Accord Canada‒États-Unis‒Mexique (ACEUM) | l'Encyclopédie Canadienne

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Accord Canada‒États-Unis‒Mexique (ACEUM)

L’Accord Canada–États‑Unis–Mexique (ACEUM) est un accord de libre-échange entre le Canada, les États‑Unis et le Mexique. Il s’agit d’une version révisée de l’Accord de libre-échange nord‑américain (ALENA) qui a été renommé. Les dirigeants des trois pays ont signé l’ACEUM en novembre 2018, après 13 mois d’intenses négociations, conclues en septembre. Le Canada a été le dernier pays à adopter une loi habilitante, qui a reçu la sanction royale le 13 mars 2020. L’Accord est entré en vigueur le 1er juillet 2020.

On prévoit que l’ACEUM n’aura qu’une incidence limitée sur la croissance économique. Il pourrait cependant avoir un impact majeur sur la restructuration de l’économie nord‑américaine et également limiter les options du Canada en matière de politiques, dans le cadre d’une évolution vers une nouvelle économie axée sur les connaissances, les données et la propriété intellectuelle.

Photo des dirigeants nord américains signant l’ACEUM

Première rangée, de gauche à droite : le président mexicain Enrique Peña Nieto, le président américain Donald J. Trump et le premier ministre canadien Justin Trudeau, lors de la cérémonie de signature de l’ACEUM, le 30 novembre 2018. La ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland, représentante du Canada dans les négociations, se tient derrière Justin Trudeau.

  ( « President Donald J. Trump at the G20 Summit » de la Maison-Blanche porte l'étiquette CC PDM 1.0. Photographie officielle de la Maison-Blanche prise par Shealah Craighead.)

Mots clés

Subvention – Montant d’argent accordé par des gouvernements à des entreprises ou à des organisations pour les aider à maintenir la compétitivité de leurs prix, à éviter de licencier des travailleurs ou à fournir un service d’intérêt public.

Tarif – Taxe imposée sur les biens et services, dans le but de rendre ces produits plus chers

Négociation

En 2016, alors qu’il fait campagne pour la présidence américaine, Donald Trump décrit l’ALENA comme « le pire accord commercial jamais conclu ». Il s’engage à le supprimer à moins que le Canada et le Mexique — qui, dépendant fortement du marché américain pour leurs exportations de biens et services, estiment n’avoir d’autre choix que de négocier — n’acceptent des changements en faveur des États‑Unis. En fait, le Canada et le Mexique souhaitent également modifier l’ALENA.

Pendant près d’un an que durent les négociations, les États‑Unis imposent des tarifs douaniers élevés sur les importations d’acier et d’aluminium, justifiant ces mesures en qualifiant les exportations canadiennes de «  menace pour la sécurité nationale ». Le Canada riposte en mettant en place des tarifs douaniers similaires. Les États‑Unis cherchent également à accroître la pression, en formulant des menaces d’imposition de tarifs douaniers supplémentaires sur les véhicules automobiles et les pièces détachées. La ministre libérale Chrystia Freeland représente le Canada lors de ces négociations.

Chrystia Freeland
La ministre des Affaires étrangères du Canada, Chrystia Freeland, à la réunion annuelle du Forum économique mondial 2018 à Davos, en Suisse (25 janvier 2018).

Dispositions

L’ACEUM conserve une grande partie du contenu de l’ALENA, tout en en modernisant certains aspects et en introduisant certaines dispositions, en grande partie pour répondre aux nouvelles exigences américaines. Pour la première fois, il comprend des chapitres sur le travail, sur l’environnement, sur les petites et moyennes entreprises et sur le commerce numérique.

L’ACEUM intègre, en fait, trois changements clés : premièrement, il réduit l’accès au traitement tarifaire préférentiel dans des industries essentielles comme l’automobile; deuxièmement, il introduit de nouveaux éléments de commerce administré, notamment dans l’agriculture et dans différents secteurs de l’industrie automobile; troisièmement, il impose de nouvelles contraintes potentielles aux futures initiatives stratégiques prises dans certains domaines clés, visant principalement l’économie numérique et immatérielle, dans le cadre de laquelle la propriété intellectuelle et les données représentent des sources de valeur essentielles.

Les sections ci‑dessous mettent en évidence certains des changements les plus notables, par secteur ou par enjeu.

Automobile

L’un des changements les plus importants pour le Canada vient de l’introduction de nouvelles règles d’origine pour les automobiles et pour les pièces de rechange. Ces règles accroissent le pourcentage de contenu nord‑américain que les véhicules doivent contenir pour éviter les droits de douane à la frontière. L’objectif de cette nouvelle mesure vise à décourager la production de véhicules et de pièces détachées dans des pays à faibles coûts, notamment au Mexique, et à attirer aux États‑Unis davantage d’investissements dans le secteur automobile, le Canada espérant également, de son côté, bénéficier d’un tel accroissement des investissements sur son territoire. Cependant, ces nouvelles règles d’origine, susceptibles d’accroître le prix de vente pour les consommateurs, peuvent également conduire à une baisse de la compétitivité de l’industrie.

Agriculture et produits laitiers

L’enjeu capital du nouvel accord pour le Canada était l’avenir de son système de gestion de l’offre pour les produits laitiers, pour les œufs et pour la volaille, les États‑Unis ayant fait de l’élimination de ce système, l’un de leurs objectifs clés. Afin de maintenir sa gestion de l’offre, le Canada est contraint de faire des concessions sur le nouvel accord.

Dans le cadre de l’ACEUM, les États‑Unis obtiennent un accroissement — échelonné sur six ans, avec une croissance supplémentaire à l’issue de cette période — de l’accès au marché canadien, pour leurs producteurs de produits laitiers, d’œufs et de volaille. Le Canada accepte, en outre, que les États‑Unis aient leur mot à dire relativement à tout changement prévu à ses politiques laitières. Enfin, dans le cadre d’une disposition inédite dans un accord de libre‑échange, le Canada accepte de réduire et de contrôler ses exportations de certains produits laitiers vers n’importe quel pays du monde; en d’autres termes le Canada imposera une lourde taxation sur toute exportation dépassant les limites convenues (voir aussi Politique de l’agriculture et de l’alimentation).

Environnement

L’ACEUM contient un chapitre distinct sur l’environnement, ce qui constitue une avancée par rapport à l’ALENA, prévoyant un engagement de chaque pays à mettre fin aux subventions qui encouragent la surpêche. Les dispositions environnementales de l’Accord laissent cependant chacun des pays signataires libres, dans une large mesure, d’adopter leur propre droit de l’environnement et leurs propres normes en la matière; ainsi, un pays peut même abaisser ses normes environnementales, à condition qu’une telle mesure n’ait pas l’objectif clair d’obtenir un avantage économique en matière d’échanges commerciaux internationaux ou d’investissements mutuels.

Le chapitre ne fait aucune mention ni du changement climatique ni de mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre, en dépit du fait que de telles mesures faisaient partie des objectifs du Canada lors de ces négociations. Le chapitre stipule que chaque pays doit avoir des procédures de protection de l’environnement, omettant, cependant, de préciser des mesures particulières ou contraignantes en la matière.

Main-d’œuvre

Le nouveau chapitre de l’ACEUM sur la main‑d’œuvre vise principalement à rapprocher les normes du travail du Mexique de celles du Canada et des États‑Unis. Il porte essentiellement sur le droit à la syndicalisation et aux négociations collectives.

Données et protection de la vie privée

Un nouveau chapitre sur le commerce numérique contient des politiques touchant à la propriété des données, à la protection de la vie privée et au droit de la localisation. (Les lois sur la localisation exigent que certains types de données soient stockées sur des ordinateurs situés au Canada.) Le chapitre sur le commerce numérique contribue à renforcer le rôle des entreprises américaines de plateforme Internet (par exemple Google et Facebook) au Canada, limitant également les capacités du pays à effectuer des changements dans plusieurs domaines, avec, notamment, des possibilités plus réduites de protéger les données personnelles ou de concevoir ses propres politiques pour la future économie numérique, et d’accéder au code source ou aux algorithmes utilisés par les compagnies américaines ayant des activités au Canada.

Les critiques soutiennent que ce n’était pas le bon moment pour le Canada d’abandonner, dans le cadre d’un accord commercial, la flexibilité dont il disposait en matière de politiques; en effet, bien que nous ne sachions pas exactement les formes qu’il prendra, il est certain que le numérique sera amené à jouer un rôle majeur à l’avenir. Par exemple, une grande partie de la future infrastructure du Canada — notamment ses réseaux électriques, ses services publics, ses systèmes de gestion de la circulation et de véhicules autonomes, ses flux monétaires sur Internet, ainsi que ses villes et ses maisons intelligentes — reposera sur l’intelligence artificielle, sur les réseaux 5G et sur l’Internet des objets. Chacune de ces technologies a des implications importantes pour la propriété et l’utilisation des données (voir aussi L’informatique et la société canadienne).

Dans le cadre de ce chapitre, chaque pays doit avoir une politique de confidentialité protégeant les renseignements personnels en vertu de la loi. Les trois pays conviennent également de coopérer sur la cybersécurité et sur d’autres enjeux numériques.

Propriété intellectuelle

L’ACEUM prévoit de nouvelles règles en matière de propriété intellectuelle et étend les droits d’auteur protégeant des œuvres telles que les livres, la musique et les films. Alors qu’auparavant, les droits d’auteur portaient sur une durée de 50 ans après le décès de l’auteur, l’Accord prévoit que cette période s’étendra désormais sur 70 ans après sa mort. Les nouvelles règles exigent des mesures plus fortes contre les expéditions de produits contrefaits à la frontière, requérant également des pays membres qu’ils imposent des sanctions pénales en cas de vol de secrets commerciaux.

Culture

L’ACEUM maintient les exemptions de l’ALENA pour les industries culturelles canadiennes, à savoir les éditeurs de médias imprimés ou enregistrés, ainsi que les diffuseurs. Les exemptions permettent la mise en œuvre de mesures, comme des règles sur le contenu canadien, ainsi que de subventions et de taxes pour soutenir les industries culturelles canadiennes. Cependant, l’ACEUM autorise les États‑Unis ou le Mexique à exercer des représailles, en cas de nouvelle mesure canadienne, avec « une mesure d’effet commercial équivalent », par exemple en matière de droits de douane ou d’autres restrictions applicables à l’industrie canadienne. Avec le nouveau chapitre régissant le commerce numérique, la portée de ces représailles est potentiellement beaucoup plus large en vertu de l’ACEUM qu’elle ne l’était dans le cadre de l’ALENA; en effet, un certain nombre d’activités culturelles numériques (par exemple les productions Netflix) n’étaient pas visées par l’accord précédent, de sorte que des mesures d’effet commercial équivalent ne pouvaient pas y être appliquées.

Droits des Autochtones

L’ACEUM énonce que rien dans l’accord n’empêche une partie « d’adopter ou de maintenir une mesure […]pour remplir ses obligations légales à l’égard des peuples autochtones ». Le Canada abordait les négociations avec un programme progressiste relatif aux échanges commerciaux, visant à introduire des conditions sociales dans l’ACEUM, notamment en matière de droits des Autochtones et d’enjeux de genre. Pourtant, les réalités, dans les trois pays nord‑américains, sont si différentes à ces chapitres que de telles conditions auraient probablement été impossibles à négocier dans le cadre d’un accord commercial.

Autres dispositions

L’ACEUM contient de nombreuses autres dispositions portant sur un large éventail d’enjeux, notamment l’intégration économique entre les pays, la durée de l’Accord, ainsi que ses procédures de gestion et de règlement des différends.

Le règlement des différends a constitué, au cours des négociations, une question décisive pour le Canada, les États‑Unis souhaitant supprimer toute disposition en la matière; cependant, le Canada estimait qu’il avait absolument besoin d’une assurance juridique que les États‑Unis respecteraient l’accord. Le Canada a réussi, dans ce cadre, à conserver, et même à renforcer le système de règlement des différends. Les États‑Unis souhaitaient également fixer une limite de 5 ans pour la durée de l’entente, les signataires ayant finalement négocié une durée de 16 ans, accompagnée d’une disposition de renouvellements successifs.

Répercussions et critique

Dans l’ensemble, les experts prédisent que l’ACEUM n’aura qu’une incidence limitée sur l’économie du Canada. Affaires mondiales Canada prévoit qu’il ne permettra qu’une augmentation du PIB national de 0,249 % d’ici 2025, par rapport à un scénario dans lequel l’ALENA aurait disparu, sans être remplacé. Les projections du C.D. Howe Institute prévoient, quant à elles, une baisse de 0,4 % du PIB d’ici 2025, par rapport à un scénario de maintien en vigueur de l’ALENA.

Ces évaluations laissent cependant de nombreuses questions importantes sans réponse, n’examinant notamment pas comment les nouvelles règles pourraient se répercuter sur la capacité du Canada à adopter de nouvelles politiques en matière d’échanges commerciaux internationaux (par exemple sur la propriété intellectuelle et sur les données). Les prévisions effectuées quant aux effets de l’Accord ne proposent également aucune analyse approfondie des répercussions potentielles de l’ACEUM sur les investissements futurs des entreprises au Canada. Ses conséquences éventuelles sur la liberté du Canada de négocier de futurs accords commerciaux sont également incertaines. Les États‑Unis ont insisté sur l’adoption d’une disposition qui compliquerait un accord commercial entre le Canada et la Chine, les analystes canadiens du commerce international ayant largement critiqué cette mesure comme visant à décourager le Canada de conclure de nouveaux accords commerciaux avec la Chine.

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