Kent Monkman | l'Encyclopédie Canadienne

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Kent Monkman

Kent Monkman, OC, artiste, cinéaste (né le 13 novembre 1965 à St. Marys en Ontario). Kent Monkman fait partie des artistes les plus doués et les plus cotés de sa génération. Son travail s’appuie sur des techniques de peinture traditionnelles, mais également sur des performances, des films et des installations. Dans ses œuvres, il explore différents aspects de son identité autochtone et de l’homosexualité, abordant souvent des questions relevant à la fois de l’histoire des gais et de celles des Premiers Peuples. Dans une tentative d’ébranler le spectateur et de subvertir ses attentes, il endosse dans sa production, la personnalité du « filou », appartenant notamment à la tradition des Premières Nations, sous les traits de son alter ego, Miss Chief Eagle Testickle. Dans ses toiles d’une grande luxuriance visuelle, souvent à l’échelle de peintures murales, il présente des récits inversés des relations entre Autochtones et colons. Son travail propose une critique cinglante, parfois provocante, de l’histoire du Canada et de la façon dont elle a été consignée. Il a reçu plusieurs prix et de nombreuses distinctions, notamment un prix Indspire, un prix du premier ministre de l’Ontario pour l’excellence artistique et un doctorat honorifique de l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario.

Kent Monkman

Jeunesse et formation

Kent Monkman nait en Ontario et grandit au Manitoba, principalement à Winnipeg, mais également dans différentes réserves du nord de la province. D’ascendance moskégonne, anglaise et irlandaise, il appartient à la bande de la rivière Fisher au Manitoba. Dès son plus jeune âge, il est attiré par la création artistique et, à 17 ans, il entame des études en illustration dans le cadre d’un programme d’art commercial au collège Sheridan à Brampton en Ontario. Par la suite, il fréquente diverses institutions canadiennes et américaines, notamment le Centre d’arts de Banff, le Sundance Institute à Los Angeles et le National Screen Institute à Winnipeg. Il travaille ensuite comme scénographe et concepteur de costumes pour différentes productions théâtrales à Toronto avant de se consacrer exclusivement à sa propre œuvre artistique.

Premières influences

Ayant grandi au Manitoba, Kent Monkman est profondément troublé, dans son enfance, par le sentiment d’aliénation vis‑à‑vis les traditions culturelles des Premières Nations et, plus généralement, de dépossession, que l’on retrouve fréquemment chez les Autochtones des milieux urbains canadiens. Dans sa pratique artistique, il est attiré par les paysages romantiques, peints par des artistes du 19e siècle tels qu’Edward Church, Thomas Cole et Albert Bierstadt. Il se passionne particulièrement pour la façon dont les œuvres des premiers peintres canadiens comme Cornelius Krieghoff, Paul Kane et Peter Rindisbacher offrent une vision idéalisée et romantique de la vie et de la culture des Premières Nations, tout en présentant les Autochtones, postérieurement à l’arrivée des Européens, comme des êtres exotiques appartenant à une espèce en déclin (voir également Peinture : 1840‑1940).

Le peintre et journaliste américain George Catlin, qui tout au long de sa carrière a réalisé de magnifiques portraits d’Autochtones souvent empreints d’une grande tendresse, constitue l’une de ses principales influences. George Catlin considérait les nations autochtones de l’Amérique du Nord, de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud comme une race en voie de disparition qu’il convenait d’étudier scientifiquement et dont il fallait enregistrer des témoignages visuels. Outre ses toiles, il a rassemblé des artefacts autochtones pour les exposer dans sa « galerie indienne » de Philadelphie. Il avait également l’habitude d’inviter des Autochtones, hommes et femmes, à se produire lors de ses expositions dans des spectacles de danse, avec l’objectif déclaré, de donner à voir des représentations authentiques d’un patrimoine en train de s’éteindre.

Œuvres de la maturité

Dans ses œuvres ultérieures, Kent Monkman poursuit son exploitation des conventions de l’art romantique du 19e siècle. Bien qu’il s’approprie les paysages historiques et l’imagerie narrative du Canada, son art ne constitue ni une simple assimilation ni une amélioration de cette tradition ancienne. Bien au contraire, il met en œuvre un processus de « recréation » d’œuvres d’art antérieures, comme autant d’occasions de représenter, avec ironie et souvent avec beaucoup d’humour, les attitudes des premiers artistes canadiens vis‑à‑vis de la culture des Premières Nations, des attitudes toujours actuelles. Dans une tentative d’ébranler le spectateur et de subvertir ses attentes, il endosse souvent, dans sa production artistique, la personnalité du « filou » des Premières Nations sous les traits de son alter ego, Miss Chief Eagle Testickle, un être à la forme changeante, se déplaçant dans le temps et de genre variant. Dans ses toiles d’une grande luxuriance visuelle, souvent à l’échelle de peintures murales, il présente d’étranges récits inversés des relations entre Autochtones et colons.

Kent Monkman s’intéresse particulièrement à la représentation de l’homosexualité qu’il considère comme une pratique acceptée, voire valorisée, dans la culture des Premières Nations, mais dont il estime qu’elle a été ultérieurement réprimée par des croyances judéochrétiennes oppressives. Ses tableaux complexes, représentant des hommes autochtones et blancs entretenant des rapports intimes, sont conçus pour provoquer un choc visant à amener, avec une douce ironie, le spectateur à prendre conscience de la nature hautement comique des attentes des Blancs en matière de domination culturelle.

Dans son exposition itinérante de 2010 The Triumph of Mischief, il peint, par exemple, de fausses toiles historiques de grande taille illustrant des rencontres amoureuses entre « cow‑boys et Indiens » dans lesquelles figure également son personnage emblématique, Miss Chief Testickle. Cette dernière joue le rôle de « maîtresse de piste » d’un cirque sophistiqué et flamboyant fustigeant les mythes classiques entourant les contacts entre la culture des Autochtones et celle des colons.

Les œuvres de The Triumph of Mischief sont également accompagnées d’un film de photographies et d’une performance théâtrale.

Sesquicentenaire du Canada

Dans sa série Honte et préjugés : une histoire de résistance, Kent Monkman tente, à la fois en tant qu’artiste et en tant que commissaire d’une exposition itinérante, d’embrasser un siècle et demi d’histoire canadienne avant la Confédération. Ce projet est présenté pour la première fois au centre d’art de l’Université de Toronto le 26 janvier 2017. Clin d’œil à des œuvres d’art historiquement importantes, comme les toiles de Robert Harris et de Paul Kane, l’exposition met en vedette des peintures de grande taille de l’artiste autochtone décrivant et critiquant des événements véritables ou imaginaires survenus au Canada au cours des 150 dernières années, voire précédemment.

Une des pièces centrales de la série, The Daddies, une œuvre de 2016, constitue une réinterprétation du célèbre tableau de Robert Harris de 1884 Les Pères de la Confédération (voir également Pères de la Confédération). Dans la version de Kent Monkman, les participants à la Conférence de Charlottetown sont disposés en demi‑cercle autour de Miss Chief Eagle Testickle que l’on voit nue perchée sur des talons hauts.

L’exposition itinérante Honte et préjugés : une histoire de résistance sera présentée un peu partout au Canada jusqu’en 2020, notamment à Kingston, à Charlottetown, à Halifax, à Montréal, à Winnipeg et à Vancouver.

Expositions et Collections

Les œuvres de Kent Monkman ont été largement exposées au Canada, aux États‑Unis et en Europe. Il a participé à de nombreuses expositions de groupe et à des expositions personnelles au Musée des beaux‑arts de Montréal, au Musée des beaux‑arts de Winnipeg, à l’Art Gallery of Hamilton, dans le cadre de la Collection McMichael d’art canadien et au Musée royal de l’Ontario. Ses œuvres cinématographiques et vidéo (souvent créées avec sa collaboratrice de longue date, Gisèle Gordon) ont été présentées aux Berlinales 2007 et 2008 à Berlin et au Festival international du film de Toronto de 2007.

Le travail de Kent Monkman figure dans de nombreuses collections publiques canadiennes et internationales, notamment celles du Musée des beaux‑arts du Canada, du Musée des beaux‑arts de Montréal, du Glenbow Museum, du Musée d’art contemporain canadien à Calgary, de la MacKenzie Art Gallery à Regina, du Musée des beaux‑arts de l’Ontario, de la Art Gallery of Nova Scotia à Halifax et du Smithsonian National Museum of the American Indian à Washington (voir également Art autochtone; Courants artistiques contemporains).

Kent Monkman est représenté par la galerie Pierre‑François Ouellette art contemporain à Montréal et à Toronto, par Trepanier Baer à Calgary et par Peters Projects à Santa Fe.

Influence et importance

Kent Monkman a acquis une reconnaissance internationale pour sa capacité à combiner, dans des œuvres regorgeant de détails et de couleurs, des conventions de genre disparates et pour la manière brillante qu’il a de reformuler et de refonder un certain nombre de récits historiques. Dans son travail, qu’il s’agisse de ses toiles ou de ses installations, il véhicule un sens de l’humour et de la satire cinglant avec pour objectif de transmettre son message, en s’abstenant toutefois de toute forme de discours moralisateur ou d’admonestation. La large approbation des méthodes qu’il emploie est une preuve de leur efficacité.

Prix

  • Prix du leadership Egale, Egale Canada (2012)
  • Prix Indspire, catégorie Arts (2014)
  • Prix d’excellence pour les arts visuels, Fondation Hnatyshyn (2014)
  • Prix du Bonham Center, Mark S. Bonham Centre for Sexual Diversity Studies (2017)
  • Doctorat honorifique, Université de l’École d’art et de design de l’Ontario (2017)
  • Prix artistique individuel, Prix du premier ministre pour l’excellence artistique, Province de l’Ontario (2017)
  • Officier, Ordre du Canada (2023)