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Cantique

Cantique. Dans une acception devenue courante depuis le milieu du XVIe siècle, le mot cantique désigne un chant de langue française court, facile et populaire servant à l'expression d'un sentiment religieux.

Cantique

Cantique. Dans une acception devenue courante depuis le milieu du XVIe siècle, le mot cantique désigne un chant de langue française court, facile et populaire servant à l'expression d'un sentiment religieux. Jusqu'au Concile Vatican II, alors que le chant liturgique de la religion catholique était normatif, stable, essentiel, rituel, de langue latine et anonyme, le cantique était, quant à lui, relativement libre, mouvant, accessoire, de langue populaire et d'auteur connu. Le cantique essaima de France en Nouvelle-France où son histoire s'étend sur trois siècles. Il s'y implanta de la Découverte à la Conquête (1534-1760) et fut l'une des premières manifestations de la musique européenne de ce côté-ci de l'Atlantique. Véhiculé par la tradition orale d'abord, puis par l'imprimé (Paraphrase des hymnes et cantiques spirituels de Michel Coyssard, Lyon 1592, premier recueil publié en France), les marins et les colons en maintenèrent la pratique dans leur dévotion populaire : fêtes, processions, séances de catéchisme, etc. Le genre acquit rapidement de l'importance comme instrument d'évangélisation auprès des autochtones; dès qu'on crut remarquer la préférence de ces derniers pour la musique religieuse, la formation des missionnaires en partance pour la Nouvelle-France fut prise en considération. Récollets, Jésuites et Ursulines en apportèrent donc au pays la tradition. Devant une culture fortement menacée par la Conquête, le cantique se vit investi d'une nouvelle mission en devenant un élément témoin de la langue et de la religion qu'on voulait préserver. Sa diffusion fut bientôt consolidée par le début de notre imprimerie musicale (1800) et le premier véritable cantionnaire publié au pays (Nouveau recueil de cantiques à l'usage du Diocèse de Québec de Jean-Denis Daulé, Québec 1819) eut un impact important. La décennie 1840 fut particulièrement fertile en publications du genre : diocèses, maisons d'éducation et communautés se firent un point d'honneur d'avoir leur propre répertoire, bien qu'on se copia souvent en tout ou en partie. Parurent aussi à l'époque des recueils en langues amérindiennes, en montagnais notamment.

En réaction à la montée de la libre pensée, Mgr Ignace Bourget, évêque de Montréal, amorca une relance de la ferveur populaire, rendant plus pertinente encore la promotion de cantiques pour missions, croisades et propagandes diverses. à la fin du XIXe siècle, le cantique fut ainsi fortement implanté, ses rôles sociaux et religieux s'interpénétrèrent. Ernest Gagnon (Chansons populaires du Canada, Québec 1865-67) et Louis-Honoré Fréchette (Christmas In French Canada / La Noël au Canada, Toronto 1899, 1900), entre autres, exprimèrent ouvertement leur attachement au genre, bien que le fonds du répertoire n'ait pas différé de celui des recueils français d'alors. Les échanges directs avec la France ayant été rétablis en 1855, ces derniers arrivèrent à nouveau librement. Ce fonds traditionnel devra être élagué sévèrement à la suite d'un mouvement de renouveau issu à la fois de la Schola cantorum et des exigences de Pie X qui demandèrent de renoncer à tous les chants emphatiques, sentimentaux ou théâtraux. Après le populaire recueil des 300 Cantiques anciens et nouveaux (1907) de Louis Bouhier, (plus de 100 000 exemplaires, croit-on), de grands recueils plus près des nouvelles exigences parurent : ceux de Conrad Latour (1931) et de Charles-Émile Gadbois (1950) en particulier. D'autres musiciens manifestèrent leur intérêt pour le cantique en lui fournissant des harmonisations diverses : Eugène Lapierre, Omer Létourneau, Oscar O'Brien, etc. Le Concile Vatican II, les changements sociaux et la brusque déconfessionnalisation amenèrent un déclin rapide de la pratique du cantique peu après le milieu du XXe siècle.

Bien que le cantique se trouve dans les nombreux recueils de chants des XVe, XVIe et XVIIe siècles, des noëls pour la plupart, la majorité sont du XIXe siècle et proviennent de France. Construits selon des schémas simples et traditionnels, empruntant quelquefois des airs connus (timbres), essentiellement strophiques avec alternance fréquente de couplets et de refrains (souvent à deux voix et cheminant à la tierce ou à la sixte), ces chants demeurent tributaires des styles à la mode. Malgré une fréquente incohérence du caractère musical, chacun présente une conjonction d'éléments (rythme, ligne mélodique, mode, cadence) qui le relie de près ou de loin à un genre connu : musique religieuse (choral, psaume, plain-chant); savante (air, mélodie, choeur); populaire (romance, chanson, barcarolle, berceuse, complainte); militaire (marche, chant de ralliement, sonnerie). Les noëls constituent un cas à part : couramment issus de la pastorale, de la chanson à boire et du vaudeville, ils se rangent du côté du pittoresque. On remarque aussi certaines tendances dans l'utilisation des voix (peu de mélismes et ambitus restreint), des modes et des tonalités (prédilection pour les modes majeurs et mineurs harmoniques les plus simples malgré un certain retour au mineur ancien lors de la période de renouveau). Les modulations sont peu fréquentes et on privilégie la scansion à 6/8, 3/4 et 4/4. Les cantiques ont, la plupart du temps, été produits par des religieux ou des musiciens, pratiquement jamais par de simples fidèles. Le genre n'accéda jamais à la notoriété de la chanson folklorique, bien qu'il se soit constamment maintenu près de sa double source catholique et française. Et peu d'entre eux, malgré leur nombre, ont su transcender les modes successives par des qualités musicales intrinsèques et originales.

Voir aussi Noël.

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