Le Canadian Women’s Press Club (CWPC) a été fondé en juin 1904 dans un wagon Pullman du chemin de fer du Canadien Pacifique par 16 femmes (moitié anglophones, moitié francophones) qui s’étaient rendues ensemble à la St. Louis World’s Fair. Toutes ces femmes, à l’exception d’une, étaient des journalistes qui couvraient l’exposition. Les membres fondatrices incluaient Kathleen « Kit » Coleman, Robertine Barry, Anne-Marie Gleason et Kate Simpson Hayes. Le CWPC offrait aux femmes journalistes du soutien et du développement professionnel dans sa mission « de maintenir et d’améliorer le statut du journalisme comme profession pour les femmes ». En 1971, les membres ont voté en faveur de l’admission des hommes, et l’organisme est devenu le Media Club of Canada. Le club a été dissous en 2004.
« Je pense que nous, les femmes de la presse, devrions créer un club ou une association quelconque et essayer de nous réunir une fois par an. Je ne crois pas que nous nous prendrions trop en grippe les unes les autres, et nous pourrions nous amuser avec nos discours. Pourquoi les journalistes masculins canadiens profiteraient-ils de tous les voyages et banquets? » (Kathleen Coleman, Mail and Empire, en mai 1904)
Femmes dans la presse
Au tournant du 20e siècle, les femmes sont sur le point d’utiliser leur droit de vote pour exercer une influence en politique. Certaines femmes s’expriment déjà en rédigeant plusieurs sortes de publications. Pendant cette période, les femmes ne constituent que 18 % de la main-d’œuvre, et moins de 60 femmes sont identifiées comme journalistes dans le recensement canadien de 1901 (voir Recensements). Mais le journalisme féminin est en croissance, car les agents publicitaires ont découvert la valeur de ce qu’on appelle maintenant l’« adjacence », une technique consistant à annoncer des produits et services à côté de chroniques et d’articles écrits par des femmes, et susceptibles d’intéresser les femmes qui prennent la plupart des décisions d’achat des ménages. C’est un groupe de ces femmes journalistes qui crée le Canadian Women’s Press Club en 1904.
Les femmes journalistes de l’époque rédigent les rubriques mondaines ou féminines de différentes publications. On y trouve des poèmes, des recettes, des conseils pour la maison, des rapports d’associations paroissiales et des billets de chroniqueuses comme Margaret « Miggsy » Graham, du Halifax Herald.
Élevée par une mère seule dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse, Margaret Graham commence sa carrière comme enseignante avant de se lancer dans le journalisme vers la fin du 19e siècle, quand elle commence à écrire pour The Halifax Herald. Après avoir obtenu un poste de correspondante à Ottawa, elle commente la législation fédérale concernant les femmes (et les femmes d’hommes politiques) dans le Herald.
Création
En juin 1904, Margaret Graham rencontre George Henry Ham, responsable de la publicité du chemin de fer du Canadien Pacifique (CFCP) à la gare Windsor à Montréal. Margaret Graham se présente à lui « comme un cyclone », écrit-il dans ses mémoires, en lui demandant pourquoi le CFCP envoie des hommes faire toutes sortes de voyages, tandis que les femmes sont « traitées de manière mesquine ». Margaret Graham lui rappelle que les femmes journalistes ont un lectorat bien établi et fidèle. En conséquence, il serait profitable pour l’image (et pour les affaires) du CFCP d’offrir le transport à des journalistes féminines jusqu’à l’exposition mondiale. La St. Louis World’s Fair de 1904, à Saint Louis au Missouri, est un événement important. Elle coïncide avec le centenaire de l’achat de la Louisiane (où les États-Unis ont acheté des millions d’hectares de territoire appartenant à la France dans l’ouest de l’Amérique du Nord). L’exposition présente aussi la culture et la technologie du tournant du siècle.
George Henry Ham est conquis par les arguments de Margaret Graham et lui promet que si elle trouve une douzaine de correspondantes (ayant des postes rémunérés), il les transportera à Saint Louis. Avec l’aide de l’assistante de George Henry Ham, Kate Simpson Hayes (aussi chroniqueuse au Manitoba Free Press), et de la journaliste francophone Robertine Barry, qui écrit sous le pseudonyme de Françoise dans Le Journal de Françoise, Margaret Graham réussit à trouver 16 femmes intéressées.
Le voyage commence le 16 juin, quand onze femmes arrivent à la gare Windsor pour embarquer dans une voiture-lit Pullman toute neuve du Canadien Pacifique. Cinq autres femmes montent à bord le long du trajet. Seule la moitié des femmes du Québec sont des écrivaines à réputation établie. La plupart d’entre elles entreprennent ce voyage pour lancer leur carrière en journalisme avec des publications liées à des partis politiques. Celles qui montent à bord à Toronto sont les représentantes du Mail and Empire (voir Globe and Mail), du Evening Telegramet de la revue Saturday Night.
Le groupe arrive à Saint Louis le 18 juin en matinée. Les responsables les accueillent chaleureusement et donnent à chacune un laissez-passer de presse. Kathleen « Kit » Coleman, Grace Denison et Robertine Barry, qui ont déjà fait des reportages sur des expositions universelles, partagent leur expérience avec leurs collègues. Marie Beaupré écrit : « À partir de ce matin, nous avons apprécié l’avantage de faire partie de la presse; toutes les portes et toutes les barrières ont été ouvertes pour nous ». Leur premier arrêt est le pavillon canadien où elles trouvent leur propre salle de séjour bien équipée avec un opérateur de télégraphe pour leurs envois.
Les femmes font des reportages sur tous les aspects de l’exposition jusqu’à la fin de leur séjour. Elles quittent Louis le jeudi 21 juin et elles font un arrêt à Chicago sur le chemin du retour.
Le CWPC est fondé à bord du train, mais les récits des participantes ne s’accordent pas à savoir si c’est en route vers Saint-Louis ou sur le chemin du retour. Quoi qu’il en soit, le club a été créé dans un esprit de « camaraderie », rapporte Kathleen « Kit » Coleman.
Croissance
Kit Coleman, une des premières correspondantes de guerre, devient la première présidente du Club. C’est elle qui couvre la guerre hispano-américaine.
Les premières réunions du CWPC au Canada ont lieu à Winnipeg en juin 1906. Sur 100 invitations, seulement 44 femmes s’y rendent. Le CWPC organise des réunions chaque année jusqu’en 1910, après que ses membres aient décidé, pendant la réunion de Toronto, de se réunir seulement aux trois ans. Leur nombre continue d’augmenter. En 1913, le CWPC comporte 219 membres; en 1920, on en compte 277, en 1946, 391 et en 1949, 437. Le CWPC comporte 680 membres en 1968, le nombre le plus élevé de son histoire.
Au début, le club ne comprend que des chroniqueuses de journaux et de revues, puis il s’élargit pour inclure des rédactrices, des rédactrices publicitaires et des pigistes de l’imprimerie. Plus tard, le club admet aussi des rédactrices de la radio, de la télévision et du cinéma. Il accueille des romancières (Lucy Maud Montgomery, l’autrice de Anne, la maison aux pignons verts, est sa vice-présidente régionale), des autrices de nouvelles, des dramaturges, des poètes et des historiennes. Au cours des ans, le club connaît des hauts et des bas. Le nombre de ses membres varie selon l’intérêt du public. Quinze branches régionales sont créées dans tout le Canada.
Impact
Le Canadian Women’s Press Club aide les femmes à prendre leur place en journalisme en leur offrant du mentorat, de la formation et du développement professionnel avant l’apparition des écoles de journalisme. Le club crée des prix avec récompenses en argent et un fonds pour les membres ayant des difficultés financières.
Plusieurs des premières membres du CWPC ont une attitude étonnante envers le droit de vote des femmes. Certaines d’entre elles, comme Grace Denison et Katherine Hughes, s’y opposent. Kit Coleman défend vigoureusement les droits des femmes, mais ne promeut pas le suffrage féminin avant 1910. Plus tard, d’autres membres du club, dont E. Cora Hind, Nellie McClung, Emily Murphy, Helen MacGill, Lillian Beynon Thomas et sa sœur Francis Marion Beynon, font campagne avec succès en faveur de l’émancipation des femmes. Certaines de ces femmes, qui ont aussi une carrière en politique et en droit, utilisent le journalisme comme moyen de promouvoir une réforme sociale et d’obtenir plus de droits juridiques pour les femmes et les enfants.
Postérité
Le Canadian Women’s Press Club est le premier club de presse féminin organisé à l’échelle nationale ayant eu une existence durable. Cependant, en juin 1971, ses membres votent pour admettre les hommes et changer son nom pour le Media Club of Canada (aujourd’hui dissous).
En 1975, Lois Graham Horton crée le prix Margaret Graham en l’honneur de sa mère. Chaque année, le prix est accordé à une personne qui étudie en journalisme dans la région d’Ottawa par le Media Club of Ottawa.
En 1994, 13 membres du club entreprennent un voyage commémoratif à Saint Louis pour marquer le 90e anniversaire du Canadian Women’s Press Club. En 2004, un événement spécial nommé « One Hundred Years of Daring (cent ans à oser) » a lieu à Ottawa. Pendant cet événement, le CWPC fait don de ses documents à Bibliothèque et Archives Canada et annonce sa dissolution officielle. Pendant plusieurs années, le club a assuré un environnement favorable pour permettre aux femmes canadiennes de prospérer en journalisme.
Membres fondateurs
- Robertine Barry (écrit sous le pseudonyme de Françoise dans Le Journal de Françoise)
- Alice Le Boutillier Asselin (elle n’est pas journaliste elle-même, mais elle est mariée au journaliste et fondateur du Nationaliste, Olivar Asselin)
- Marie Beaupré (écrit sous le pseudonyme d’Hélène Dumont dans La Presse)
- Kathleen Blake Coleman (écrit sous le pseudonyme de Kit Coleman pour le Mail and Empire)
- Mary Adelaide Dawson (écrit sous ses initiales M.A.D. pour le Evening Telegram de Toronto)
- Grace Denison (écrit sous le pseudonyme de Lady Gay dans Saturday Night)
- Antoinette Gérin-Lajoie (écrit sous ses initiales A.G.L. pour L’Événement)
- Anne-Marie Gleason (écrit sous le pseudonyme de Madeleine dans La Patrie)
- Margaret Graham (écrit sous le pseudonyme de M.G. dans The Halifax Herald en 1904)
- Kate Simpson Hayes (écrit sous le pseudonyme de Mary Markwell dans le Manitoba Free Press)
- Katherine Hughes (écrit sous ses initiales K.H. pour le Montreal Daily Star)
- Cécile Laberge (écrit sous son propre nom dans Le Soleil)
- Irene Currie Love (écrit sous le pseudonyme de Nan dans le London Advertiser)
- Amintha Plouffe (écrit sous le nom de A. Plouffe dans Le Journal)
- Léonise Valois (écrit sous le pseudonyme d’Attala dans Le Canada)
- Gertrude Balmer Watt (écrit sous le pseudonyme de Peggy dans le Woodstock Sentinel-Review)