Les premiers Inuits (culture de Thulé) | l'Encyclopédie Canadienne

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Les premiers Inuits (culture de Thulé)

Les premiers groupes inuits, originaires du nord de l’Alaska, s’installent dans l’est de l’Arctique nord-américain (c’est-à-dire au Canada et au Groenland) il y a environ 800 ans (autour de 1200 de notre ère). En l’espace d’un siècle environ, certains de ces premiers groupes inuits migrent rapidement à travers ce qui correspond aujourd’hui aux Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et au Groenland. Vers le 15e siècle de notre ère, les premiers groupes inuits vivent dans tout l’Arctique oriental. Les premiers Inuits se distinguent des Dorset et des pré-Dorset. Même si l’endroit où ils vivent a légèrement changé au fil du temps, ces premiers Inuits représentent les ancêtres directs des Inuits d’aujourd’hui.

Traditions en matière de nomenclature

De nombreux noms ont été utilisés au fil de l’histoire pour décrire les premiers Inuits. Les archéologues et anthropologues danois, qui sont parmi les premiers scientifiques occidentaux à caractériser les vestiges archéologiques des premiers Inuits, désignent ce groupe sous le nom de « Thulé ». Ce nom, qui provient d’une communauté portant le même nom dans le nord du Groenland, est encore couramment utilisé dans la littérature archéologique publiée. « Thulé » a été inventé par les géographes de la Grèce antique pour décrire l’endroit le plus septentrional au monde. À l’époque, ils faisaient référence à l’Europe du Nord. Bien plus tard, les explorateurs danois utilisent ce terme pour désigner un comptoir commercial situé au nord-ouest du Groenland. La « Société de Thulé » est un mouvement non apparenté qui voit le jour en Allemagne au cours des années 1910 et 1920. Ses membres sont à l’origine de ce qui deviendra le parti national-socialiste (nazi) (voir Fascisme). En raison de la ressemblance de ces noms, certains archéologues suggèrent qu’il n’est plus approprié de désigner les premiers Inuits comme la culture de « Thulé ».

Certains chercheurs utilisent le terme « préhistorique » ou « préeuropéenne » comme synonyme de cette période de l’histoire des Inuits. Cependant, ces deux termes placent le contact avec les colons européens au premier plan de l’histoire des Inuits. Il ne convient sans doute pas de classer les peuples autochtones en fonction de ce critère uniquement.

C’est pourquoi l’appellation « premiers Inuits » sera privilégiée tout au long de cette page. Les termes susmentionnés sont utilisés comme synonymes de premiers Inuits dans les livres et les articles sur ce sujet. L’appellation « premiers Inuits » se rapporte généralement à la période allant de 1200 à 1500 de notre ère. Cette période est parfois appelée « Inuit classique » (ou Thulé classique). Certains gardiens du savoir et aînés inuits appellent les premiers Inuits Taissumanialungmiut (« le peuple venu d’un lointain passé »).

Technologie

La technologie des premiers Inuits est très différente de ce que l’on connaissait auparavant. En particulier, les techniques de chasse des premiers Inuits sont très sophistiquées, avec des types d’outils différents utilisés en fonction des tâches effectuées.

Les objets courants trouvés sur les sites des premiers Inuits, tels que les têtes de harpon et les étuis à aiguilles, sont très similaires aux exemples contemporains qu’on trouve en Alaska. En outre, les sites des premiers Inuits de l’Arctique oriental présentent des traces de production de céramique. L’analyse scientifique de ces récipients en céramique montre que la matière première provenait de l’Alaska, et ce, bien que les premiers sites inuits se trouvent à des centaines, voire des milliers de kilomètres à l’est. Au fil du temps, la culture matérielle des sites inuits ultérieurs de l’Arctique oriental se distingue de celles des sites contemporains de l’Alaska. En particulier, les récipients en céramique cessent d’être produits au profit de versions en stéatite. Ce matériau est plus facile à trouver dans l’Arctique oriental. La grande similitude de la culture matérielle entre les sites de l’Alaska et du Canada explique en partie pourquoi les archéologues considèrent que la migration initiale a été rapide.

La plupart des outils tranchants des premiers Inuits sont fabriqués à partir d’ardoise polie. Très peu d’outils en pierre sont fabriqués à l’aide de techniques de taille par pression. Les premiers groupes inuits utilisent aussi fréquemment le cuivre et le fer. Le cuivre natif provient de la région de la rivière Coppermine et de l’île Victoria. Quant au fer, il provient d’un champ de dispersion au cap York, dans le nord-ouest du Groenland. Les premiers Inuits utilisent tellement de métal que certains archéologues suggèrent que la recherche de nouvelles sources de métal pourrait être l’une des principales raisons de leur migration rapide vers l’est de Arctique. Bien que les premiers Inuits ne fondent pas leur propre métal, certains indices suggèrent qu’ils se procurent du métal fondu au travers d’échanges commerciaux avec les Vikings du Groenland (voir Expéditions vikings).

Les sites des premiers Inuits sont généralement très bien conservés. Les objets en os, en ivoire, en bois de cervidé et en bois sont beaucoup mieux représentés dans les collections archéologiques. Les premiers Inuits utilisent fréquemment des arcs et des flèches, des perçoirs à archet, des traîneaux à chiens, de grandes embarcations (appelées umiak) et de plus petites (appelées kayak).

Architecture

Les groupes de premiers Inuits possèdent différents types de maisons pour les saisons chaudes et froides. Les villages des premiers Inuits sont généralement plus grands que les sites de la culture Dorset. Cependant, leur taille peut varier en fonction de la vocation du site (par exemple, le village de Brooman Point).

Les habitations de la saison chaude sont des tentes en peau. Elles sont appelées tupiq (tupiit au pluriel). Les vestiges archéologiques d’un tupiq sont une disposition circulaire des pierres utilisées pour lester les bords de la couverture de la tente en peau.

Les maisons de la saison froide, également appelées huttes de terre ou maisons d’hiver, sont les éléments archéologiques les plus étudiés des premiers Inuits. Les maisons d’hiver des premiers Inuits évoluent au fil du temps. Cependant, certains aspects sont communs. Les maisons d’hiver sont partiellement creusées dans le sol. Les murs sont constitués de grosses pierres. Le bois flotté ou des os de baleine sont utilisés pour la charpente supérieure. Une couverture en peau d’animal ou, plus communément, des blocs de tourbe sont assemblés sur cette charpente pour former le toit. Les maisons sont généralement de forme circulaire ou plutôt carrée. Au milieu de l’espace de vie principal, les archéologues trouvent parfois des dalles de pierre verticales. C’est là que se trouve une lampe en pierre (appelée qulliq). Souvent, à l’arrière de l’espace de vie principal, on trouve une plateforme surélevée qui sert de couchage. Plus hautes que le sol, les plateformes de couchage sont un peu plus chaudes que l’espace de vie principal. La plupart de ces maisons d’hiver possèdent de longs passages dans lesquels il faut ramper pour pénétrer à l’intérieur. Ces passages étroits sont creusés à une plus grande profondeur que le plancher principal. Cela permet d’emprisonner l’air plus froid et lourd de l’extérieur pour éviter qu’il ne pénètre dans la maison. Dans les premiers spécimens de ces huttes de terre se trouve une petite pièce circulaire attenante à l’espace de vie principal. C’est dans cette pièce que l’on cuisine le plus souvent.

Les premiers Inuits vivent parfois dans des maisons de neige (voir Igloo) pendant l’hiver. Ces habitations ont laissé peu de traces archéologiques. Certains archéologues pensent que les maisons de neige sont devenues plus courantes au cours des périodes ultérieures. Au cours de cette dernière période, les premiers Inuits utilisent fréquemment un autre type de maison, appelé qarmaq (qarmat au pluriel). Les qarmat sont utilisées en automne et au printemps. Elles sont creusées dans le sol comme les huttes de terre d’hiver, mais n’ont généralement qu’une couverture en peau en guise de toit, comme les tupiit.

Selon l’époque et la région, les premiers Inuits vont construire également d’autres types de structures, comme le qargi (qariyit au pluriel). Il s’agit d’une sorte de bâtiment de cérémonie ou de rassemblement. Il est souvent situé à proximité d’autres types de maisons inuites. Les premiers Inuits construisent également différents types d’inuksuit (inuksuk au singulier). Les inuksuit sont utilisés à diverses fins, notamment pour marquer les itinéraires de voyage ou des lieux importants.

Subsistance

Les premiers Inuits ont tendance à être plus sédentaires que les groupes précédents. Cependant, ils dépendent toujours d’animaux similaires, tels que les phoques, les morses, les poissons (par exemple, l’omble chevalier), les oiseaux (par exemple, l’eider à duvet), les bœufs musqués et les caribous. Les premiers Inuits cueillent également des plantes.

Les premiers Inuits chassent différents animaux en fonction de la saison et de la région géographique. L’un des principaux aspects de la subsistance des premiers Inuits est la chasse à la baleine boréale en été et en automne. Il s’agit d’entreprises complexes et coûteuses qui nécessitent la coopération de plusieurs familles. Certains archéologues pensent que les premiers groupes inuits ont une hiérarchie sociale distincte. Cela s’explique en partie par la complexité de la chasse à la baleine et par l’importance de cet animal dans leur régime alimentaire. La chasse à la baleine est restée courante en Alaska. Cependant, elle a lentement perdu de son importance pour les Inuits de l’Arctique oriental. La raison pour laquelle cette activité est devenue moins courante fait l’objet de nombreux débats. Le refroidissement du climat et son incidence sur les populations de baleines pendant le Petit Âge glaciaire, qui se situe autour du 15e siècle, pourraient y avoir contribué.

À la fin de l’été ou au début de l’automne, les premiers groupes inuits se déplacent généralement à l’intérieur des terres en se concentrant sur la chasse au caribou et aux oiseaux, ainsi que sur la pêche. Les surplus de nourriture provenant de ces activités sont stockés dans des caches. L’hiver, ils chassent moins, se contentant de quelques phoques et morses. Au printemps, il est plus courant de chasser le phoque et les oiseaux. Pendant cette saison, les premiers Inuits pratiquent aussi occasionnellement la pêche.

Importance de la collaboration

Par le passé, un grand nombre de chercheurs ont fondé leur interprétation des vestiges archéologiques des premiers Inuits sur des documents ethnographiques de la société inuite du 19e et du début du 20e siècle.

Ces récits ethnographiques (voir Anthropologie) sont généralement consignés par des non-Inuits ayant des objectifs de recherche différents. Par conséquent, ils offrent une perspective biaisée sur la façon dont les Inuits vivent par rapport aux connaissances directes des Inuits. La culture matérielle, l’architecture et la subsistance des premiers Inuits sont intrinsèquement liées à leurs croyances et pratiques socioculturelles. Les preuves archéologiques et ethnographiques peuvent donner une idée de ce qu’étaient ces pratiques il y a des centaines d’années. Cependant, la collaboration avec les anciens et les gardiens du savoir inuits est essentielle pour comprendre l’ensemble des aspects de la vie des premiers Inuits.

Guide pédagogique perspectives autochtones

Lecture supplémentaire

Liens externes