constitue une des quatre principales fonctions d'un musée, les trois autres étant l'acquisition, la recherche et la présentation. Elle procède de l'art ancien de la restauration et représente une réorientation fondamentale de la muséologie.

Conservation du patrimoine muséologique

La conservation constitue une des quatre principales fonctions d'un musée, les trois autres étant l'acquisition, la recherche et la présentation. Elle procède de l'art ancien de la restauration et représente une réorientation fondamentale de la muséologie. Bien qu'il soit toujours nécessaire, en dernier ressort, de restaurer les objets endommagés, la conservation est axée sur la prévention plutôt que sur la réparation. Dans ce contexte, le terme conservation est souvent mal compris dans le domaine public parce qu'on l'associe généralement à la faune et à l'environnement. Dans les musées, la technique de conservation s'est développée parce que les curateurs et les restaurateurs se devaient de mieux comprendre la nature des objets qui leur étaient confiés. Cependant, ce n'est pas avant le XXe siècle que les grands établissements ont reconnu que la meilleure façon d'enrayer et de réparer les dommages est d'en connaître les causes exactes.

Une des premières installations de recherche en conservation voit le jour dans les années 1890 au laboratoire chimique du Royal Museums de Berlin. En 1919, le British Museum crée un laboratoire, et d'autres laboratoires suivent aux États-Unis et en Europe occidentale. En 1950, l'Institut international pour la conservation des objets d'art et d'histoire (IIC) est créé dans le but de disséminer la masse grandissante de renseignements en matière de conservation aux scientifiques et aux restaurateurs. En 1958, l'Institut publie une explication intégrée des mécanismes sous-jacents à la détérioration des objets muséologiques. À partir de ce moment, des techniques préventives et palliatives se développent rapidement et les établissements d'avant-garde s'emploient à circonscrire la détérioration causée par les facteurs de l'environnement (température, humidité, lumière, contaminants atmosphériques, activité biologique) ou encore, par l'erreur humaine lors de la manipulation, du nettoyage, de l'entreposage, de l'exposition et du transport. La conservation repose sur la chimie et la physique des matériaux et de l'environnement, la biologie, l'histoire, l'anthropologie, la photographie, la radiographie, le génie et, finalement, l'histoire et les techniques de l'art et de l'architecture. Conséquemment, elle influence toutes les autres disciplines de la muséologie.

Depuis le XIXe siècle, certains grands établissements du Québec et de l'Ontario emploient des restaurateurs sur une base occasionnelle, mais, en 1970, seuls quelques services permanents consacrés à la conservation de leurs collections avaient été instaurés à la Galerie nationale du Canada (1956; elle devient le MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA en 1984), au MUSÉE ROYAL DE L'ONTARIO (1956), au Service de lieux historiques nationaux (1966), aux Archives publiques du Canada (1966), maintenant ARCHIVES NATIONALES DU CANADA, et, dans l'Ouest, au British Columbia Provincial Museum (1966), maintenant le Royal British Columbia Museum. Il y a donc, dans tout le pays, moins de 20 personnes qui travaillent à temps plein dans le domaine de la conservation. En 1971, ce petit noyau forme l'Association canadienne des restaurateurs d'art professionnels (ACRP) dans le but d'accréditer et de répertorier les conservateurs. L'année suivante, le groupe canadien de l'Institut international pour la conservation des objets d'art et d'histoire (IIC-GC) est formé afin d'assurer la diffusion de renseignements techniques et scientifiques. En 1996, l'IIC-GC devient l'Association canadienne pour la conservation et la restauration des biens culturels (ACCR) après être devenue indépendante de son organisme d'accueil.

En 1972, dans le cadre de sa politique en matière de culture nationale, le gouvernement fédéral met sur pied l'Institut canadien de conservation (ICC), dont la mission est d'offrir à toutes les galeries publiques et à tous les musées des services de traitement de conservation, de recherche et de formation. La même année, Parcs Canada regroupe ses services de conservation en une seule division chargée de servir la Direction des parcs et lieux historiques nationaux. Cependant, au début des années 70, l'absence d'installations de formation et, plus tard, les mauvaises conditions économiques entravent sérieusement l'expansion des services de conservation.

L'U. de Victoria donne le premier cours universitaire en conservation de 1970 à 1977. Cependant, le nombre de restaurateurs formés au pays ne devient suffisant que lorsque l'U. Queen offre un programme de maîtrise en 1974 et que le Sir Sandford Fleming College de Peterborough offre un certificat en techniques de conservation en 1976. En 1977, l'ICC offre un programme de stages aux personnes désirant une formation au titre de l'organisation des carrières.

Au cours des années 70, le British Columbia Provincial Museum (maintenant le Royal British Columbia Museum) acquiert une réputation nationale en se faisant le défenseur de la conservation et en offrant des services de formation et de consultation. Pendant toute cette décennie, des installations voient le jour dans plusieurs autres provinces : le GLENBOW MUSEUM, le Provincial Museum of Alberta, le Prince of Wales Northern Heritage Centre (Territoire du Nord-Ouest). Les archives du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique ont aussi leurs installations de conservation. En 1979, le Centre de conservation du Québec est le premier service gouvernemental provincial de conservation.

Entre-temps, le défi que présente, pour la conservation, les conditions climatiques et géographiques propres au Canada requiert une recherche plus poussée et des innovations. L'ICC met au point de nouvelles techniques allant du contrôle de l'environnement au traitement du bois gorgé d'eau et du fer corrodé. L'Institut explore l'utilisation de l'énergie lumineuse pour le nettoyage des objets, analyse les objets façonnés à des fins d'authentification, répond aux situations d'urgence et fournit, à l'échelle du pays, un service de laboratoire mobile. Des TOTEMS, de la côte du Pacifique aux îles de l'Arctique, en passant par les établissements BASQUES du Labrador, les restaurateurs des organismes provinciaux et fédéraux élaborent des solutions à des problèmes inconnus ailleurs.

Vers 1980, moins de 30 des 1500 organismes provinciaux de conservation emploient des restaurateurs. Il est évident qu'une aide financière et technique est nécessaire. En 1981, les MUSÉES NATIONAUX DU CANADA lancent le Programme d'appui à la conservation, administré par le Programme d'aide aux musées, qui prévoit des subventions salariales pour aider les établissements admissibles à créer des postes de restaurateurs. Le mandat de l'ICC est également révisé afin de répondre aux besoins de décentralisation des services nationaux de conservation. En dépit des difficultés financières, les organismes muséologiques ont réussi à établir des services de conservation non fédéraux dont l'effectif a doublé en quelques années.

À la fin des années 80, en collaboration avec son organisme soeur, le Réseau canadien d'information sur le patrimoine (RCIP), l'ICC met sur pied le Réseau d'information sur la conservation (RIC). Ce réseau informatisé donne accès à toutes les bibliothèques principales de conservation du monde ainsi qu'à une mine de renseignements sur la conservation. Pendant cette même période, l'ICC hérite de toute la documentation muséologique des Musées nationaux du Canada et crée le Centre de ressources muséologiques ainsi que la Bibliographie muséologique (BMUSE) qui donne accès, en ligne, à une banque de données bibliographique relative à ses propres collections et à celles du Centre d'information UNESCO-ICOM de Paris. Depuis les années 1990, la conservation dans le contexte des musées est de plus en plus présente sur Internet, grâce à des initiatives telles que Conservation On-Line (CoOL), le Musée virtuel et le site web de l'ICC.

L'ICC continue également de fournir des services de traitement, de recherche, de formation, d'urgence et de consultation à tous les musées canadiens, aux galeries d'art et aux archives. Par l'entremise du Centre international pour la conservation de l'UNESCO, situé à Rome, l'ICC participe aussi à la formation dans les pays du Tiers-Monde, de l'Afrique à l'Océanie.

Que ce soit dans les publications, lors des conférences techniques annuelles ou par l'adoption d'un code de déontologie commun, les deux associations professionnelles, l'ACCR et ACRP) visent toujours les plus hauts standards. Le nombre de membres témoigne de leur succès : en 2001, elles comptent plus de 327 membres individuels et 144 établissements. Depuis le milieu des années 1980, le Canada dispose d'une main-d'œuvre hautement qualifiée dans le domaine de la conservation pouvant compter sur de l'appui technique et scientifique de même niveau que n'importe quel autre pays.

Dans les années 1990, le traitement en laboratoire des objets détériorés cède de plus en plus la place à une approche préventive pour les protéger. Cette tendance s'explique par la popularité grandissante des expositions itinérantes. Soumis en permanence à des contraintes fiscales, les administrations de musées sont alors attirées vers des expositions à gros budget et d'envergure. Ces expositions vedettes profitent, de diverses façons, aux établissements qui les organisent : elles génèrent des recettes indispensables en l'absence de fonds particuliers; elles attirent un public nombreux; et elles stimulent les départements de la formation, de la conservation et de l'étalagisme. Afin de protéger les collections des musées dans de telles circonstances, les conservateurs adoptent des stratégies d'évaluation du risque et des programmes de surveillance et se concentrent davantage sur la sécurité et la stabilité existantes des stratégies de traitement d'intervention. Pourtant, le traitement de restauration et de stabilisation des artefacts demeure objectif nécessaire dans les activités de conservation.

Pendant la récession économique de la fin des années 1980 et du début des années 1990, les institutions culturelles sont touchées par la diminution marquée de l'aide financière gouvernementale, et la plupart d'entre elles doivent se battre pour maintenir leurs services de conservation. Malgré la courte durée de cette récession, les activités de préservation et de protection des biens culturels diminuent considérablement au cours des années 1990. Les activités de conservation des petits et des moyens musées connaissent une baisse, les services de conservations des plus importants musées subissent une réduction des effectifs, et le financement de base du fédéral pour la conservation est réduit. La réduction d'effectifs et le travail de conservation donné en sous-traitance permettent au secteur privé de croître. Même si, au début du nouveau millénaire, le Canada dispose d'un nombre substantiel de restaurateurs hautement qualifiés, la situation n'est toujours pas stable. La conservation des biens du patrimoine et culturels continuent d'avoir besoin de l'appui des gouvernements, tant aux niveaux fédéral, provincial que local.

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