I’ve Heard the Mermaids Singing (Le chant des sirènes) | l'Encyclopédie Canadienne

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I’ve Heard the Mermaids Singing (Le chant des sirènes)

I’ve Heard the Mermaids Singing, le premier long métragede Patricia Rozema, un récit enchanteur et fantaisiste à propos d’une jeune fille diaphane et émaciée, rêveuse, un peu marginale et ayant des aspirations artistiques, a obtenu le prix du meilleur premier long métrage au Festival de Cannes à l’issue duquel il a poursuivi sa carrière pour devenir l’un des films canadiens les plus rentables jamais réalisés. Le film a obtenu dix sélections pour les prix Génie, remportant le prix dans les catégories Meilleure actrice et Meilleure actrice dans un second rôle et est considéré comme une étape capitale pour le cinéma queer en général et pour le cinéma canadien dans son ensemble. Nombreux sont ceux qui estiment qu’il s’agit de l’un des meilleurs films canadiens de tous les temps, et le film est d’ailleurs classé parmi 150 œuvres essentielles de l’histoire du cinéma canadien dans le cadre d’un sondage mené par le Festival international du film de Toronto (TIFF) en 2016.
Sheila McCarthy dans I
Réalisé avec un budget d'environ 350 000 $ et générant des recettes brutes de plus de 6 millions de dollars dans le monde entier, le film compte parmi les plus rentables jamais réalisés au Canada. Mermaids encourage la poursuite d'une démarche artistique authentique et appuie le cinéma d'auteur, un style trop rare en cette \u00e8re des abris fiscaux.

Contexte

Élevée dans la tradition calviniste, Patricia Rozema ne visionne son premier film qu’à l’âge de 16 ans. Elle débute dans l’industrie du cinéma comme assistante de Don Owen avant de collaborer comme réalisatrice assistante avec Ken Finkleman et David Cronenberg. Après avoir travaillé pour la télévision et obtenu, en 1985, un certain succès avec son premier court métrage, Passion: A Letter in 16mm, elle réussit à obtenir, conjointement avec son associée à la production, Alexandra Raffé, un financement de la Société de développement de l’industrie cinématographique ontarienne (SDICO) et de Téléfilm Canada pour réaliser son premier long métrage. Le film est tourné en 23 jours et emprunte son titre — qui fait référence à l’aspiration au génie artistique — à un poème de T. S. Eliot, The Love Song of J. Alfred Prufrock, qui comprend les vers suivants : « J’ai entendu les sirènes chanter, les unes pour les autres. Je ne pense pas qu’elles chanteront pour moi. »

Synopsis

I’ve Heard the Mermaids Singing tourne autour de la charmante et fantasque Polly Vandersma, interprétée par Sheila McCarthy, une secrétaire intérimaire de Toronto, également photographe amateur, naïve et rétive à l’organisation. Polly fait le récit, devant une caméra dérobée sur son lieu de travail, de la façon dont elle a été amenée à participer à son insu à une fraude artistique. Bien que d’apparence timide et gauche, elle mène une vie intérieure particulièrement intense. Ses fantasmes de vol, de marche sur l’eau et de direction d’une symphonie de Beethoven ponctuent le film à l’occasion de séquences tournées en noir et blanc.

Polly tombe amoureuse de la belle et sophistiquée Gabrielle St. Peres, interprétée par Paule Baillargeon, qui l’a embauchée pour l’aider à diriger une galerie d’art à la mode. L’adoration pousse Polly à exposer dans la galerie, sans autorisation, une photo prise par Gabrielle, ce qui va déclencher une série d’événements qui finiront par mettre au grand jour une conspiration entre Gabrielle et son amante, Mary Joseph, interprétée par Ann-Marie McDonald, visant à attribuer à Gabrielle une œuvre de Mary. Après une confrontation verbale violente, Polly revient à son appartement pour terminer sa confession en vidéo. Le film prend fin sur une note ambiguë, sans que l’on sache si Polly s’est réconciliée avec Gabrielle et Mary ou si elle s’est plongée dans un autre de ses rêves fantasmatiques.

Analyse

Le personnage principal du film, une jeune femme célibataire et excentrique, la représentation sans sensationnalisme aucun du lesbianisme et une utilisation créative de la vidéo dans le film pour construire le récit rétrospectif de Polly font de I’ve Heard the Mermaids Singing une œuvre cinématographique inhabituelle dans le paysage dominant du cinéma canadien. Patricia Rozema utilise toutefois ces stratégies, souvent associées à un cinéma féministe expérimental à contre-courant, pour raconter non pas l’histoire d’une femme radicale remplie de confiance en elle, mais plutôt celle d’une jeune fille maladroite et attachante au visage de gamine. Les qualités d’innocence et de générosité de Polly, que certains spectateurs ont perçues comme des caractéristiques typiquement canadiennes, ont valu au film un immense succès public dans le monde entier.

Patricia Rozema sur le plateau de Mermaids
De religion calviniste et ayant vu son premier film \u00e0 l'\u00e2ge avancé de 16 ans, Patricia Rozema débute comme assistante de Don Owen. Elle tourne Mermaids, son premier long métrage, en 23 jours.

Réception critique et commerciale

I’ve Heard the Mermaids Singing fait partie de la sélection pour la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 1987 où les spectateurs debout applaudissent à tout rompre et où il obtient le très convoité Prix de la Jeunesse pour un premier long métrage. Après que Patricia Rozema et Alexandra Raffé en ont obtenu la distribution aux États-Unis par Miramax et dans 30 autres pays, le film remporte un succès international totalement inattendu dans le circuit des films d’art et essai. L’oeuvre est également bien reçue par les critiques. Desson Howe du Washington Post en parle comme d’un « délicieux mélange de fable et de drame de la passion ». Roger Ebert encense la « performance extraordinaire » de Sheila McCarthy et la capacité de Patricia Rozema à exploiter « un style dont la simplicité n’est qu’apparente pour faire calmement un certain nombre d’observations profondes ». Cependant, certains critiques reprochent à la réalisatrice ses thèmes allégoriques et quasi religieux et son hésitation à représenter plus directement le lesbianisme des principaux personnages du film.

Distinctions et importance

Selon David L. Pike, I’ve Heard the Mermaids Singing a été « perçu par de nombreuses personnes comme la première salve de la Nouvelle vague ontarienne » ayant émergé à la fin des années 1980. Réalisé avec un budget d’environ 350 000 $, I’ve Heard the Mermaids Singing devient l’un des films canadiens les plus rentables jamais réalisés en rapportant plus de six millions de dollars dans le monde entier. Son succès permet de légitimer plus facilement les tentatives du SDICO en faveur d’un cinéma d’auteur artistique s’inscrivant à contre-courant de la philosophie de l’ère des abris fiscaux et conduit au financement d’autres réalisateurs appartenant à la Nouvelle vague de Toronto comme Atom Egoyan, Bruce McDonald, Peter Mettler et Don McKellar. Mermaids est classé comme l’un des 10 meilleurs films canadiens de tous les temps dans le cadre d’un sondage mené par le TIFF en 1993. En 2016, le film est classé parmi 150 œuvres essentielles de l’histoire du cinéma canadien dans le cadre d’un sondage auprès de 200 professionnels des médias mené par le TIFF, Bibliothèque et Archives Canada, la Cinémathèque québécoise et la Cinematheque de Vancouver en prévision des célébrations entourant le 150e anniversaire du Canada en 2017.

Voir aussi Longs métrages canadiens.

Récompenses

Prix de la Jeunesse, Festival de Cannes (1987)

Meilleure actrice (Sheila McCarthy), prix Génie (1988)

Meilleure actrice dans un second rôle (Paule Baillargeon), prix Génie (1988)

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