Argent, objets du culte en | l'Encyclopédie Canadienne

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Argent, objets du culte en

Au XVIIe siècle, les missionnaires apportent en Nouvelle-France des pièces d'argenterie, tandis que d'autres objets de culte y sont envoyés de France par des donateurs.
Ostensoir
Ostensoir de Laurent Amiot. L'hostie est présentée au sommet de la tige de l'ostensoir, dans une petite lunette de verre entourée de rayons (avec la permission du Musée royal de l'Ontario).

Argent, objets du culte en

 Au Canada, les pièces d'orfèvrerie qui nous viennent de l'époque coloniale étaient en grande partie destinées à l'exercice du culte. Cet important legs patrimonial remonte aux premiers établissements de l'Église catholique en NOUVELLE-FRANCE. Selon les lois de l'Église, les calices et les patènes utilisés pour la célébration de la messe devaient être de métal noble. Comme l'or était trop cher, on utilisait l'ARGENT pour fabriquer les vases sacrés, tout comme de nombreux autres objets religieux. On encourageait la réalisation de ces oeuvres d'art, expression tangible de la foi, et leur beauté inspirait les sentiments les plus élevés.

Au XVIIe siècle, les missionnaires apportent en Nouvelle-France des pièces d'argenterie, tandis que d'autres objets de culte y sont envoyés de France par des donateurs. Les Hurons de Wendake (Québec) conservent un important reliquaire français offert à la mission de Lorette en 1679, ainsi qu'un ostensoir, daté de 1664, qui appartenait initialement aux jésuites. Ces derniers ont aussi légué un ostensoir parisien aux Mohawks de Kahnawake (Québec), de même que des pièces anciennes de fabrication française à diverses paroisses et institutions. Les églises de l'époque coloniale commandaient parfois des ouvrages d'argenterie à des orfèvres parisiens.

Vers les années 1700, avec la création et l'essor de nouvelles paroisses et l'augmentation de la demande de pièces d'argenterie, des maîtres orfèvres formés en France viennent s'établir dans la colonie. Ils enseignent leur art suivant un système d'APPRENTISSAGE et font circuler leurs précieux outils. Il devient alors moins coûteux, plus sûr et plus rapide pour les églises de confier leurs commandes à un artisan local que de faire venir des pièces de l'étranger. La rareté de l'argent demeure aussi un problème constant. On récupère donc les pièces de monnaie et les objets usés pour les fondre et façonner de nouvelles pièces. La plupart des ouvrages d'orfèvrerie des églises catholiques sont aujourd'hui conservés dans les anciennes paroisses et institutions religieuses du Québec. Plusieurs figurent dans les collections du MUSÉE DU QUÉBEC, du MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL, du MUSÉE ROYAL DE L'ONTARIO, du MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA et de divers autres musées et galeries d'art.

Les objets sacrés les plus précieux sont le calice, une coupe utilisée pour le vin de messe, ainsi que la patène, une petite assiette qui sert à recueillir le pain bénit ou l'hostie. Bien que ces objets soient en argent, les surfaces intérieures qui viennent en contact avec les saintes espèces sont généralement dorées. D'autres objets religieux sont souvent faits d'étain (voir POTERIE D'ÉTAIN), de CUIVRE ou de laiton, mais dès que la paroisse peut se le permettre, elle les remplace par d'autres en argent. Les pièces majeures comprennent le ciboire, vase muni d'un couvercle et contenant les hosties, ainsi que l'ostensoir, qui sert à exposer l'hostie consacrée, placée à l'intérieur d'une lunule de verre entourée d'un soleil irradiant posé sur piédestal. Parmi les autres pièces d'importance, on trouve les croix processionnelles, les bénitiers, les lampes du sanctuaire, les chandeliers et les aiguières. De petites burettes en forme d'oiseaux ou munies d'un bec, disposées sur un plateau, servent de récipients pour l'eau et le vin; des encensoirs suspendus au bout de chaînes contiennent l'encens que l'on conserve dans des navettes. Les aiguières baptismales sont minuscules, tout comme les récipients munis de couvercles pour conserver les huiles saintes (ampoules). Ces objets sont souvent rangés dans des coffrets pour en faciliter le transport. On trouve également des porte-Dieu (un ciboire que le prêtre porte aux malades), des crucifix, ainsi que des croix et des coffrets renfermant des reliques. L'instrument de paix, aujourd'hui démodé, consiste en une petite plaque sur laquelle les membres du clergé et les fidèles, pendant la messe, posent les lèvres en signe de paix.

Les orfèvres les plus éminents du régime français, comme Paul Lambert, Jean-François Landron et Jacques Pagé, travaillent à Québec. Roland Paradis et Ignace-François Delezenne produisent des pièces religieuses pour les régions de Québec et de Montréal. Les premiers artisans adoptent les styles provinciaux de l'époque Louis XIV, peut-être en s'inspirant des trésors locaux provenant de France, mais la facture de leurs oeuvres est plus simple. De sobres alignements de feuilles, de perles ou de godrons stylisés, généralement mis en valeur par des surfaces lisses, comptent parmi les motifs de prédilection. On a recours à des procédés de repoussage, de ciselage et de gravure et on applique parfois des moulures en guise d'ornement. Les parties arrondies sont obtenues par martelage de feuilles d'argent puis soudées à une base. Le pied des calices et des ciboires sont réalisés en sections moulées ou frappées, vissées ensemble avec des tiges filetées.

La ville de Québec demeure le foyer de la production d'orfèvrerie religieuse après la CONQUÊTE britannique (1759-1760). C'est dans cette ville que l'exceptionnel François Ranvoyzé crée de nombreuses pièces ornementales dans un style libre. Parmi elles, notons quatre objets en or exécutés pour la paroisse de L'Islet, entre 1810 et 1812. Laurent Amiot, qui revient à Québec en 1787 après avoir étudié à Paris, emprunte au nouveau style Louis XVI, populaire en France, des éléments néoclassiques. Les formes élégantes aux lignes épurées s'ornent de simples cannelures rudentées, de rainures et de motifs circulaires. Les surfaces lisses sont parfois gravées de motifs délicats, mais, le plus souvent, elles sont dépourvues d'ornement. De larges plaques d'argent, introduites à peu près à la même période, permettent désormais à l'orfèvre de couper et d'assembler les parties concaves plutôt que de les mettre en forme par martelage.

Les pièces d'orfèvrerie se rencontrent moins fréquemment dans les églises protestantes de cette période, et elle sont rarement exposées. Les églises anglicanes du XVIIIe siècle reçoivent des pièces d'argenterie de mécènes d'Angleterre, notamment de la famille royale britannique. La reine Anne a offert des calices, des patènes, des flacons en forme de chopines et des écuelles pour l'aumône. Un ensemble de communion qu'elle a donné à ANNAPOLIS ROYAL se trouve présentement à l'église St. Paul à Halifax. Un autre ensemble, offert aux Mohawks de New York, a été par la suite envoyé en Ontario, où il est conservé dans la réserve des Six-Nations, près de Brantford. George III a fait parvenir de l'argenterie aux villes de Saint-Jean et de Québec; la cathédrale Notre-Dame de Québec possède toujours certaines de ces pièces, tandis que deux autres appartiennent maintenant à la paroisse de Saint-Armand, dans les Cantons de l'Est. Nombre de pièces d'orfèvrerie retrouvées dans les églises anglicanes s'apparentent par leurs formes à celles des églises catholiques, quoique généralement très sobres, conformément aux courants stylistiques britanniques. D'autres églises protestantes utilisent des pièces d'argenterie durant cette période, mais dans une moindre mesure. Les pièces que l'on trouve dans les premières églises presbytériennes et méthodistes sont fort simples et ont souvent l'aspect d'objets d'usage quotidien. Les patènes utilisées pour la communion proviennent surtout de Grande-Bretagne et des États-Unis.

Les pièces d'orfèvrerie des églises des Maritimes viennent presque exclusivement de France et de Grande-Bretagne. En effet, seules quelques-unes ont été fabriquées localement. La cathédrale de Moncton possède une ancienne pièce acadienne en argent, un porte-Dieu réalisé par Jean Ferment de Québec, vers 1751. En 1835, John Munro fabrique deux patènes en argent pour l'église presbytérienne St. Andrews, à Saint-Jean (Nouveau-Brunswick). À Halifax, Peter Nordbeck et d'autres artisans exécutent de superbes ouvrages pour les églises de la Nouvelle-Écosse, de 1820 jusqu'au milieu du XXe siècle.

Une fois le peuplement du pays bien engagé et les églises construites, on aura généralement recours à l'importation pour l'orfèvrerie religieuse. Au milieu du XIXe siècle, grâce à de nouvelles techniques de fabrication et d'argenture, le coût de l'orfèvrerie est moins élevé à l'étranger. Bien qu'à cette époque Robert Hendery de Montréal et François Sasseville de Québec réalisent une grande quantité de vases sacrés, il est de plus en plus difficile pour un artisan de soutenir la concurrence. C'est encore vrai aujourd'hui, et seule une infime partie de l'argenterie est fabriquée au Canada. Les églises protestantes importent surtout leurs objets sacrés de Grande-Bretagne et des États-Unis, tandis que ceux des églises catholiques proviennent d'un peu partout dans le monde.